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Réforme des retraites : "Injuste", "double-peine"... Les syndicats vent debout après la présentation du projet par Elisabeth Borne

Après la présentation de la réforme des retraites par Elisabeth Borne, les centrales syndicales restent fermement opposées au projet et annoncent une première journée de manifestations le 19 janvier. Les organisations patronales saluent en revanche les annonces.
Article rédigé par franceinfo
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La première ministre Elisabeth Borne a présenté sa réforme des retraites mardi 10 janvier. (BERTRAND GUAY / POOL / AFP POOL)

Elisabeth Borne l'a bien confirmé : il faudra travailler plus longtemps avant de partir en retraite. La Première ministre a dévoilé sa réforme à 17h30 mardi 10 janvier, destinée selon ses termes à " garantir l'équilibre du système en 2030". D'ici 2030, l'âge de départ à la retraite passera progressivement à 64  ans. Le rythme de la réforme Touraine s'accélère puisqu'en 2027, il faudra avoir cotisé 43 ans pour toucher une retraite à taux plein. 

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Alors que le Medef salue des "décisions pragmatiques et responsables" prises par le gouvernement, les syndicats de leur côté annoncent une première journée de grève et de manifestation le 19 janvier, une première mobilisation de toutes les organisations depuis 12 ans. Les numéros un de ces organisations (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) s'étaient retrouvés mardi à la Bourse du travail. Ils espèrent que cette manifestation "donne le départ d'une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée"

Pour la CGT, c'est "travailler plus pour gagner moins"

"Quand on a toutes les organisations syndicales de salariés mais aussi de jeunesse qui sont contre une telle mesure, ça doit faire réfléchir normalement", a lancé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, au micro des journalistes devant la Bourse du travail. Pour C atherine Perret , secrétaire confédérale de la CGT chargée des retraites, ces annonces confirment " toutes les mesures régressives déjà annoncées".

Interrogée sur franceinfo, elle estime que l'augmentation de l'âge de départ et l'accélération du nombre de trimestres constitue une " double-peine. Ça va être des décotes encore plus importantes pour les niveaux de pension, c'est travailler plus pour gagner moins". Concernant l'annonce de " l'extinction des régimes spéciaux" annoncé par la Première ministre, " c 'est complètement idiot, réagit Catherine Perret quand on sait que dans certains services publics, on n'arrive plus à recruter. C'est un non-sens économique et social". 

Une réforme "au désavantage des plus modestes" pour la CFDT

"Pour contrer cette réforme, qui est injuste pour les travailleurs et les travailleurs, je les appelle avec l'ensemble des organisations syndicales, à se mobiliser le 19 janvier partout en France", a déclaré Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, devant la Bourse du travail. " Seuls les salariés les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler tôt, les salariés précaires vont payer cette réforme des retraites", déplore sur franceinfo  Yvan Ricordeau , secrétaire national de la CFDT chargé des retraites. Comme le syndicat l'avait indiqué, le critère de l'âge était celui qu'il ne fallait pas toucher, une " ligne rouge", estime le responsable pour qui cette mesure est " la plus injuste". 

Yvan Ricordeau reconnaît tout de même avoir obtenu " quelques réponses partielles" de la part de la première ministre, en réponse aux demandes exprimées par la confédération lors des concertations, notamment sur " la question de la prévention dans le cadre de la pénibilité par exemple" ou encore "l'amélioration de la qualité de l'emploi des seniors ". Mais pour le secrétaire national,  " ça laisse une réforme clairement déséquilibrée au désavantage des salariés les plus modestes".

Cette réforme "n'est pas justifiée d'un point de vue économique", estime FO

"Une organisation syndicale digne de ce nom ne peut pas sacrifier des générations à venir" au nom de cette réforme, réagit mardi sur franceinfo  Alain André, secrétaire général de FO pour la section Énergie et Mines. Le syndicaliste pense aux nouveaux embauchés qui seront donc affilés au régime général de retraite et non plus aux régimes spéciaux que ce soit à la RATP, chez EDF ou encore dans les secteurs gaziers : "La seule explication qu'on peut donner est qu'il s'agit de la revanche de 1981."

Pour Alain André, cette réforme "n'est pas justifiée d'un point de vue économique". Il affirme que le régime auquel il appartient "est parfaitement financé" et qu'il s'agit donc d'une "grande injustice pour les nouvelles générations". "Le pilier du régime spécial des industries électriques et gazières c'est le fait que la pension de retraite soit calculée sur les six derniers mois et que si vous avez toutes vos annuités vous partez avec 75% des six derniers mois, explique-t-il. Aujourd'hui avec le régime général on sait que le taux de recouvrement est proche des 50%." Un "problème" pour le syndicaliste qui se dit favorable à un "traitement égalitaire et non pas équitable" et à un "alignement sur les régimes spéciaux ne nous pose pas de problème."

