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François Hollande mène-t-il la même politique économique que Nicolas Sarkozy ?

Pour 40% des Français, la politique économique du président est similaire à celle de son prédécesseur.  D'où vient cette impression ?

Article rédigé par Héloïse Leussier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Nicolas Sarkozy (à gauche) et François Hollande lors de la passation de pouvoirs, le 15 mai 2012 à l'Elysée, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)

François Hollande, Nicolas Sarkozy, blanc bonnet et bonnet blanc ? Les Français sont en tout cas de plus en plus nombreux à penser que la politique économique du chef de l'Etat est similaire à celle de son prédécesseur, comme l'indique un sondage Ifop (PDF) paru dans le Journal du Dimanche le 17 mars. Selon cette enquête, 40% des Français interrogés font ce constat, alors qu'ils n'étaient que 35% à ne pas avoir remarqué de "changement" en novembre 2012. 

Si la majorité des sympathisants PS et UMP continuent d'observer des différences entre les politiques économiques des deux présidents, près d'un sympathisant sur deux du Front de gauche pense à l'inverse qu'elles sont assez semblables. D'où vient cette impression ? Pour mieux comprendre, retour sur les différentes réformes engagées (ou non) par François Hollande. 

Une politique européenne identique qui écrase toutes les autres

Grandes promesses, effets limités. Durant la campagne présidentielle, le candidat François Hollande s'était engagé à renégocier le Traité budgétaire européen accepté par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. Finalement, cette renégociation s'est seulement traduite par un accord des Vingt-Sept sur le "pacte de croissance" voulu par Hollande, qui peine à porter ses fruitsCe qui a changé, c'est surtout le ton employé vis-à-vis de l'Allemagne. Le président français n'a pas poursuivi avec Angela Merkel la bonne entente que Nicolas Sarkozy entretenait avec la chancelière, et qui avait valu au duo le surnom de "Merkozy". Le président socialiste a affiché publiquement ses divergences avec son homologue allemande sur l'avenir de la zone euro.

Mêmes contraintes, même politique. Mais sur les contraintes budgétaires, il est resté silencieux, comme le constatent deux économistes interrogés par francetv info. "Même s'il y a effectivement eu un changement de tonalité, et que ce n'est pas rien, tout cela, c'est du théâtre. Dans les faits, François Hollande a accepté les règles européennes", juge, sévère, Christophe Ramaux, du collectif des Economistes atterrés"Il n'y a pas eu de coups d'éclat", note pour sa part Nicolas Bouzou, directeur-fondateur de la société d'analyse financière Asterès

Le traité a été entériné dans les termes négociés par Nicolas Sarkozy : il contient la fameuse "règle d'or" et impose aux Etats de la zone euro un déficit public inférieur à 3% du PIB. Pour Christophe Ramaux, cela revient a accepter "une cure d'austérité". D'où la similitude entre les deux présidents : "Hollande poursuit la rigueur engagée par Nicolas Sarkozy." Dans ces conditions, difficile de se démarquer. "A partir du moment où les objectifs (relancer la croissance et réduire le chômage) et les contraintes (réduire les déficits, rassurer les marchés) sont les mêmes, il est logique que les politiques convergent", explique Nicolas Bouzou.

Fiscalité : un changement que Nicolas Sarkozy lui-même n'aurait pu éviter

Une politique fiscale marquée à gauche... "La suppression des cadeaux fiscaux de Nicolas Sarkozy laissait pourtant envisager un changement radical dans la politique économique", poursuit Christophe Ramaux. Sur le plan de la fiscalité, François Hollande a effectivement cherché à marquer un tournant par rapport à son prédécesseur, surnommé péjorativement le "président des riches". Les contribuables les plus aisés ont bien été sollicités davantage, par la création d'une tranche marginale de l'impôt sur le revenu à 45%, une réévalution de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l'annonce d'une taxe à 75% sur les très hauts revenus. Ces mesures n'ont pas tardé à faire réagir l'UMP qui a dénoncé un "matraquage fiscal".

... qu'il faut relativiser. Pourtant, ces mesures sont surtout symboliques. D'ailleurs, l'économiste Thomas Piketty, qui avait pourtant influencé le programme économique du candidat François Hollande, a rapidement estimé dans une interview au site classé à gauche Rue89 que le gouvernement avait "tout faux" dans sa politique. Mais Nicolas Sarkozy aurait-il fait mieux ? "S'il était resté au pouvoir, il aurait lui-même frappé davantage les riches. Il avait d’ailleurs déjà commencé avec des taux marginaux qui étaient sensiblement en progression pour les ménages au-dessus de 200 000 euros”, explique l'éditorialiste et chef du service politique et économie de France 2, François Lenglet, au site marqué à droite Atlantico

 Secteur public et entreprises : des réformes contradictoires

Gages aux fonctionnaires. "Il est certain que les mamours de François Hollande envers le secteur public, sont et seront toujours nettement plus appuyés que les 'je t’aime moi non plus' de Sarkozy. Voir par exemple le jour de carence des fonctionnaires, les emplois protégés et autres contrats de génération", ajoute sur Atlantico le journaliste André Bercoff. Malgré la cure d'austérité, le président a effectivement accordé quelques réformes favorables au service public, avec notamment la création de 60 000 postes dans l'Education nationale. "François Hollande reste poussé par son électorat naturel et notamment les fonctionnaires", note pour francetv info Philippe Martin, économiste au département d'économie de Sciences Po.

Pourtant, concernant la révision des politiques publiques, certains n'observent pas le changement attendu : "Quelle est la différence entre la RGPP [révision générale des politiques publiques]", mise en place par Nicolas Sarkozy, "et la MAP [modernisation de l’action publique] ?", mise en place par le gouvernement Ayrault, s'est interrogé Thierry Lepaon, le nouveau leader de la CGT, dans un entretien au JDD. Par ailleurs, si des recrutements sont prévus dans l'Education nationale et la police, ils seront compensés par des suppressions de postes dans d'autres ministères.

Coup de pouce aux entreprises. Parmi les mesures phares du début du quinquennat, le crédit d'impôt compétitivité à destination des entreprises, financé par une hausse de la TVA, est celle qui est la plus critiquée par la gauche de la gauche. Ce dispositif est considéré comme un "cadeau aux entreprises" que l'ancien président n'aurait pas renié. "Entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, il y a effectivement une différence de ponctuation. Pour la première fois, on travaille la compétitivité non plus par l’endettement (...). De ce point de vue, TVA sociale ou pacte de compétitivité sont des dispositifs jumeaux", estime François Lenglet. "Peu importe le vocabulaire. Hollande s'inscrit dans la suite de Sarkozy, il considère, lui aussi, que le travail est un coût qu’il faut baisser", s'agace Thierry Lepaon.

A partir du moment où il accepte les contraintes imposées par les marchés et l'Union européenne, François Hollande semble presque condamné à mener une politique économique semblable à celle de son prédécesseur. Mais là où Nicolas Sarkozy semblait appliquer les remèdes typiques de la droite, "François Hollande manque de cohérence : c'est un coup à gauche, un coup à droite", regrette Philippe Martin. D'où l'impression renforcée qu'il n'a pas engagé de rupture, et que sa politique économique n'est pas clairement lisible. Dernier exemple en date : les annonces contradictoires concernant la taxation des allocations familiales

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