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Trois choses que vous ignorez (peut-être) sur cette icône de la lutte féministe

Alors que les femmes sont appelées à cesser le travail lundi 7 novembre, à 16h34, pour protester contre les inégalités de salaire entre les sexes, franceinfo revient sur l'histoire de cette affiche culte des luttes féministes.

Article rédigé par franceinfo - Axel Roux
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'affiche au slogan "We can do it" ("on peut le faire"), diffusée en 1943, a d'abord été conçue pour inciter les femmes américaines à travailler dans les usines lors de la Seconde Guerre mondiale. (J. Howard Miller)

Libération en a fait sa une pour relayer l'appel de militantes féministes à dénoncer les inégalités salariales en cessant le travail lundi 7 novembre à 16h34 pétante. Mais qui est vraiment cette jeune femme portraitisée, et d'où vient cette affiche devenue, au fil du temps, l'un des emblèmes des luttes pour l'égalité entre les sexes ? C'est ce que propose notamment de faire découvrir sur Twitter l'historienne Mathilde Larrere, spécialiste des révolutions et de la citoyenneté et notamment auteure de L'urne et le fusil (PUF). L'occasion, pour franceinfo, de revenir sur trois anecdotes que vous ignorez (peut-être) sur cette image culte pas si féministe au départ.

Elle devait initialement inciter les femmes à travailler

C'est sans doute un paradoxe savoureux dans le choix de une de Libération. Réalisée en 1942 par le dessinateur américain J. Howard Miller, cette affiche a été diffusée pour la première fois dans des usines de revêtement militaire Westinghouse Electric en 1943. Les États-Unis sont alors pleinement engagés dans la seconde guerre mondiale depuis l'attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. Les hommes sont alors incités à partir au front tandis que les femmes sont appelées à palier les manques de main-d'œuvre. Elles sont alors plus de six millions à rejoindre les rangs de l'usine.

L'esprit original est alors très éloigné du féminisme. Il s'agit de remotiver la population en vue de participer à l'effort de guerre. Considéré comme un acte patriotique, le travail à l'usine fait l'objet d'une vaste campagne de propagande visant en particulier les femmes. C'est dans ce contexte que J. Howard Miller réalise une série de 42 affiches, dont la plus populaire sera celle montrant une femme se retroussant les manches et affirmant : "We can do it" ("On peut le faire", en français). Les autres affiches de la série comportent, elles, des messages plus paternalistes, reproduisant généralement des situations de supériorité hiérarchiques entre les hommes et les femmes.  

Ne la confondez pas avec "Rosie the Riveter"

Autre icône populaire des États-Unis, Rosie the Riveter (littéralement "Rosie la riveteuse", du nom de l'ouvrier qui rive, qui assemble à l'aide de rivets), est souvent prêtée (à tort) comme l'inspiratrice du portrait de J. Howard Miller. Ce personnage fictif est en effet popularisé par la chanson éponyme du groupe The Four Vagabond diffusée en 1943.

Pour Ed Reis, historien travaillant bénévolement avec Westinghouse Electric, le lien entre l'affiche de Miller et la chanson des Four Vagabond ne serait en effet pas justifié. Selon lui, la femme sur l'affiche aurait d'ailleurs plus de chance de s'appeler "Molly la mouleuse de Micarta" ou "Cassie la faiseuse de casques".

Rosie the Riveter trouvera enfin un visage avec le dessinateur américain Norman Rockwell, en la représentant en une du Saturday Evening Post, le 29 mai 1943. Une couverture par ailleurs inspirée du prophète Isaïe peint par Michel Ange dans la chapelle Sixtine.

Malgré des doutes persistants sur le modèle de J. Howard Miller, il est communément accepté que l'artiste s'inspira d'une photo en noir et blanc de l'United Press International représentant Géraldine Hoff Doyle, 17 ans et vivant dans le Michigan. Sur cette photo, l'adolescente y figure avec un bandana à pois, penchée sur un emboutisseur de métal. Elle est morte en 2010 à l'âge de 86 ans.

Elle est redécouverte dans les années 1980 et reprise, depuis, par Beyoncé

Tombée dans l'oubli pendant près de quarante ans, cette icône est redécouverte en 1982, grâce à un article du Washington Post consacré aux affiches patriotiques, note un blog rattaché à l'association Osez le féminisme. Instantanément, l'affiche est détournée pour devenir une affirmation des luttes féministes et de l'"empowerment", concept anglo-saxon venue des cités de Chicago dans les années 1930, et repris par les mouvements d'émancipation noirs et féministes dans les années 1970.

En 2014, la chanteuse Beyoncé réalise la synthèse de ses deux mouvements, en pastichant sur son compte Instagram la célèbre affiche de J. Howard Miller.  

Une photo publiée par Beyoncé (@beyonce) le

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