Cet article date de plus de cinq ans.

Vidéo "On arrive à 18 ans frais comme un gardon, et on repart avec un déambulateur en fin de carrière" (Sylvana, caissière, 54 ans)

Publié Mis à jour
Article rédigé par France 2
France Télévisions

Médecin du travail depuis trente-cinq ans, le Dr Dumortier reçoit des salariés au corps usé par des gestes répétitifs, des charges trop lourdes. Ce matin-là, Sylvana, caissière de 54 ans, consulte pour une douleur au bras qui la handicape et la fait souffrir depuis un an. Extrait d'"Envoyé spécial".

Chez le Dr Dumortier, médecin du travail, 20% des patients viennent pour des douleurs. Des travailleurs au corps usé par les gestes répétitifs et les charges trop lourdes. Ce matin-là, Sylvana décrit une douleur au bras qui la fait souffrir et la handicape depuis un an. Le scanner montre des ligaments de l'épaule très abîmés. C'est ce qu'on appelle une "rupture de la coiffe".

A 54 ans, Sylvana est caissière dans un supermarché depuis trente-six ans. Elle a encore huit ans à tenir avant la retraite. Elle n'en est pas à ses premières douleurs occasionnées par le travail. Quatre ans auparavant, elle s'est fait opérer des tendons du poignet, le canal carpien. Des pathologies typiques de la caissière.

Le Dr Dumortier passe un tiers de son temps sur le terrain, pour observer les salariés au travail. Au cours d'une visite qu'elle rend à Sylvana, elle constate que la caissière a une nouvelle tâche à accomplir : réceptionner les paquets du nouveau service de relais-colis, mis en place hâtivement, sans que soient anticipées les conséquences possibles sur la santé des salariés.

Tâches supplémentaires, poste de travail mal adapté...

Sylvana a de lourdes charges à déplacer, des sacs remplis de paquets. Elle les tire de son bras valide pour les ranger à l'autre bout du magasin… dans un meuble qui n'est pas du tout adapté, juge le médecin. "Les rayons sont beaucoup trop bas, Madame est obligée de se mettre à quatre pattes ! Ce n'est pas possible qu'un salarié travaille dans ces conditions-là", alerte-t-elle.

Un ergonome viendra quelques semaines plus tard pour mesurer, peser les colis et aménager le poste de travail de Sylvana. Mais l'opération de l'épaule ne pourra pas être évitée. Ce qui signifie trois mois d'arrêt, minimum.

En attendant, Sylvana essaie de se ménager, et elle regrette de ne pas l'avoir fait plus tôt. "On travaille pour gagner notre argent et essayer de vivre, mais quand on voit le résultat… souffle-t-elle. On arrive à 18 ans, on est frais comme un gardon, et on repart avec un déambulateur à la fin de notre carrière. Ça va être exactement ça..."

Extrait de "Le travail qui casse", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 11 avril 2019.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.