Le portrait d'un tueur du Bataclan exposé à Berlin au "Musée des martyrs" : "Nous avons conçu l'installation dans le plus grand respect des victimes"
Ida Grarup Nielsen, membre du collectif à l'origine de l'exposition, explique à franceinfo pourquoi la photo d'un terroriste du Bataclan figure à côté des portraits de Martin Luther King ou Socrate.
L'exposition suscite l'indignation. "Le Musée des martyrs", à Berlin, propose des photographies accompagnées de courtes biographies explicatives de 20 figures historiques présentées comme des "martyrs", des personnes "mortes pour leurs convictions". Parmi elles, le philosophe grec Socrate, le militant des droits civiques américain Martin Luther King mais aussi le Français Ismaël Omar Mostefaï, l'un des terroristes du Bataclan. Un ticket d'entrée pour la salle de concert figure à côté de sa photo.
L'ambassade de France à Berlin a fait part de sa "consternation" face à l'exposition, prévue jusqu'au mercredi 6 décembre, jugeant un "tel parti pris (...) profondément choquant". Franceinfo a interrogé Ida Grarup Nielsen, scénographe danoise et membre du collectif "The Other Eye of the Tiger" (L'Autre œil du tigre), qui a monté cette exposition. Elle explique la démarche artistique derrière ce choix contesté.
Franceinfo : Comment vous est venue l'idée d'organiser une exposition sur les martyrs ?
Ida Grarup Nielsen : L'idée d'une installation artistique autour de cette notion a germé après une visite au Musée des martyrs de Téhéran, en Iran. Il faut savoir que ce type de musées existe dans le monde entier. Nous avons créé une première exposition en mai 2016, à Copenhague. Elle a été réinstallée, en version plus petite, à Berlin.
Tous les martyrs représentés dans l'exposition ont été définis ainsi par un Etat, une religion ou une organisation. Ce ne sont pas les artistes du collectif qui les ont désignés ainsi.
Cette sélection a été faite pour montrer à quel point le terme de "martyr" a été largement utilisé, dans différents contextes et lieux géographiques à travers l'histoire. Une utilisation parfois incohérente.
Ida Grarup Nielsen, scénographeà franceinfo
L'exposition fait en effet cohabiter des meurtriers de masse, comme Mohammed Atta, l'un des principaux responsables des attentats du 11-Septembre, et des personnes assassinées, comme Martin Luther King...
Encore une fois, le Musée des martyrs ne représente pas notre vision mais met en scène la façon dont ce mot a été utilisé et mal employé dans l'histoire.
Ne craignez-vous pas, malgré tout, de servir la propagande de l'Etat islamique en reprenant sa terminologie pour désigner des terroristes kamikazes comme Ismaël Omar Mostefaï ?
Ce que nous avons essayé de faire, c'est simplement de comprendre pourquoi toutes ces personnes différentes, à travers le temps et l'espace, ont été prêtes à mourir pour ce en quoi elles croyaient.
Ida Grarup Nielsen, scénographeà franceinfo
Nous tentons aussi de montrer comment le martyr, comme icône, a toujours été utilisé pour conquérir une position politique à travers divers régimes et religions.
Comprenez-vous que votre démarche puisse choquer les victimes du terrorisme et leur proches, notamment en France ?
Bien sûr. Par le biais de cette exposition, nous essayons de comprendre ce qui est impossible à comprendre. Et c'est notre façon de faire. Il est extrêmement important pour nous de faire savoir que nous avons conçu cette installation dans le plus grand respect des victimes du terrorisme et de leurs proches. Nous ne cautionnons pas ces actes de violence ou de terreur. En aucune sorte.
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