L'objectif de la grève du 19 janvier est "de marquer le coup vite et fort", assure la CFTC

L'objectif de la grève intersyndicale contre la réforme des retraites est de "marquer le coup vite et fort", a assuré mardi sur franceinfo Cyril Chabanier, le président de la CFTC. "On sait que le gouvernement aujourd'hui est déterminé. Et pour les faire reculer, il faut absolument que la manifestation du 19 janvier soit une réussite", ajoute le syndicaliste. Cyril Chabanier promet "d'autres dates de manifestations, des actions quotidiennes dans les entreprises". L'éventualité d'un blocage du pays est "envisagée" par le patron de la CFTC  :  "On a appelé également à des mouvements de grève et à des débrayages. Il faut absolument que ce mouvement soit fort, soit d'ampleur, qu'on utilise toutes les armes qui sont à notre disposition pour faire en sorte que le gouvernement recule sur le report de l'âge légal." Mais "tout va dépendre de l'ampleur de la mobilisation du 19 janvier"

Sur le fond de la réforme, Cyril Chabanier retient "une mesure forte dans ces annonces qui est le recul de l'âge légal à 64 ans". Il reconnaît une "énumération de toute une série de mesures qui entourent ce report de l'âge légal". Il salue notamment le fait de "reconnaître les droits familiaux, le fait que les congés maternité ou les aidant soient reconnus", des mesures "qui vont dans le bon sens" et que la CFTC avait défendues. Mais elles ne sont que "des petites mesurettes qui ne cachent pas l'arbre de la forêt qui est vraiment cette mesure très forte, injuste et pas nécessaire de reporter l'âge légal"

Décisions "pragmatiques et responsables" d'après le Medef

Dans un communiqué publié après la présentation de la réforme, le Medef salue en revanche des " décisions pragmatiques et responsables" prises par le gouvernement.  " Assurer l'avenir de ce pilier du modèle social du pays, tout en maintenant le pouvoir d'achat des actifs et des retraités, conduit nécessairement à travailler plus longtemps", estime l'organisation. 

Seule ombre au tableau pour les patrons, le maintien d'un "index senior" pour les entreprises de plus de 50 salariés, qui devront publier la part de leurs salariés âgés. Le Medef réaffirme son " opposition au principe". 

La CPME salue une réforme "totalement indispensable"

" Du côté des petites entreprises, on en a plus que soupé ces derniers temps. Il faut prendre en compte ceux qui ont envie de travailler", a déclaré Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui salue " une réforme qui ne fait plaisir à personne mais qui est totalement indispensable". Le responsable se dit " très heureux pour les indépendants, les commerçants et les artisans, qui pourront bénéficier d'une retraite minimale à 1 200 euros mensuels".

Face à l'appel intersyndical à une première journée de grève et de manifestations le 19 janvier, le secrétaire général dit espérer que " les mouvements sociaux n'aboutiront pas à un blocage de l'économie". 

"La conséquence sera un grand désordre social", prévient la CFE-CGC 

"J'invite Emmanuel Macron à ne pas s'obstiner", lance mercredi 11 janvier sur franceinfo François Hommeril, président de la CFE-CGC, qui représente les membres de l’encadrement. Pour la première fois depuis une décennie, tous les principaux syndicats de salariés en France défileront derrière la même bannière, jeudi 19 janvier. "C'est un signal important, le gouvernement devrait y être sensible", alerte-t-il.

Il "est possible" que ce soit la première journée de mobilisation d’une longue série, "la balle est quand même un peu dans le camp du gouvernement", ajoute-t-il. François Hommeril reste fermement opposé au report de l'âge légal à la retraite de 62 à 64 ans, "même si le gouvernement revient vers nous et dit finalement, 'ce sera 63 ans'". Pour le syndicaliste, c'est l'idée même de décaler l'âge légal de départ à la retraite "qui rend la réforme inacceptable".

L'intersyndicale restera "unie dans la durée", prévient l'UNSA

"Je n'ai jamais vu une telle unité entre" les syndicats, se félicite ce mercredi mercredi 11 janvier sur franceinfo Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa. Il assure que l'Intersyndicale "est extrêmement soudée" et restera "unie sur la durée" contre cette réforme des retraites qualifiée "d'injuste et d'injustifiable".

Dominique Corona promet qu'il "y aura d'autres journées" de mobilisation outre celle déjà annoncée du 19 janvier. Il évoque de possible "mobilisations sur les marchés, des pétitions ou des marches aux flambeaux". "Tout sera sur la table et nous allons favoriser tout type de mobilisation afin que le gouvernement comprenne qu'il ne pourra pas gagner et que cela laissera des traces profondes", ajoute le secrétaire général adjoint de l'Unsa.

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