Hydrogène blanc dans les Pyrénées : "Si on comprend où il y a des gisements qui peuvent être exploités, on en a pour très longtemps" affirme une membre de l'Académie des technologies
"Si on comprend où il y a des gisements qui peuvent être exploités, on en a pour très longtemps", affirme Isabelle Moretti, chercheuse à l'université de Pau et des Pays de l'Adour et membre de l'Académie des technologies, invitée lundi 4 décembre sur franceinfo, alors que le gouvernement a donné son feu vert dimanche 3 décembre à des recherches inédites en France. Un permis a été donné à l'entreprise TBH2 Aquitaine pour tenter de trouver des gisements d'hydrogène blanc - ou hydrogène "naturel"- dans les Pyrénées.
Grâce à ce permis "exclusif", l'entreprise peut faire des recherches dans une zone de 225 kilomètres carrées, sur près de 40 communes, réparties entre Sauveterre-de-Béarn et Oloron Sainte-Marie. Elle pourra envisager le forage d'ici quelques années. D'autres permis sont à l'étude, notamment en Moselle et en Auvergne- Rhône-Alpes. Actuellement, un seul site d'hydrogène naturel est exploité dans le monde. Il se situe au Mali. L'intérêt grandit pour l'hydrogène notamment dans les secteurs des transports, puisque son utilisation n'entraîne aucune émission de CO2.
franceinfo : Comment expliquer qu'on ne l'exploite pas déjà, ou du moins qu'on ne l'ait pas déjà cherché, cet hydrogène blanc ?
Isabelle Moretti : Il y avait un certain nombre de d'idées préconçues sur la question qui tendait à faire dire à un certain nombre de scientifiques que des accumulations d'hydrogène dans le sous-sol ne pouvaient pas exister car c'est un gaz très léger. Mais le puits au Mali a montré que c'était faux. On peut avoir des accumulations d'hydrogène dans le sous-sol. Par ailleurs, on recherche actuellement un mix énergétique moins carboné et donc, l'hydrogène est apparu, au début, comme vecteur énergétique pour stocker les énergies renouvelables sous forme de gaz. Mais très rapidement, on s'est rendu compte qu'il y avait un problème économique à ces transformations de gaz à l'électricité. Et donc on a cherché d'autres sources d'hydrogène et l'hydrogène naturel, qui était connu depuis longtemps, mais pas comme une source d'énergie, est revenu en haut de la pile.
Est-ce que c'est coûteux à extraire l'hydrogène blanc ?
Actuellement, l'hydrogène le moins cher est celui qu'on fabrique à partir du méthane. Donc un tiers du prix, c'est le méthane, un autre tiers, c'est le chauffer pour casser la molécule en présence d'eau et le dernier tiers, c'est nettoyer le gaz à l'arrêt pour obtenir de l'hydrogène pur. Et, ça, ça fait déjà un hydrogène quatre fois moins cher que l'hydrogène des électrolyses. Donc si vous produisez l'hydrogène avec les mêmes technologies que celles avec lesquelles vous produisez le gaz naturel, et que vous oubliez les processus de transformation, vous avez forcément un hydrogène qui est moins cher que l'hydrogène le moins cher actuellement.
Est-ce que c'est une solution temporaire, ce gisement ? Est-ce soutenable ?
La réaction qui libère l'hydrogène vient d'une interaction entre l'eau et la roche et c'est une réaction assez rapide. On peut faire de l'hydrogène en laboratoire en quelques jours, par exemple.
"Au Mali, le gisement est exploité depuis dix ans et la pression n'a jamais baissé dedans"
Isabelle Moretti, membre de l'Académie des technologiesà franceinfo
Donc ça prouve qu'on a une génération de gaz qui peut être assez rapide. Ensuite, dans certains cas, ce sera plutôt une accumulation et quand on n'en produit pas, il faudra en trouver une autre. Mais ce qui est important, c'est les ressources, la quantité d'hydrogène que la Terre génère tous les jours et qu'elle a pu générer depuis quelques centaines de millions d'années. Et là, on est sur 100 000 ans de la consommation actuelle. On est assez serein car si on comprend où il y a des gisements qui peuvent être exploités, on en a pour très longtemps.
Est-ce que cet hydrogène blanc est difficile à stocker ?
Dans notre profession, on évite le mot hydrogène blanc, on parle plutôt d'hydrogène naturel. Pour le stockage, on peut le stocker en subsurface dans des cavités salines, en particulier. Mais si on est en train de produire un gisement d'hydrogène, on peut aussi adapter la production aux besoins et donc, produire plus ou moins, en fonction de ce dont on a besoin de consommer à ce moment-là.
Il y a par ailleurs une appréhension particulière du public, est-ce que l'hydrogène naturel présente des risques d'explosion?
L'hydrogène présente toujours des risques d'explosion qu'il soit gris, noir, blanc, bleu, vert... Il faut, en effet, travailler proprement et faire attention, mais c'est toujours pareil. Il y a des gens qui travaillent bien et des gens qui travaillent mal. En tout cas, il n'y a rien de révolutionnaire là-dedans. Les grandes compagnies qui produisent de l'hydrogène manufacturé savent très bien comment ne pas avoir d'accident. Mais il faudra peut-être, si on commence à avoir des voitures à hydrogène, que Monsieur-tout-le-monde comprenne qu'on ne peut pas siphonner l'hydrogène dans sa voiture pour le donner aux voisins.
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