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Photojournalisme : les migrants et les réfugiés au cœur du festival Visa pour l'image de Perpignan

Deux photographes présents à ce festival, le Français Olivier Jobard et l'Américaine Paula Bronstein, décryptent leur travail et justifient leurs choix.

Article rédigé par Julien Pasqualini
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
"Ghorban, né un jour qui n'existe pas", le reportage photo d'Olivier Jobard, est exposé au couvent des Minimes, à Perpignan, dans le cadre du festival Visa pour l'image. (JULIEN PASQUALINI / RADIO FRANCE)

La 30e édition du festival de photojournalisme Visa pour l'image se poursuit jusqu'au 16 septembre à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. Parmi les thèmes forts cette année, il y a les migrants et les déplacés. Deux photographes que franceinfo a rencontrés traitent ce sujet, chacun à sa manière : le Français Olivier Jobard et l'Américaine Paula Bronstein.

Olivier Jobard a photographié pendant huit ans Ghorban, un jeune Afghan arrivé seul à Paris en 2010 à l'âge de 12 ans, au terme d'un périple de 12 000 km.  

"Je m’intéressais pas mal aux mineurs isolés", raconte Olivier Jobard. "Je me baladais le long du canal Saint-Martin à Paris et j’ai rencontré un groupe d’une dizaine de mineurs isolés afghans, et il y en avait un qui m’avait plus touché que les autres, Ghorban. Il sortait un peu du lot en fait, c’est lui qui est venu vers moi. Il m’a interpellé, il m’a touché." 

"Les soucis s’accumulent dans mon cœur." Paris, janvier 2010.  (OLIVIER JOBARD / MYOP)

Dès lors, le photographe n'a cessé de suivre Ghorban dans son évolution, dans la rue, en foyer, puis à l'école, avant que le jeune homme obtienne la nationalité française.

C’est un parcours qui est semé d’embûches, c’est un jeune homme qui a beaucoup lutté pour pouvoir être intégré, pour être pris en charge

Olivier Jobard

à franceinfo

Et puis Ghorban "a obtenu ses papiers, ce qui n'a pas été simple. Finalement à 17 ans et 10 mois il a obtenu sa nationalité française, ce qui lui a permis de voter. C’était important pour lui et donc ce moment-là était particulièrement touchant puisque c’était une reconnaissance pour lui évidente de tout ce parcours d’intégration."

Olivier Jobard a aussi suivi Ghorban lorsqu'il est retourné en Afghanistan, revoir sa mère. Des retrouvailles émouvantes, qu'il a immortalisées.

"Ce n’est ni de sa faute, ni de la mienne. C’était notre destin." Ce sont les hommes de la famille qui ont forcé la mère de Ghorban à l’abandonner. Lal-wa-Sarjangal, Afghanistan, juillet 2017.  (OLIVIER JOBARD / MYOP)

Dans son travail, le photographe privilégie les histoires individuelles. Pour lui, c'est la meilleure façon de faire passer son message. "Je trouve que parfois les images que l’on voit, d’arrivées de bateaux, cette espèce de misérabilisme, de l’émigration, n’aident pas l’idée que je me fais de l’émigration", martèle-t-il. "J’ai plutôt envie de montrer que ce sont des gens comme vous et moi, des gens avec lesquels on peut échanger, converser, vivre, je trouve utile de pouvoir raconter ces histoires individuelles de manière à rendre ces migrants plus proches de nous."

Montrer ceux qu'on ne voit jamais

Chez la photographe américaine Paula Bronstein, on trouve moins d'histoires individuelles mais il y a la même volonté de montrer ceux qu'on ne voit jamais. Elle s'est intéressée à la crise des Rohingyas, cette minorité musulmane qui fuit les persécutions en Birmanie. La journaliste a pris ses premiers clichés en 2012, c'est-à-dire bien avant que la communauté internationale et les médias ne s'en émeuvent. 

"J’avais déjà le sentiment que cette crise pouvait assez facilement s’aggraver", explique Paula Bronstein, "puisque les Rohingyas tentaient déjà de fuir les camps dans lesquels ils étaient parqués, parce qu’ils n’avaient plus d’espoir et beaucoup de restrictions, ils ne pouvaient pas travailler ni recevoir une éducation."

Les Rohingyas vivent dans un système de type apartheid. On le voit dans mes photographies où ils sont derrière des barbelés.

Paula Bronstein

à franceinfo

Paula Bronstein a photographié les conditions de vie épouvantables des Rohingyas. Il y a ce vieil homme de 90 ans, par exemple, à bout de forces, qu'il a fallu porter pour traverser la frontière. 

22 septembre 2017. Abu Siddique (90 ans) sur une colline qui surplombe le camp de réfugiés Kutupalong. Il a fallu le porter pour traverser la frontière, ce qui lui a coûté toutes ses économies.  (© PAULA BRONSTEIN FOR UNHCR)

Paula Bronstein photographie aussi des corps. La journaliste estime qu'il faut tout montrer. "C’est très important parce que ces situations sont tragiques", assure-t-elle. "Cette population est arrivée au Bangladesh de nuit, dans des bateaux bondés. Dans mes photos, oui, il y a des corps de femmes et d’enfants. Par exemple il y a une photo de jeune femme qui n’est pas si difficile à regarder, elle vient d’arriver sur le rivage, elle est encore habillée, il n’y a pas de sang, on dirait qu’elle dort. Oui je pense qu’on peut tout montrer."

Paula Bronstein a le sentiment d'avoir contribué à éveiller les consciences sur la situation des Rohingyas, mais elle regrette tout ce temps perdu. "Quand on voit l’ampleur de cette souffrance humaine, on peut quand même se poser la question des médias internationaux qui ne s’intéressent à cette crise qu’au moment où elle atteint son paroxysme. Je sais que ça se passe tout le temps comme ça dans le monde. Ce n’est pas comme ça que les choses devraient fonctionner", regrette-t-elle. 

Kutupalong, Bangladesh, 17 septembre 2017. Sous la pluie torrentielle de la mousson, une famille nouvellement arrivée attend un abri. (PAULA BRONSTEIN / GETTY IMAGES / GETTY IMAGES ASIAPAC)

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