Salon de l'agriculture : "On ne veut plus d'aide, mais des meilleurs prix", s'indignent les éleveurs face à Manuel Valls
Manuel Valls et Stéphane Le Foll se sont rendus, ce lundi, au Salon de l'agriculture, à Paris. Ils ont été hués par des éleveurs en colère.
"Lâche-leur ta vache dessus, ils seront obligés de se bouger comme ça !" s'amuse Rosco, un éleveur de la Meuse, à l'arrivée de Stéphane Le Foll et de Manuel Valls. La traditionnelle visite des ministres au Salon de l'agriculture, à Paris, est mouvementée, lundi 29 février. Deux jours plus tôt, les agriculteurs en colère ont tenté de jeter de la bouse de vache sur François Hollande et le ministre de l'Agriculture. "Le climat est tendu et c'est normal", estime Manuel Valls devant les caméras de télévision.
Dans les allées du salon où sont exposés, entre autres, bœufs et moutons, les noms d'oiseaux fusent contre les ministres. Pas toujours du meilleur goût. "Va te cacher. T'as rien compris, petit zizi !" hurle un des exposants. Une grande banderole noire est déroulée sur le passage du cortège gouvernemental : "Je suis le top de la qualité française, mais ma passion ne suffit plus". Manuel Valls reste intransigeant : "L'insulte, la destruction, cela ne fait pas avancer les choses."
"Hé, Le Foll ! Tu ne me parles toujours pas !"
Mais c'est à Stéphane Le Foll qu'en veulent particulièrement les éleveurs, excédés par des prix trop bas. Il est de nouveau hué. Rosco, qui avait déjà participé aux actions de samedi, traque désormais le ministre dans les allées du salon. "Hé, Le Foll ! Je te suis toujours ! Tu ne me parles toujours pas ? T'en as rien à faire ?" s'époumonne l'éleveur lorrain, qui accuse le ministre de "laisser crever" les agriculteurs.
#agriculteurs S. Le Foll prend la parole sous les huées des éleveurs pic.twitter.com/EWoPWQiKuG
— Kocila Makdeche (@KocilaMakd) 29 février 2016
Le ministre de l'Agriculture rappelle que le gouvernement a baissé de 7 points les charges sociales dans le secteur et a promis une "année blanche" pour les agriculteurs aux revenus les plus faibles. "On ne veut plus d'aide, mais des meilleurs prix !" s'étrangle un autre agriculteur en colère. Dimanche, les agriculteurs ont aspergé de farine le stand Charal, marque du groupe Bigard, dont ils dénoncent la pression constante pour faire baisser les prix.
Sur 100 euros, 8 pour le producteur
Ces difficultés purement françaises sont liées à l'extrême concentration des enseignes de grande distribution, défendues par quatre centrales d'achat. "Nous devons rentrer dans cette chambre à coucher que sont les négociations commerciales, où nous sommes les laissés-pour-compte", s'indigne auprès de francetv info Pierre Vaugarny, secrétaire générale de la Fédération nationale bovine, une association spécialisée de la FNSEA.
Le syndicaliste a rencontré Manuel Valls. Il lui a remis un billet de 100 euros symbolique, censé représenter le panier de course moyen. Sur le billet figure la mention "8 euros pour le producteur".
#agriculteurs Il lui a remis un billet de 100e symbolique. Dessus la mention "8e pour le producteur" pic.twitter.com/pYTnqtSFaC
— Kocila Makdeche (@KocilaMakd) 29 février 2016
Je lui ai dit que c'était sa responsabilité de protéger les plus faibles. Aujourd'hui, ce n'est pas fait.
Défiance envers "les annonces politiques"
"Chacun doit assumer ses responsabilités. C'est le cas pour les industriels, c'est le cas pour la grande distribution, a répété Manuel Valls. S'il faut légiférer pour encadrer davantage, nous le ferons." Samedi, François Hollande a annoncé vouloir modifier "avant l'été" la loi de modernisation de l'économie (LME) adoptée en 2008 afin de garantir une meilleure protection des producteurs. Rebaptisée "loi Leclerc" par les éleveurs, le texte instaure la liberté de négociations des prix entre les centrales d'achat des grandes surfaces et leurs fournisseurs.
"J'ai appris à être prudent par rapport aux annonces politiques", tempère Pierre Vaugarny. Ce manque de confiance, tant dans le gouvernement qu'envers l'avenir du secteur, se retrouve dans la bouche de tous les exposants. Gaëtan, 16 ans, fils d'éleveurs de l'Eure-et-Loir, hésite à reprendre un jour l'exploitation familiale. S'il explique "aimer les bêtes", il évoque surtout "les montagnes de dettes" de ses parents. "Un jour, il n'y aura plus d'agriculteurs en France et tout le monde sera dans la merde."
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