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Chez Yahoo!, le malaise des salariés qui s'évaluent les uns les autres

Des employés du géant américain d'internet s'interrogent sur une politique de ressources humaines qu'ils jugent agressive. D'autant que de mauvaises évaluations peuvent mener au licenciement.

Article rédigé par franceinfo
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Le siège de Yahoo! à Sunnyvale, en Californie (Etats-Unis), le 18 juillet 2006.  (JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Elle voulait faire de Yahoo! "le meilleur endroit au monde pour travailler". La PDG du groupe, Marissa Mayer, semble s'être égarée en chemin. Sur des forums internes et des sites spécialisés, des salariés racontent comment ils sont obligés d'évaluer leurs collègues, selon une grille d'objectifs individuels. Un système qui pourrait avoir conduit au licenciement, ces dernières semaines, de 600 salariés jugés "sous-performants" par leurs collègues, explique AllthingsD (en anglais), site spécialité dans l'actualité high-tech.

En quoi consiste la notation des salariés ?

Le système a été mis en place il y a un an. Il consiste à situer les salariés sur une courbe en forme de cloche (une "bell curve"), grâce à des objectifs annuels et trimestriels, déclinés par service, par équipe et par individu. Un moyen pour repérer les meilleurs salariés. Et les moins performants. Selon AllThingsD, ces notations sont suivies de conséquences. Les salariés qui ont "raté" ou "partiellement raté" les objectifs "au moins deux fois sur les cinq derniers trimestres évalués", risqueraient le licenciement.

Le site Businessweek (en anglais) compare ce principe à celui du "forced ranking" (un classement forcé), qui impose des quotas. Explications : sur une courbe en forme de cloche, divisée en trois, un patron (ou chef de service) répartit ses salariés. La partie centrale représente les 70% d'employés qui travaillent bien et sont importants, à l'extrémité droite, les 20% les meilleurs et à gauche, les 10% les moins bons. Pour respecter les proportions, le responsable peut donc être obligé de sous-évaluer ou de surévaluer les membres de son équipe.

Qu'en disent les employés de Yahoo! ?

La méthode passe mal auprès des salariés. Un certain nombre d'entre eux s'en plaignent sur une plateforme de discussion interne, auquel le site AllthingsD a eu accès. "J'ai été obligé de noter des 'ratés occasionnels' dans l'évaluation d'une salariée, cela m'a mis très mal à l'aise", écrit un employé anonyme. "Pour répondre à la courbe en cloche, je dois parfois dire que des employés manquent leurs objectifs, quand je ne crois vraiment pas que ce soit le cas", ajoute-t-il.

Un autre s'interroge sur la justification de cette méthode de notation et souligne l'implication personnelle de la PDG de Yahoo! dans les critères d'évaluations : "Souvent, lorsqu'on demande pourquoi nous fonctionnons de telle ou telle façon, la seule réponse est 'parce que Marissa l'a dit'. Pourtant, il y a sans doute une bonne raison, mais elle est éliminée par cette réponse toute faite."

Que répond Yahoo! ?

Interrogée à ce sujet, Marissa Mayer assure que le système instauré chez Yahoo! (et importé de Google, son ancien employeur) est plus souple que la stricte "courbe en cloche" et ses quotas. Elle se défend également d'avoir imposé cette méthode durant une réunion du personnel du groupe, et précise qu'il s'agit uniquement de lignes directrices.

Ce système est-il (au moins) efficace ?

La méthode est née chez le constructeur automobile Chrysler dans les années 1980. Très utilisée dans les entreprises américaines, elle est pourtant sur le déclin car pas vraiment efficace. Selon cet article de businessweek.com, seules 5% des entreprises performantes utilisaient ce système de classement forcé en 2011. Car pour éviter de manquer leurs objectifs précisément définis, les salariés prennent moins de risques. Ce qui fait du tort à l'innovation, dont les entreprises high-tech ont pourtant cruellement besoin.

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