: Reportage "Gérer toute seule, je ne peux pas" : à Valenciennes, les jeunes de l'Aide sociale à l'enfance sont accompagnés vers l'autonomie
Une grande manifestation nationale est organisée à Paris, mercredi 25 septembre, pour réclamer une protection de l’enfance digne de ce nom. Les professionnels de l’ASE (l’Aide sociale à l’enfance) estiment ne plus pouvoir faire leur travail correctement. Notamment en fin de parcours, quand ces jeunes placés deviennent majeurs, après avoir longtemps vécu en famille d’accueil ou en foyer. Le collectif qui manifeste estime que 10 000 d’entre eux ont été abandonnés à leur sort l’an dernier, après leur 18e anniversaire.
Il existe pourtant des lieux où l’on accompagne ces jeunes de l’ASE au-delà de leur majorité, jusqu’au moment de prendre leur envol. La Maison Claire Morandat, à Valenciennes (Nord), compte une soixantaine de places en tout, réparties en différents secteurs plus ou moins autonomes.
Gagner en autonomie chaque jour
Morgane habite depuis un mois tout en haut de la maison commune, où vivent neuf autres jeunes et une équipe d’éducateurs. Elle occupe un grand studio, avec un lit simple, "un bureau, une table, une cuisine au cas où je veux manger toute seule." Dans son frigo : "Des légumes, des fruits...", décrit-elle. À bientôt 19 ans, Morgane gagne chaque jour un peu d’autonomie : "Quand on est prêts à faire nos courses tous seuls, ils nous laissent y aller. Cette semaine normalement, je les ferai toute seule." La jeune femme reconnaît être fière d'elle et "se sentir beaucoup mieux".
La structure est financée par le département, et gérée par SOS Villages d’enfants. Elle existe depuis 1986 mais s'est progressivement développée. Les jeunes qui y vivent ont connu les foyers, les familles d’accueil mais sont désormais majeurs. Ailleurs, ils seraient lâchés dans la nature. Cette structure représente une transition vers la vraie vie d’adulte. Une étape indispensable, dit Laura, qui a 18 ans : "Vu que j'ai été placée depuis mes deux ans, je ne sais pas comment je pourrais vivre sans la protection de l'enfance. Gérer toute seule, pour l'instant, je ne peux pas."
"Le but n'est pas de les assister"
On compte aujourd’hui 37 professionnels encadrants, qui fournissent un accompagnement éducatif, social, etc... Ils sont présents en permanence, jour et nuit : "Si on se coupe le doigt, qu'on ne sait pas quoi faire, qu'on est en panique, on descend et ils sont là. Alors qu'en 168, non, on est plus autonomes." Le "168", dans le jargon d’ici, veut dire l’étape d’après. Quand Laura occupera un studio semi-indépendant - comme une trentaine de jeunes - en dehors de la maison, souvent à quelques minutes à pied de la structure.
Abdel, l’un des éducateurs, ne passera qu’une à trois fois par semaine, selon les besoins : "Le but n'est pas de les assister, mais de développer l'autonomie. Donc si on passe tous les jours, ce n'est pas non plus très bon." Mais il faut rassurer, être là quand il n’y a plus de famille.
"Par exemple, cet après-midi on a un rendez-vous à la banque avec une jeune. Il y a une ouverture de compte en cours. Forcément à 18 ans, tu n'as pas l'habitude de gérer ça tout seul donc tu peux être accompagné."
Abdel, l'un des assistantsà franceinfo
Un jour pourtant, comme pour Pauline, il faut partir : "Ma sortie est prévue au mois de décembre. Je vais bientôt avoir 21 ans." Une perspective qui fait "quand même un peu" peur à la jeune femme. Elle visite en ce moment des appartements, pour sa vie d’après. Mais elle pourra toujours solliciter l’aide de cette équipe, jusqu’à ses 25 ans. Un service dit "de suite", rare ailleurs en France et que tout le secteur aimerait voir se développer. Pour les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), le fait de s’installer dans leur propre logement à l’issue de cette transition, c’est vraiment la porte d’entrée souhaitable vers leur vie d’adulte indépendant.
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