Evasion fiscale : le Panama, pays à la réputation sulfureuse
Le pays revendique en même temps des engagements pour la transparence des transcations qu'il accueille, mais aussi un non respect assumé des règles internationales.
Le scandale mondial d'évasion fiscale des "Panama Papers", révélé dimanche 3 avril, renforce considérablement l'image de ce pays d'Amérique centrale comme plaque tournante du blanchiment d'argent. Ce petit pays de 3,5 millions d'habitants, accusé d'être un paradis fiscal, est le siège de nombreuses compagnies offshore et se retrouve régulièrement mis en cause pour l'opacité de son système financier.
Un pays dépendant du secteur financier
Le secteur financier florissant du Panama représente, en comptant les revenus issus de son célèbre canal, près de 80% du PIB. Outre un taux de croissance parmi les plus élevés du continent, cette nation, qui a adopté le dollar comme monnaie et dispose de l'une des principales zones franches du continent américain, peut se vanter d'un taux d'inflation particulièrement bas.
Ces dernières années, les gouvernements successifs se sont efforcés de présenter le pays comme un centre financier favorable aux affaires, à l'image de Singapour, et qui souhaite attirer davantage d'entreprises et d'investisseurs.
Une image redorée...
Après avoir subi une forte pression de la communauté internationale, et plus particulièrement des Etats-Unis, le Panama a redoré son image ces dernières années, au point de parvenir à sortir de la liste noire des pays suspectés de blanchiment de capitaux.
En 2012, comme le rappelle Marianne, la France avait signé un accord traité de coopération fiscale avec le Panama. Le président français de l'époque, Nicolas Sarkozy, avait ainsi accordé à son homologue panaméen la possibilité de faire sortir son pays de la liste noire de l'OCDE. Selon l'hebdomadaire, l'objectif du président français était de ne pas priver les entreprises françaises des gros contrats que le Panama menaçait d'annuler.
Ironie du calendrier, mi-février 2016, le président panaméen Juan Carlos Varela s'est félicité que le pays soit également sorti de la "liste grise" de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI), après l'adoption d'une série de réformes par son gouvernement.
Les révélations des "Panama Papers" pourraient réduire à néant ces quelques avancées.
... mais un manque de transparence problématique
Bien que nombre des transactions mises en lumière par cette vaste enquête ne soient pas forcément illégales, elles n'en demeurent pas moins sensibles politiquement. Mais c'est surtout le peu d'empressement du Panama à appliquer pleinement les standards internationaux de transparence qui font tâche.
En dépit de la pression étrangère, le pays a ainsi traîné des pieds au moment de répondre aux demandes d'échanges d'informations financières d'autres pays et à lever son secret bancaire. En décembre, le collectif d'ONG spécialisé dans la justice fiscale Tax Justice Network, avait estimé que "le Panama fait un pied de nez à la transparence". De son côté, Transparency International a classé le pays au 72e rang, sur 168, des pays les plus transparents du monde.
"Le Panama est devenu le pays le plus opaque de la terre", confirme Pascal Saint-Amans, le directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE. Ce pays fait de la résistance. Face à cette situation, il faut maintenant que le Panama décide de prendre des engagements et arrête de se faire de la pub en disant qu'il ne respecte aucune des règles internationales. Nous avons des standards. Des règles internationales. Le vrai souci, c'est qu'il faut les appliquer."
La vice-présidente panaméenne Isabel De Saint Malo déclarait le mois dernier à la BBC que son pays était "complètement engagé" dans l'échange d'informations financières, se disant toutefois "préoccupée par le coût que cela impliquait pour nos institutions financières".
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