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Que risque la France si elle perd sa note AAA ?

Depuis le 18 octobre, la note souveraine de la France est sous surveillance. Quelles seraient les conséquences d'une dégradation? FTVi fait le point.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un membre du collectif Sauvons les riches devant le siège l'agence Moody's à Paris (9e) le 24 octobre 2011. (ZAER BELKALAI/CITIZENSIDE/AFP)

Depuis le 18 octobre, il n’est plus question que du carnet de notes de la France sur les marchés financiers : le très brillant élève pourrait perdre, pour la première fois depuis 1979, sa note "AAA" (la meilleure possible) et hériter d’un AA+, un cran en dessous.

En cause, une dette qui augmente plus vite que celle des autres pays européens, et la perspective de nouvelles dépenses pour venir en aide aux banques françaises, qui vont devoir tirer un trait sur une partie de l’argent prêté à la Grèce.

L’agence de notation américaine Moody's a ainsi donné trois mois au gouvernement français pour respecter ses engagements en matière de réduction du déficit budgétaire. Sa collègue Standard & Poor’s a également mis en garde le pays, en cas d’"aggravation" de la crise.

Depuis, l’exécutif se démène pour éviter ce scénario, nouveau plan de rigueur à l’appui. Mais que risque-t-on, au juste, quand on perd son triple A ? FTVi fait le point sur les conséquences possibles d’une telle décision.

• Emprunter de l’argent coûte plus cher

Ce serait le premier effet mécanique d’une dégradation de la note de la France. Les taux d’intérêt auxquels elle peut emprunter de l’argent sur les marchés financiers augmenteraient. Or, si le pays doit payer plus cher pour s’endetter, ses finances publiques en pâtiront. Avec une dette de près de 85 % de son produit intérieur brut (PIB), la France est déjà le plus fragile des six pays qui conservent la note AAA dans la zone euro, avec le Luxembourg, la Finlande, les Pays-Bas, l’Autriche et l’Allemagne.

Mais les marchés financiers n’ont pas attendu la décision de Moody’s et Standard & Poor's pour sanctionner l’économie française. Vendredi 21 octobre, l'écart entre les taux d'intérêt de la France et de l’Allemagne a franchi 1,2 point, du jamais vu. La France emprunte sur dix ans à un taux de 3,26 % contre 2,05 % pour l’Allemagne, qui inspire beaucoup plus confiance, malgré une dette presque tout aussi élevée (82,4 % du PIB). "Il faut être réaliste, aux yeux du marché, la France a déjà perdu son précieux triple A", constate Philippe Hab, de la société de gestion SPGP.

Les Etats-Unis ont perdu récemment leur note AAA, pour un AA+. Mais ils ont fait appel à un procédé largement utilisé par les pays disposant de leur souveraineté monétaire : la Banque fédérale américaine (FED) a fait tourner la planche à billets et racheté des bons du Trésor (de la dette américaine) pour faire baisser les taux d'intérêt et accélérer l'inflation. La hausse des prix est ainsi compensée par un accès plus facile au crédit. La Banque centrale européenne, dont dépend la France avec l’euro, se refuse à un tel mécanisme, par peur, justement, de l’inflation.

• Garantir le Fonds de secours européen devient plus compliqué

Après l’Allemagne, la France est le premier contributeur du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ses capacités financières doivent être renforcées pour venir en aide aux pays en difficulté de la zone euro, afin d’éviter une contagion de la crise grecque. Le FESF vient de se voir attribuer la note AAA, ce qui lui permettra d’emprunter de l’argent sur les marchés à un très bon taux.

Mais "le triple A du FESF repose sur le triple A de la France", note Philippe Dessertine, directeur de l’institut de Haute Finance. En cela, une dégradation de la note française serait, selon lui, "catastrophique".

Jean-Christophe Caffet, de la banque de financement et d'investissment Natixis, abonde en ce sens : une dégradation de la France, "deuxième jambe de l'Union avec l'Allemagne" serait "une très mauvaise nouvelle pour la zone euro dont la viabilité des dispositifs de soutien pourrait être remise en cause".

• Relancer la croissance n'est plus la priorité

Selon Olivier Pastré, professeur d’économie à l’université de Paris 8, ce serait peut-être le seul effet positif d’un abaissement de la note française : "Cela obligerait le futur président à mettre en œuvre des réformes structurelles pour réduire l’endettement du pays".

La crise économique sera bien un des enjeux majeurs de la campagne présidentielle pour 2012. Dans le camp du socialiste François Hollande, on assure que le candidat mènera une campagne de vérité et de responsabilité en matière de réduction des déficits. A droite, Nicolas Sarkozy devrait lui aussi opter pour un discours de transparence autour de cette question et ce dès son intervention télévisée jeudi 27 octobre sur TF1 et France 2. Le gouvernement s’apprête de son côté à présenter un nouveau plan d’économies, le budget 2012 ayant été calculé sur une prévision de croissance à 1,75 % alors qu’elle se situera plutôt autour de 0,8 %.

Mais sur ce point, les avis des économistes divergent. Cette politique de rigueur mise en place dans les pays de l’Union européenne afin de respecter l’objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB en 2013 n’est pas du goût de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Selon ses prévisions rendues publiques à la mi-octobre, une réduction du déficit à 4,5 % du PIB en 2012 en France ferait augmenter le chômage de 0,6 % la même année.

"Cette stratégie européenne étouffe la croissance et expose les pays à une nouvelle récession. Or, qu’est-ce qui nous garantit que Moody’s ne dégradera pas la note de la France dans ce cas ?", s’interroge Mathieu Plane, économiste à l’OFCE. 

Philippe Dessertine estime au contraire que la France n’a pas d’autre alternative. Selon lui, "c’est même le modèle économique occidental qu’il faut remettre en cause fondamentalement."

Les candidats iront-ils jusque-là ? Entre les exigences des marchés financiers et celles des électeurs, la marge de manœuvre s'annonce serrée. 

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