Présidentielle : une "progression incontestable du Front national" constatée au sein de la fonction publique
Lundi dernier, les enseignants de l'académie de Lille ont reçu un courrier leur demandant de ne pas participer à toute manifestation à caractère pré-électoral. Interrogé sur franceinfo, Bruno Cautrès, chercheur au CNRS, a jugé ce courrier "surprenant".
On ne s’attend pas à ce que des enseignants montrent leur préférence politique devant leurs élèves.
Bruno Cautrèsà franceinfo
Lundi dernier, les enseignants de l'académie de Lille ont reçu un courrier leur demandant de ne pas participer à toute manifestation ou cérémonie publique susceptible de présenter un caractère pré-électoral, selon les informations recueillies par franceinfo.
Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), a jugé ce courrier "surprenant" jeudi 9 mars sur franceinfo. Cela "ne fait pas partie du tout de nos obligations de réserve pour les fonctionnaires. C’est à l’image de cette campagne hors-norme", a-t-il jugé.
franceinfo : Cela paraît-il surprenant de rappeler le devoir des enseignants pendant la campagne électorale ?
Bruno Cautrès : Cela paraît d’autant plus surprenant que, s’il y a bien une obligation de réserve des fonctionnaires, c’est bien sûr dans l’exercice de leur métier.
On ne s’attend à ce que des enseignants montrent leur préférence politique devant leurs élèves.
Bruno Cautrèsà franceinfo
Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans ce courrier, où il est demandé aux enseignants de ne pas assister à des réunions politiques pendant la campagne électorale. Cela ne fait pas partie du tout de nos obligations de réserve pour les fonctionnaires. C’est à l’image de cette campagne hors-norme.
Le gouvernement a fait des gestes à destination des enseignants, notamment en matière de salaires, cela ne risque-t-il pas de se ressentir dans les urnes ?
Les enseignants, et plus largement les fonctionnaires, ont été longtemps une cible assez captive pour des candidats de gauche. Le clivage entre les salariés du privé et du public a longtemps été une ligne de division forte de la politique française. Puis quelque chose s’est cassé dans le rapport à la gauche des fonctionnaires. On vient d’avoir cinq ans de pouvoir de gauche, les fonctionnaires ont pu être déçus, sur les questions de salaires, des conditions de travail, des évolutions de carrière. Bien que le gouvernement a pris des mesures en fin de mandat de François Hollande, il y a sans doute un sentiment pour les fonctionnaires de rendez-vous raté entre eux et ce pouvoir qui vient de gouverner pendant cinq ans.
S'agit-il d'une défiance envers la gauche ou envers la politique en général ?
Les fonctionnaires ne sont pas à l’abri des évolutions qui traversent toute notre vie politique. Les fonctionnaires sont comme les autres salariés. Ils sont marqués par deux ou trois phénomènes marquants de ces derniers mois : la défiance envers la politique, le phénomène Macron et la montée de Marine Le Pen. On constate notamment dans plusieurs emplois et métiers de la fonction publique, une progression incontestable du Front national. Nous l’avons identifiée notamment dans la grande enquête que vient de réaliser le Cevipof.
Dans la fonction publique hospitalière, le Front national enregistre des scores plus élevés que dans l’ensemble de l’électorat.
Bruno Cautrèsà franceinfo
C’est sans doute lié au fait que dans cette fonction publique, il y a beaucoup d’emplois qui sont à des niveaux de qualification un peu plus faibles, à des niveaux de rémunérations plus bas. On voit que ce sont des ressorts du vote pour le Front national, c’est-à-dire, le sentiment d’exercer un métier non reconnu, qui est en déclin et qui est mal rémunéré.
Qu’est ce qui fait écho auprès des fonctionnaires dans le discours du Front national ?
On a vu plusieurs fois Marine Le Pen qui indiquait que si elle était élue présidente de la République, elle se chargerait de revaloriser les salaires des emplois les moins qualifiés de la fonction publique. Elle a, à plusieurs reprises, mentionné que si son programme proposait de stopper les aides sociales à ceux qui n’étaient pas de nationalité française, ça serait pour réorienter cet argent public vers les revalorisations de salaires des emplois les moins bien rémunérés de la fonction publique. On ne voit pas en revanche de percée pour Jean-Luc Mélenchon. Dans certains groupes, notamment dans la fonction publique territoriale, on voit une attirance pour Jean-Luc Mélenchon. On va aussi retrouver des tendances que l’on voit dans tous les groupes, à savoir un coude à coude entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.