Cet article date de plus de quatre ans.

Chômage partiel dans la grande distribution : "C'est une façon de transférer la responsabilité de la décision" au gouvernement, estime un spécialiste

"À partir du moment où il y a un dispositif d'accompagnement pour les salariés, il est finalement presque logique d'y recourir", juge sur franceinfo le journaliste Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une cliente d'un supermarché passe devant un rayon de produits non essentiels fermé, le 4 novembre 2020. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

"Ce n'est pas de la vengeance, c'est plutôt une façon de transférer la responsabilité de la décision à celui qui l'a prise", a déclaré samedi 14 novembre sur franceinfo Olivier Dauvers, journaliste, spécialiste de la grande distribution et auteur du blog "Le Web Grande Conso". Les enseignes de la grande distribution (Casino, Monoprix, Auchan et certains Leclerc) ont décidé d'avoir recours au chômage partiel pour protester contre la fermeture des rayons non alimentaires. Comme franceinfo le révèle, chez Carrefour, près de 90 000 salariés - sur 110 000 personnes - ont été placés au chômage partiel par la direction jeudi dernier sans aucune concertation. Une mesure dénoncée par les syndicats qui y voient "une fraude".

franceinfo : Est-ce un moyen pour les grands patrons des grandes enseignes de se venger de cette décision prise par le gouvernement ?

franceinfo : Ce n'est pas un moyen de se venger en tant que tel. Je préfère l'expression qui a été utilisée par l'un des syndicalistes de Carrefour qui parle de "pression" sur le gouvernement. Les grands distributeurs le font, mais les PME et les TPE le font aussi quand elles mettent leur personnel en chômage partiel. Elles disent de fait au gouvernement "Vous avez voulu nous empêcher de travailler, eh bien vous assumez". Donc, ce n'est pas de la vengeance, c'est plutôt une façon de transférer la responsabilité de la décision à celui qui l'a prise. Après tout, c'est quand même bien le gouvernement qui a décidé de fermer des rayons non alimentaires, de fermer des petits commerçants en promettant une compensation. Maintenant, la facture arrive. Ce n'est pas maintenant qu'il faut le regretter.

Ce recours au chômage partiel dans la grande distribution est légal mais est-il éthique ?

Dans la grande distribution, quand vous perdez ne serait-ce que 5% de votre chiffre d'affaires – parfois plus pour des magasins de très grande taille, avec de très grands rayons non alimentaires – c'est l'équation économique d'ensemble du magasin qui est bouleversée. C'est une caractéristique de ce métier.

"Je ne suis donc pas surpris de voir que la fermeture des rayons non alimentaires engendre du chômage partiel."

Olivier Dauvers, journaliste

à franceinfo

Dans le cas de Carrefour, c'est vrai qu'on peut s'étonner quand même un peu que ça concerne plus que les seuls rayons non alimentaires puisqu'on parle de 90 000 salariés. Mais encore une fois, sur cette période de l'année, les rayons fermés peuvent représenter 25% des ventes. C'est donc une grosse perte d'argent à la fin de la journée. Et puis, dans le commerce, il faut savoir qu'une vente perdue n'est jamais totalement rattrapée. C'est une règle dans ce métier. Alors, à partir du moment où il y a un dispositif d'accompagnement pour les salariés, il est finalement presque logique d'y recourir.

La grande distribution avait-elle déjà eu recours au chômage partiel lors du premier confinement ?

Non, ça n'avait pas été le cas lors du premier confinement. Et pour tout vous dire, de mémoire d'observateur de la grande distribution - ça fait une trentaine d'années - c'est la première fois que je vois autant de dispositifs de chômage partiel et autant de magasins qui ferment, à cette échelle-là. Cela veut tout simplement dire que lorsqu'on met le commerce sous cloche, en empêchant une partie des ventes, eh bien il y a forcément, tôt ou tard, des conséquences sociales. S'il n'y a plus de clients ou s'il y a moins de clients, il y a moins besoin de salariés, malheureusement.

Compte tenu de la croissance qu'ont connue ces enseignes lors du premier confinement - elles étaient les seules autorisées à ouvrir - avaient-elles les moyens de se passer de ce système de chômage partiel ?

J'en doute, parce que les rayons non alimentaires, à ce moment-là de l'année, c'est autre chose que les rayons jouets ouverts pendant le premier confinement. On a juste changé d'échelle. Pendant le premier confinement, les rayons - qui étaient effectivement tous ouverts - ne représentaient pas beaucoup dans l'activité de la grande distribution. Vous n'achetez pas vos jouets en mars ou en avril. Ni plus de livres en mars ou en avril que ce que vous auriez fait les mois avant ou après. Par contre, en novembre et décembre, vous achetez beaucoup plus de livres et de décorations de Noël. On a donc changé d'échelle sur les conséquences économiques de la fermeture de certains rayons. Les jouets pour la distribution, sur novembre et décembre, c'est plus de la moitié de la totalité des ventes de jouets de l'année.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.