Affaire Bayou : comment le droit définit les "violences psychologiques" dont l'écologiste est accusé
Les violences psychologiques sont punies par loi mais leur définition juridique reste floue et elles restent difficiles à prouver selon maître Khadija Azougach, secrétaire générale de l'association Lawyers for Woman.
Accusé de violences psychologiques par une ex-compagne, Julien Bayou a annoncé lundi 26 septembre qu'il quittait ses fonctions de secrétaire national d'EELV ainsi que la présidence de son groupe à l'Assemblée. Que qualifie-t-on de violences psychologiques ? On a posé la question à maître Khadija Azougach, avocate au barreau de Paris, spécialiste des violences faites aux femmes et secrétaire générale de l'association Lawyers for Woman.
Que dit la loi ?
Selon le code pénal, "le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés" qui ont pour but ou causent "une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale" est passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, une peine portée à 75 000 euros d'amende et de cinq ans d'emprisonnement si les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Une violence verbale ponctuelle n'est pas définie comme une violence psychologique "s'il ne s'agit de récidive", précise l'avocate. Il faut au minimum que les faits se soient produits deux fois.
La notion de "violences psychologiques" dans le cadre conjugal n'a été introduite dans le code pénal, par vagues successives, qu'à partir de 2010, avec la loi visant à protéger les victimes de violences psychologiques. "Cette loi a mis en évidence la nécessité d'intégrer cette notion dans le code civil et pénal mais elle est arrivée trop tard", affirme l'avocate. Pourtant, en France, dès le XIXe siècle, des jurisprudences ont défini "à leur façon" ce que sont ces violences selon Maître Khadija Azougach.
Un arrêt du 19 février 1892 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, par exemple, affirmait ainsi que les violences qui n'atteignent pas "matériellement la personne" mais provoquent chez elle "une sérieuse émotion" pouvaient être punies par la loi. Concrètement, la spécialiste des violences faites aux femmes les définit comme "des manifestations répétées de jalousie, du dénigrement, des injures, de l'isolement ou des violences économiques".
"On note aussi que les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement lorsque le harcèlement a conduit la victime à faire une tentative de suicide ou à se suicider" depuis le 30 juillet 2020, précise-t-elle.
Comment prouver l'existence de violences psychologiques ?
Pour prouver l'existence de violences psychologiques, des certificats médicaux, des témoignages de proches, des échanges de messages ou des mains courantes et plaintes "si la victime a eu la force d'en déposer" sont utilisés. Mais pour l'avocate, la "législation n'est pas très claire donc on est fréquemment amenés devant les tribunaux à expliquer en quoi le fait d'envoyer certains messages, par exemple, est constitutif des violences psychologiques. En quoi ce n'est pas un jugement de valeur sur le comportement de Monsieur mais une infraction", insiste-t-elle. "Souvent on nous rétorque que c'est un conflit conjugal ou des violences réciproques parce que Madame a répondu à ces paroles".
Existe-t-il beaucoup de condamnations pour violences psychologiques ?
En 2017, 17 559 personnes ont été condamnées pour violences conjugales dont 1 438 pour violences psychologiques, toujours selon l'observatoire. "Les violences psychologiques sont souvent vues comme une sous-catégorie" dans les violences, selon maître Khadija Azougach. Pourtant, selon l'observatoire national des violences faites aux femmes, huit femmes sur dix qui sont victimes de violences physiques sont aussi victimes de violences psychiques.
En raison de cette législation floue, qualifier ou non des violences psychologiques reste à la "libre appréciation des magistrats", pas toujours formés ni sensiblisés sur ces questions selon maître Khadija Azougach."Le magistrat le plus important, notamment dans ce type d'affaires, c'est le procureur. Le classement sans suite se fait normalement après avis du procureur. Et quand ce sont des procureurs de permanence, ils sont encombrés par des demandes. Il y a un manque de moyens et de formation. Donc il classera les choses et ça n'arrivera pas devant un tribunal", se désole l'avocate. Elle plaide donc pour la création d'un parquet composé de procureurs spécialisés dans les violences conjugales.
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