Loi Travail : quand le gouvernement hésite à brandir le 49.3
La menace du 49.3, un article qui permet de faire adopter un texte sans le vote des députés, se précise à mesure que la discussion du texte à l'Assemblée suit son cours.
Le gouvernement va-t-il dégainer l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer en force la loi Travail, critiquée de toutes parts ? Interrogé à ce sujet sur Public Sénat, vendredi 6 mai, Manuel Valls estime qu'"il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel". Avec cette déclaration, le Premier ministre entrouvre la porte à ce mécanisme, qui permet à un gouvernement de faire adopter un texte de loi sans vote des députés. Une énième prise de position de la part du gouvernement, qui souffle le chaud et le froid depuis plusieurs semaines.
18 février : El Khomri évoque le 49.3 dans une interview modifiée par Matignon
Avant même la présentation officielle de l'avant-projet de loi, la question de l'adoption du texte se pose. Dans une interview aux Echos, la ministre du Travail déclare : "Avec le Premier ministre, nous voulons convaincre les parlementaires de l’ambition de ce projet de loi. Mais nous prendrons nos responsabilités." Cette dernière phrase fait polémique, car elle sous-entend que le gouvernement est déjà prêt à utiliser l'arme du 49.3.
Quelques jours plus tard, la présence de la phrase "Mais nous prendrons nos responsabilités" dans cette interview fait l'objet de révélations étonnantes. En effet, cette dernière ne se trouvait pas dans la version initiale du texte. Elle n'a été introduite que lors de la relecture de l'interview par Matignon.
22 février : Le recours au 49.3 n'est "ni souhaitable ni nécessaire", selon El Khomri
Les critiques s'abattent sur Myriam El Khomri. La ministre du Travail est contrainte de faire machine arrière. Lors d'un déplacement dans le Haut-Rhin, elle déclare qu'il n'est "ni souhaitable, ni nécessaire" de recourir à l'article 49.3 de la Constitution.
5 mars : Valls assure n'avoir "jamais évoqué" la mise en œuvre du 49.3
"Nous n’avons jamais évoqué l’idée de mettre en œuvre le 49-3", assure Manuel Valls dans une interview au JDD. Le Premier ministre rejette même sur sa ministre du Travail l'initiative de la phrase prononcée du 18 février, et qui lui est pourtant imputable. "Myriam El Khomri a simplement rappelé que nous assumerions nos responsabilités, lâche-t-il. Et notre responsabilité, c’est de mener à bien ce texte avec les amendements nécessaires."
15 mars : Valls "préfère convaincre"
Sur BFMTV, le Premier ministre affirme qu'il "préfère éviter l'engagement de la responsabilité" de son gouvernement sur ce texte. "Avant de brandir cette menace, je préfère convaincre", déclare-t-il. Manuel Valls n'exclut cependant pas totalement l'éventualité d'un recours au 49.3, soulignant qu'il a été utilisé à de nombreuses reprises sous la Ve République.
3 mai : Le 49.3 "n'est pas un choix que nous privilégions", affirme Valls
Lorsque le texte arrive à l'Assemblée nationale, début mai, la question du 49.3 revient occuper tous les esprits. D'autant que quelques jours plus tôt, le rapporteur du texte, Christophe Sirugue, a confié au Parisien qu'il manquait environ 40 voix pour que le texte soit adopté. Mais pour le Premier ministre, "ce n'est pas un choix que nous privilégions. Chaque chose en son temps", dit-il devant les journalistes qui l'accompagnent lors du retour de son périple dans le Pacifique.
3 mai : El Khomri "refuse de faire planer la menace"
Le même jour, Myriam El Khomri s'exprime dans le Parisien. "La Constitution prévoit cet outil. Mais je refuse de faire planer la menace. Je ne suis pas dans cette perspective. On verra comment les choses se déroulent", dit-elle.
6 mai : "Il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel", estime Valls
Alors que les dernières prises de position du gouvernement se voulaient plutôt prudentes, Manuel Valls brandit à nouveau la menace du 49.3, dans l'émission "Bibliothèque Médicis" sur Public Sénat. Si le chiffon rouge est à nouveau agité, c'est que le texte, discuté à l'Assemblée nationale jusqu'au 12 mai, et qui doit être voté le 17 mai, est confronté à deux écueils : le risque d'une majorité introuvable, mais aussi les 5 000 amendements déposés par les députés hostiles à ce projet.
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