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#Jesuisvictime : quand les violeurs "sauront que les femmes parlent, ils y réfléchiront à deux fois", estime Giulia Foïs

La journaliste de France Inter publie un livre "Je suis une sur deux" dans lequel elle raconte le viol qu'elle a subi à l'âge de 20 ans.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Giulia Foïs, journaliste à France Inter, autrice de "Je suis une sur deux". (CHRISTOPHE ABRAMOWITZ)

L'actrice Adèle Haenel a quitté la cérémonie des César vendredi soir après la récompense attribuée à Roman Polanski, objet de vives critiques après une nouvelle accusation de viol. Depuis, des milliers de femmes ont pris la parole sur Twitter, pour raconter les abus qu'elles ont subis, avec le hashtag #jesuisvictime.

"Elles ont raison" de parler, a expliqué ce mardi sur franceinfo Giulia Foïs, journaliste à France Inter. Elle publie "Je suis une sur deux" aux éditions Flammarion, où elle raconte un viol subi à l'âge de 20 ans, et le procès qui s'en est suivi, qui a abouti à un acquittement. "Le silence n'est là que pour protéger les agresseurs", poursuit-elle. Quand les violeurs "sauront que les femmes parlent, ils y réfléchiront à deux fois."

franceinfo : ces femmes ont-elles raison de témoigner sur Twitter ?

Elles ont raison. C'est le moment. Depuis deux ans et demi on a réussi à mettre un orteil dans la porte, puis le pied, puis on va y aller avec le corps tout entier. Le silence n'est là que pour protéger les agresseurs. Ils le savent, ils savent très bien ce qu'ils font. Les psychopathes qui agiraient sous le coup de pulsions subites sont minoritaires. L'écrasante majorité [des violeurs] savent très bien qu'ils violent, et dans quel contexte ils le font, celui d'une quasi-impunité. Aujourd'hui, 1% seulement des viols débouchent sur une condamnation. Alors je pense que tous ceux-là, ces patrons, ces pères, ces frères -parce que 9 fois sur 10 les agresseurs sont parfaitement connus de leurs victimes-, quand ils sauront que les femmes parlent, ils y réfléchiront à deux fois. Donc bravo à elles, et merci à elles au nom de tout le monde, parce qu'on s'en sortira tous à partir du moment où on osera affronter ce monde-là en face.

Le silence n'est là que pour protéger les agresseurs

Giulia Foïs

à franceinfo

Ne serait-il pas mieux de témoigner au tribunal plutôt que sur Twitter ?

Dans l'idéal, oui. Dans l'idéal on porte toutes plainte et ils sont tous condamnés. Mais dans la vraie vie on est 10% à porter plainte. Aujourd'hui malheureusement l'acquittement reste la règle. Donc on adorerait se dire que ça va dans le bon sens, c'est faux. Parce que les magistrats ne sont pas suffisamment formés, parce que les policiers ne sont pas formés à recueillir la parole des victimes, et parce que la société toute entière a été fondée sur des millénaires de culture du viol, donc ce n'est pas en 50 ans de féminisme qu'on va renverser la table.

L'homme que vous avez accusé de viol a été acquitté, est-ce que ce n'est pas décourageant ?

C'est affreux. C'est être niée une deuxième fois, être humiliée une deuxième fois. C'est prendre un deuxième crachat dans la gueule en fait. Et encore, moi j'ai pu parler parce que le viol que j'ai subi correspond à peu près à ce qu'on imagine du viol : le parking, la nuit, le couteau et les coups de poing dans la gueule. Et puis j'ai pu parler parce que j'ai eu des parents formidables qui m'ont instantanément crue. Moi j'y suis allée comme ça, convaincue de tout ça. Et puis ça se casse la gueule. Vous en sortez avec l'idée que vous vivez dans un pays où non seulement ça arrive, mais en plus on a le droit de vous le faire, puisque celui qui vous le fait s'en sort libre.

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