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Augmentation des ventes de pesticides en 2018 : "Un échec patent" et "une preuve que les pratiques ne changent pas"

L'association Générations Futures constate un échec des politiques publiques et pointe du doigt la FNSEA, responsable de ne pas avoir "joué le jeu".

Article rédigé par franceinfo
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François Veillerette, directeur de l'association Générations Futures, en mai 2019 à Paris. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

La vente de pesticides en France est en forte augmentation de plus de 20% en 2018, ont indiqué mardi 7 janvier plusieurs ministères dans un communiqué commun. Le gouvernement estime que "cette évolution paraît liée à une anticipation des achats en fin d'année 2018 en prévision de l'augmentation de la redevance pour pollution diffuse", assure le communiqué interministériel. Mais pour François Veillerette, directeur de l'association Générations Futures, invité mercredi 8 janvier de franceinfo, cette augmentation est "une preuve que les pratiques ne changent pas". C'est également "un échec patent" du plan Écophyto voté il y a dix ans. "On est dans une agriculture toujours très intensive, très dépendante des pesticides chimiques de synthèse", poursuit-il sur franceinfo.

François Veillerette pointe également du doigt la responsabilité du principal syndicat agricole. Selon lui, si la transition vers une agriculture sans pesticides n'a pas pu se faire, "il faut blâmer les responsables de la profession. (...) Si la FNSEA avait joué le jeu, la profession agricole aurait suivi le message".

franceinfo : Peut-on considérer que cette augmentation est un échec des politiques publiques ?

François Veillerette : Oui, complètement. C'est ce que j'ai eu l'occasion de dire aux ministres présents hier à la réunion de présentation de ces résultats au ministère de l'Agriculture. C'est un échec patent puisque avec l'indicateur de suivi du plan Écophyto qui calcule le nombre de doses de pesticides utilisées, on a une augmentation de plus de 24 % entre 2017 et 2018. C'est considérable. Et ça fait suite à une augmentation depuis le début du plan d'à peu près 12%. On a donc un plan qui produit exactement le contraire de ce qu'il est censé produire. C'est un échec évident. Il faut désormais changer les politiques et les moyens mis en œuvre, de toute évidence.

La ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, concède qu'effectivement la politique menée depuis dix ans ne produit pas les résultats attendus. Il faut lui donner un nouveau souffle, dit-elle. Quel serait ce nouveau souffle ?

Mme Borne est très agacée par le fait qu'il y a eu près de 700 millions d'euros dépensés par son ministère pour le financement du plan Ecophyto. Et ce pour absolument aucun résultat. On partage cet agacement. Maintenant, effectivement, il faut mettre des moyens nouveaux puisque ceux utilisés jusqu'à présent ne produisent aucun résultat. L'analyse que l'on en fait est la suivante : le plan Ecophyto repose sur des engagements volontaires de la profession, par la voix notamment de la FNSEA, principal syndicat agricole. Eux disent qu'ils sont en train de changer. Mais les chiffres sont têtus et ils montrent que ce n'est pas vrai. En fait, les pratiques ne changent pas. On est dans une agriculture toujours très intensive, très dépendante des pesticides chimiques de synthèse.

Il va falloir passer à des mesures un peu plus coercitives, comme introduire une certaine dose de fiscalité, pour aider les agriculteurs qui font le plus d'efforts, et en prenant l'argent dans les poches de ceux qui ne font aucun effort.

François Veillerette, directeur de l'association Générations Futures

à franceinfo

Il y a aussi des choix à faire lors de la prochaine politique agricole commune qui se discute en ce moment. Il faudra faire des choix clairs : beaucoup moins de subventions fixes à l'hectare pour la production et beaucoup plus de subventions conditionnées au respect de pratiques agricoles vertueuses. Ce sont des actes politiques forts de ce type que l'on attend maintenant, sinon on est condamné à vivre cet échec année après année.

Cette augmentation de l'utilisation des pesticides prouve-t-elle que les agriculteurs ne peuvent pas se passer de ces produits ?

Je ne crois pas. Je crois plutôt qu'il faut blâmer les responsables de la profession dans cette affaire. Si la FNSEA avait joué le jeu, il y a déjà quelques années, la profession agricole aurait suivi le message. Or ce n'est pas le message qui a été délivré. On fait semblant de proposer un catalogue de solutions, mais qui, mises bout à bout, ne font pas un changement de système agricole capable de produire des résultats. Il faut se retrousser les manches maintenant et aller vers un changement de système de production agricole en France et aussi en Europe.

Comment convaincre nos voisins européens ?

C'est le boulot des représentants du gouvernement. Je crois que Mme Borne a compris ça. Et puis il y a quand même quelques lueurs d'espoir au niveau européen. La nouvelle Commission européenne, par la voix de sa présidente, s'est engagée à réduire l'utilisation des pesticides. On voit déjà des résistances apparaître. Il faudra donc pousser la Commission européenne pour qu'elle se dote au niveau communautaire d'objectifs ambitieux pour la réduction de l'usage des pesticides. La France doit également donner l'exemple de son côté.

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