Après une mayo ratée, "il m'a renversé le bol sur la tête", confie un ancien élève de Paul Bocuse, "mais nous l'aimions"
Après la mort de Paul Bocuse, à l'âge de 91 ans, samedi, l'heure est aux hommages, notamment dans sa terre natale, à Collonges-au-Mont d'Or, près de Lyon, en particulier dans sa célèbre Auberge du Pont de Collonges, où franceinfo s'est rendu.
L’accueil des clients se fait toujours avec le sourire, et se doit d’être exemplaire. Mais les employés ont le cœur serré. Ils refusent d’étaler leur chagrin au micro. Le maître d’hôtel finit par confier : "On garde beaucoup de choses positives. Et là, ce soir, on va lui faire honneur et garder un service de qualité". Sur le toit de l’établissement, le nom de Paul Bocuse est inscrit en lettres lumineuses géantes.
Savourer chaque bouchée en guise d'hommage
Certains ont réservé il y a plusieurs mois pour déguster les spécialités du "pape de la gastronomie" tels que la "dodine de canard à l’ancienne pistaché et le foie gras de canard maison", ou encore le "filet de bœuf rossini sauce périgueux". Ils viennent des quatre coins de la France, de Marseille à Chambéry. La disparition de "monsieur Paul" ne laisse personne indifférent : "Cela nous a bouleversés", dit une cliente. "C’est un grand monsieur. C’est la gastronomie française qui a été exportée dans le monde entier", ajoute une autre. Un autre se souvient : "Nous sommes venus là il y a 4 ans, et il était là encore, un dimanche soir, il a accueilli sa clientèle, ce qui est rare". Le meilleur moyen selon eux de rendre hommage à Paul Bocuse est d’apprécier "chaque bouchée".
Un maître cuisinier exigeant
Direction le 6e arrondissement de Lyon, le restaurant de Pierre Orsi, grand chef cuisinier et apprenti de Paul Bocuse à la fin des années 50. "J'avais 15-16 ans, j'en ai 78", indique Pierre Orsi. Il se souvient d'un maître cuisinier exigeant : "Qu'est-ce qu'on retient quand on est un élève de Paul ? La dextérité, l'aisance, la gestuelle, l'autorité". Il exerçait une pression sur ses jeunes apprentis pour qu'ils délivrent le meilleur résultat.
On le craignait comme la foudre, on était terrorisés, parce qu'il était tellement exigeant, il était tellement droit.
Pierre Orsi, chef cuisinier, ancien élève de Paul Bocusefranceinfo
Et si une mayonnaise était ratée ? "Moi, il me l'a foutue sur la gueule. Je n'arrivais pas à la faire monter. Il m'a renversé le bol sur la tête", se souvient-il en riant. "Mais nous l'aimions, parce qu'il était bon, généreux, et on était sûrs que c'était le bon geste, le bon assaisonnement", nuance-t-il.
Avant d'ajouter : "Il n'a pas changé. Il a toujours eu la même cuisine. Il n'a fait aucune mode. Nous avons été très proches. On continuait à le voir, à le fréquenter". Selon lui, sa mort a été une "délivrance" car il "ne pouvait plus, ne voulait plus". Mourir à 91 ans ? "C'est pas mal. Il a eu trois vies. Il a fait le tour du monde, avant tous les autres. On l'appelait le cuisinier du siècle, je pense que c'est bien dit."
La perte d'un "exemple"
Quand on demande à Pierre Orsi ce qu'il a appris de Paul Bocuse ? "La modestie", répond-il aussitôt. "Ne pas se croire arrivé, parce qu'on remet deux fois par jour notre service auprès des gens, pas au-dessus. C'est un des seuls chefs qui rassemble, parce qu'il a compris qu'il faut une équipe, il faut des petites mains. Le voiturier est aussi important que le plongeur. Personne d'autre ne peut l'imiter. Il n'y a aucun autre Paul Bocuse."
S'il pouvait lui délivrer un dernier message ? "Merci monsieur Paul, de tout ce que vous nous avez donné et apporté." Pierre Orsi dit avoir perdu un "exemple".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.