Les chômeurs français sont-ils mieux lotis que leurs voisins européens ?
Dans le viseur de certains membres du gouvernement car ils le jugent trop généreux, le régime d'assurance-chômage est-il vraiment plus favorable en France que dans le reste de l'Europe ? Tentative de comparaison.
Financé par les cotisations salariales, le système d'assurance-chômage, géré par l'Unédic, devrait enregistrer un déficit de 3,8 milliards en 2014. Comment le colmater ? Dimanche 12 octobre, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a réclamé une nouvelle réforme de l’assurance-chômage. De son côté, François Rebsamen, ministre du Travail, n'avait pas hésité, début septembre, à se prononcer en faveur d'un "renforcement des contrôles" sur les chômeurs, estimant qu'une "sanction" est nécessaire dans le cas contraire.
Une polémique que n'a pas clarifiée l'Elysée, en assurant lundi 13 octobre que la négociation sur l'assurance-chômage viendrait "le moment venu, mais pas dans l'immédiat". Mais les chômeurs français sont-ils réellement mieux traités que leurs voisins européens ?
Plutôt oui, sur la durée minimale de cotisation
En France, il suffit de cotiser quatre mois au cours des 28 derniers mois (ou des 36 derniers mois pour les plus de 50 ans) pour pouvoir bénéficier de l'assurance-chômage.
Ailleurs en Europe. L'Unédic a établi, en janvier 2014, un tableau comparatif de l'indemnisation dans 12 pays d'Europe. Au regard de la durée de cotisation minimale ouvrant des droits au chômage, les Pays-Bas sont le pays le plus généreux après la France avec 26 semaines requises au cours des 36 dernières semaines (avec 16 heures par semaine minimum). A l'inverse, l'Italie requiert 2 ans d'affiliation et 52 semaines au cours des deux dernières années, et le Portugal exige 360 jours d'affiliation au cours des deux dernières années.
Plutôt oui, sur la durée maximale de l'indemnisation
En France, la durée maximale d'indemnisation est de deux ans, avec une allocation non-dégressive, et de trois pour les plus de 50 ans.
Ailleurs en Europe. Cette durée maximale peut aller jusqu'à 38 mois aux Pays-Bas, ou jusqu'à deux ans, comme en France, en Espagne et en Allemagne. En Belgique, après une durée de 48 mois durant laquelle le montant de l'allocation est dégressif, le demandeur d'emploi belge perçoit une allocation forfaitaire, en principe, sans limitation de temps. Le pays qui indemnise le moins longtemps est le Royaume-Uni, avec six mois.
Isabelle Grandgérard-Rance, directrice adjointe des affaires juridiques à l'Unédic, estime que la France se situe "dans la moyenne haute" de l'indemnisation-chômage, même si elle émet des réserves. Car si "l'on prend des parcours d'individus sur une durée de cinq ans (...) le système se situe dans la médiane des pays européens", ajoute-t-elle dans cette vidéo.
Oui, sur le montant maximal des indemnités
En France, le plafond maximal retenu est élevé puisqu'il permet de toucher jusqu'à 6 300 euros par mois pour des cadres à hauts salaires, comme le note Le Figaro. Le 22 janvier 2013, la Cour des comptes avait d'ailleurs recommandé de "mettre en place un taux de remplacement décroissant des prestations de l'assurance-chômage pour les niveaux d'indemnisation les plus élevés, à l'image de ce qui existe dans la plupart des pays européens". Elle soulignait aussi que ce plafond était le plus élevé en Union européenne (hors Suisse).
Cette indemnisation maximale concernait 1600 ex-cadres début 2014, selon Le Figaro, et "23.000 demandeurs d'emploi sont indemnisés entre 3500 et 7000 euros". La règle générale pour le montant des allocations est de 75% du salaire antérieur s'il est inférieur à 1128 euros, de 57% du salaire sinon.
Ailleurs en Europe. Si l'on se fie au comparatif établi par l'Unédic en janvier 2014, le plafond maximal est effectivement élevé en France. En Allemagne, le montant maximal est de 2 452 euros par mois. Au Danemark, de 2 367 euros par mois. En Belgique, de 1 603 euros mensuels. En Italie, de 1 165 euros. En Espagne, de 1 087 euros pour une personne sans enfant, mais de 1 242 avec un enfant, 1 397 avec deux enfants ou plus à charge.
L'indemnisation varie de 60% ou 67% du salaire de référence (comme en Allemagne) à 90% du salaire de référence (comme au Danemark).
Oui et non, sur les obligations faites aux chômeurs
En France, le demandeur d'emploi doit "accepter les offres raisonnables d’emploi", faute de quoi, il encourt une radiation, indique le site de Pôle emploi. Une règle rarement appliquée, faute d'emplois proposés. Selon une étude réalisée en 2012 au sein des 36 pays de l'OCDE et citée par l'Unédic, la France était considérée comme "sévère" (5e sur 36) en ce qui concerne les contrôles effectués sur la recherche d'emploi, en raison notamment du suivi mensuel personnalisé. Mais celui-ci a été abandonné en 2013, Pôle emploi étant "au bord de l'implosion". Elle était en revanche jugée souple concernant la sévérité des sanctions (34e sur 36).
Ailleurs en Europe. Au Royaume-Uni, il faut se présenter tous les 15 jours au "jobcenter". En Italie ou en Allemagne, refuser une offre d'emploi ou de formation peut mener un chômeur à se faire rayer des listes. Mais il est difficile de juger si ces règles sont drastiquement appliquées. Par ailleurs, une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares, dépendante du ministère du Travail) montre que dans un groupe de pays (Belgique, Suisse, Pays-Bas, Allemagne, Danemark), "les contrôles comme les sanctions ont un effet positif sur le retour à l'emploi, mais négatif sur la qualité des emplois retrouvés (moins stables, moins bien rémunérés), voire sur les parcours professionnels ultérieurs".
Non, si l'on prend en compte tous les transferts de l'Etat
En France, si les allocations chômage sont relativement généreuses, les autres dispositifs de l'Etat le sont moins. Or, comme le rappelait L'Humanité en janvier 2014, "moins d'un chômeur sur deux est indemnisé" et bon nombre d'entre eux dépendent d'autres dispositifs (comme le RSA).
Ailleurs en Europe. "Il faut savoir que l'aide à un chômeur comprend l'assurance-chômage, mais aussi les autres aides de l'Etat, explique à francetv info l'économiste et directeur adjoint au département analyse et prévision de l'OFCE, Eric Heyer. L'Allemagne est ainsi moins généreuse que la France sur l'assurance-chômage, mais l'est davantage sur l'aide au logement."
Ce que l'Unédic résume ainsi : "La protection des salariés qui perdent un emploi permanent peut s'évaluer à partir des critères suivants : la durée d'affiliation nécessaire pour accéder à la durée maximale d'indemnisation, la durée de prise en charge par l'assurance-chômage, les conditions dans lesquelles les dispositifs d'aide prennent le relais."
A partir de ces paramètres, l'OCDE avait classé, en 2011, les différents pays développés selon le "taux net de remplacement [du salaire par l'allocation-chômage et les autres aides de l'Etat] pour les salariés ayant une carrière salariale complète et restant au chômage pendant cinq ans". Et la France est devancée par les pays du nord de l'Europe.
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