Enquête Télétravail : tous espionnés ?
Face au variant Omicron, le Premier ministre Jean Castex, a annoncé le 27 décembre dernier un renforcement du télétravail.
Travailler de chez soi. Loin du bureau, des collègues… mais pas forcément loin du regard de son chef.
L’Oeil du 20h a enquêté sur les dérives du télétravail et va vous montrer comment certaines entreprises surveillent leurs salariés… parfois au mépris de la loi ?
Nous l’appellerons Xavier. Il souhaite garder l'anonymat. Un trentenaire salarié dans la finance. Il télétravaille depuis 2 ans et nous confie se sentir épié par son employeur : "mon employeur nous a tout simplement fait savoir qu’il avait mis dans nos postes de travail des logiciels de suivi de l’activité pour réaliser des statistiques anonymisées sur la productivité des équipes. Il lui arrive de faire des remarques sur l’endroit d'où l'on travaille. Si c’est de chez nous ou depuis un autre pays. Et également sur nos horaires de travail. Je ne sais pas jusqu’où il me surveille”.
En riposte, cet employé admet utiliser un petit logiciel pour échapper au contrôle virtuel de sa hiérarchie : “il m’arrive d’utiliser des VPN (Virtual Private Network -réseau virtuel privé) pour brouiller ma position, et j’essaie d’utiliser au minimum mon ordinateur de travail pour regarder des vidéos sur youtube ou netflix même en dehors des heures de travail”.
63% des entreprises françaises prévoient ou ont déjà adopté des outils pour superviser leurs employés en télétravail.
Vanson Bourne pour VMware
Une étude récente, réalisée par Vanson Bourne pour VMware révèle que 63 % des entreprises françaises prévoient ou ont déjà adopté des outils dans le but de renforcer la supervision de leurs employés en situation de télétravail. Parmi les mesures envisagées ou mises en place par ces entreprises figurent l’utilisation de logiciels de surveillance des e-mails (37 %), de la navigation sur Internet (36 %) et des outils de collaboration (45 %), ainsi que des systèmes de vidéosurveillance (24 %), des webcams dotées de technologies de suivi du regard (25 %), ainsi que des logiciels d’enregistrement de frappes au clavier (20 %).
Un phénomène importé des Etats-Unis, où la méthode est largement répandue depuis plusieurs année.
On a vraiment accès à tout. On peut avoir accès à ses recherches en ligne, aux frappes clavier
Depuis qu’il a monté son entreprise il y a quelques mois, cet ingénieur informatique est assailli de demandes de patrons. Démonstration, avec lui, de ce qu’il peut surveiller sur l’ordinateur d’un salarié : “on a vraiment accès à tout. On peut avoir accès à des recherches en ligne, aux frappes clavier… On peut voir qu'il est sur Paint, ou alors qu'il est en train de jouer à un site de poker en ligne”.
En france, quelles sont les limites de la surveillance numérique ?
Selon la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés), “si l’employeur peut contrôler l’activité de ses salariés, il ne peut les placer sous surveillance permanente”. Mais cet ingénieur admet régulièrement franchir la ligne rouge, à la demande de ses clients : "mon travail n’est jamais utilisé devant un juge parce qu’il est irrecevable. Il sert de point d’entrée à une discussion et à une négociation avec l’employé. Et très souvent, l'employé est mis devant le fait accompli de son manquement. Il va plutôt faire profil bas, faire le dos rond et essayer de négocier une porte de sortie”.
Il ne faut pas confondre supervision et surveillance
Baptiste Prezioso, avocat
Pour Me Baptiste Prezioso, avocat pénaliste qui conseille les entreprises, "il ne faut pas confondre supervision et surveillance".Selon lui, le recours à ces outils est même souvent nécessaire avec la généralisation du télétravail : “le code du travail mentionne très bien que l’employeur dispose de prérogatives de direction et de contrôle. Les employeurs ne sont pas que des employeurs, il sont aussi des entreprises qui engagent leur responsabilité avec tout leur écosystème. Il y a aujourd’hui un souci de certains employeurs de maintenir un niveau de productivité.”
Les entreprises qui ne respecteraient pas la loi encourent jusqu’à 5 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.
PARMI NOS SOURCES :
Les questions-réponses de la CNIL sur le télétravail
Etude VMware sur le télétravail : la surveillance des employés
(Liste non exhaustive)
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