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Loi sur les violences sexuelles : "Le texte est très insuffisant"

La sénatrice socialiste Laurence Rossignol s'est abstenue au moment du vote sur le projet de loi de Marlène Schiappa sur les violences sexuelles et sexistes, qui a finalement été adopté mercredi soir.

Article rédigé par franceinfo
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Laurence Rossignol sénatrice PS de l'Oise et ancienne ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes (POOL/ZIHNIOGLU KAMIL/MAXPPP / MAXPPP)

Laurence Rossignol, la sénatrice PS de l'Oise, assure que le projet de loi Schiappa sur les violences sexuelles et sexistes "ne convient pas". "La crainte de poursuivre des hommes qui se seraient fait manipuler par des enfants a été plus forte que la volonté de poser un interdit clair et précis", reproche au gouvernement l'ancienne ministre de la famille, de l'enfance et des droits des femmes, mercredi 1er août. Après de longs mois de débats et de controverses, la loi sur les violences sexuelles et sexistes a été définitivement adoptée lors d'un ultime vote dans la soirée.

franceinfo : Pourquoi est-ce que le groupe PS s'est abstenu lors du vote au sur le projet de loi en commission mixte paritaire au Sénat ?

Laurence Rossignol : Vous imaginez bien que, pour qu'une défenseur des droits des femmes comme moi en soit arrivée à s'abstenir, c'est que le texte effectivement ne convient pas. J'aurais tellement aimé pouvoir le voter dans sa totalité. Il y a une bonne mesure dans ce texte, c'est l'allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels sur les enfants, qui passe à 30 ans. Mais pour le reste, le texte est très insuffisant. Et d'ailleurs, ce qui a été frappant dans la discussion c'est la surdité du gouvernement. L'ensemble des acteurs de terrains se sont inquiétés de ce que ce texte n'apportait, en fin de compte, rien de nouveau pour protéger les enfants contre les prédateurs sexuels et le gouvernement s'est obstiné, et n'a pas voulu les écouter. D'ailleurs, à ce propos on a aussi noté que, dans ce gouvernement, il n'y a pas des ministres réellement chargés de la protection de l'enfance. Personne n'a défendu les enfants dans la discussion sur ce texte.

Que pensez-vous de la notion d'atteinte sexuelle avec pénétration, comprise dans l'article 2, qui avait fait débat et qui a finalement été abandonnée par Marlène Schiappa et Nicole Belloubet ?

C'est une bonne chose qu'elles aient retiré cette innovation juridique qui était très problématique, on ne reviendra pas sur ce débat. Mais une fois ceci retiré, que reste-t-il de ce texte ? Pas grand-chose. Et surtout, ce qu'il n'y a pas et que voulaient les associations, ce que nous voulions, c'était un interdit clair et précis qui disait qu'une relation sexuelle entre un adulte et un enfant de moins de 13 ans est un crime de violence sexuelle sur enfant. Et cet interdit n'est toujours pas clairement posé par la loi. On est toujours dans des aménagements du code pénal, mais le gouvernement a renoncé à dire qu'une relation sexuelle avec une enfant de moins de 13 ans et un adulte est un crime et doit être jugé comme un crime. Et donc, c'est ce qui manque dans le texte pour qu'on ait pu le voter.

Reprochez-vous au gouvernement que cette loi soit beaucoup trop pensée du point de vue de l'adulte et pas assez du point de vue de l'enfant ?

Oui. Parce que ce qui comptait dans ce texte et qui a fait office de discussions devant des tribunaux, c'est de savoir si un enfant peut ou non être consentant à une relation sexuelle avec un adulte, et il fallait marquer clairement que non, le consentement d'un enfant n'est pas possible. Mais le gouvernement s'en est tenu à beaucoup d'alertes qui avaient été faites, qui consistent à dire qu'en fin de compte, il faut faire attention à ne pas poursuivre des auteurs d'actes sexuels avec des enfants qui auraient pu se faire piéger. Vous savez ce sont ces fameuses Lolita, qui n'existent en fait que dans la littérature et d'ailleurs quand on parle de littérature, Lolita est une petite fille victime d'abus sexuels. Ce n'est pas une petite fille sexy. Et donc la peur, la crainte, de poursuivre des hommes qui se seraient fait manipulés par des enfants a été plus forte que la volonté de poser un interdit clair et précis et protecteur des enfants. Un enfant ne peut jamais être consentant dans une relation sexuelle avec un adulte parce qu'il n'a pas la capacité de mesurer ce qu'est l'enjeu d'une telle relation sexuelle.

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