Stress tests : pourquoi les banques européennes (et françaises) ne vont pas si bien
La BCE a rendu publics des résultats satisfaisants pour les banques françaises et européennes. Mais ils ne sont pas forcément fidèles à la réalité du secteur bancaire...
Les grandes banques françaises ont réalisé un sans-faute. Le verdict de la Banque centrale européenne (BCE) est tombé, dimanche 26 octobre : seuls 25 des 130 établissements importants de la zone euro ont échoué à ses épreuves de résistance, destinées à vérifier leur solidité dans un scénario de crise grave. Les résultats de ces stress tests ont été salués par la BCE elle-même, le FMI, le gouvernement français... Le secteur bancaire est-il si sûr ? Ces tests sont-ils infaillibles ? Eléments de réponse.
La méthode des tests ne fait pas l'unanimité
En quoi a consisté l'examen de la BCE ? Au total, 130 banques de la zone euro ont été concernées par cette opération. Elle comportait un examen des actifs possédés par ces établissements au 31 décembre 2013. Puis des tests de résistance, c'est-à-dire des exercices de simulation destinés à éprouver leur solidité, ont été menés avec un scénario catastrophe : récession, chômage, crise financière, crise immobilière... Pour Le Figaro, l'examen était "une première, tant par les moyens déployés (6000 inspecteurs et auditeurs mobilisés pendant un an) que par la rigueur de tests réalisés".
Mais la méthode n'est pas sans faille. "La déflation n'a pas vraiment été prise en compte dans le scénario stressé", constate Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste à l'université Paris 1-Panthéon Sorbonne, spécialiste des banques et des systèmes financiers. Autre donnée qui porte à débat : le chômage. "Dans le cas de la France, le scénario dégradé ne diffère pas beaucoup du scénario central, celui qui est basé sur les prévisions de la Commission européenne. Ainsi, dans le scénario de stress, pour 2014, le taux de chômage est de 11,5% (contre 11%). En 2015, on passe à 11,6% (contre 11%), et en 2016, à 12,2 % (contre 10,9%)", explique l'économiste à francetv info. En revanche, elle estime que "la crise immobilière est exagérée dans le scénario stressé".
Pas de quoi, toutefois, menacer la fiabilité de l'examen. "Un stress test n'est jamais parfait, tout dépend du scénario envisagé et du calibrage, précise Jézabel Couppey-Soubeyran. Il faut harmoniser les résultats pour un ensemble de pays et un ensemble de banques... Donc les résultats ne sont jamais parfaits, et le stress test n'est pas un instrument qui fait l'unanimité."
Les résultats diffèrent selon les données considérées
"La fragilité des banques européennes saute aux yeux lorsqu'on regarde de près les données publiées par la BCE", affirme l'experte du secteur bancaire. Pour réussir le test, elles devaient disposer de fonds propres (des fonds qu'un établissement n'a pas à rembourser pour assurer sa solidité, malgré la crise) et maintenir un niveau minimum de ceux-ci tout au long de l'exercice : 8% dans le scénario central, 5,5% dans le scénario stressé.
"Conformément aux règles en vigueur, les fonds propres ne sont pas évalués par rapport au total des actifs d'une banque, mais par rapport aux actifs pondérés par les risques, c'est ainsi que l'a observé la BCE", note Jézabel Couppey-Soubeyran. Mais grâce aux données fournies par les banques à la BCE, d'autres calculs sont possibles. "Si l'on se base sur le total des actifs des banques, sans la pondération des risques, les résultats sont très différents", ajoute l'économiste. "Selon les données communiquées par la BCE, sur les 130 banques évaluées, il y a 76 établissements qui ont moins de 5% de fonds propres sur la totalité de leurs actifs et qui donc, avant même le scénario stressé, ne passent pas le test", affirme-t-elle.
Autrement dit, "76 banques européennes ont un taux d'endettement supérieur à 95%", explique l'économiste. Et, selon Jézabel Couppey-Soubeyran, 20 banques allemandes (dont la DeutscheBank) sont concernées, 10 banques françaises (dont BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale et BPCE), 10 banques espagnoles, 10 banques italiennes... "Le secteur bancaire n'est pas en bonne santé, contrairement à ce qu'affirme la BCE, qui regarde ce qu'elle veut bien regarder", constate l'économiste.
La BCE a besoin de rassurer les investisseurs
C'était l'objectif de ces tests de résistance : susciter la confiance des investisseurs. Car, le 4 novembre, elle va prendre en charge la supervision directe des banques de la zone euro, dans le cadre de l'union bancaire. Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, l'institution de Francfort ne voulait pas "semer le trouble avant de prendre ses fonctions. C'est compréhensible. Mais il ne faut tomber dans le déni."
"Il y a un mélange d'autosatisfaction et d'autoconviction dans la communication de la BCE qui est amplement relayé par les banques", déplore-t-elle. "Mais l'usage que les chercheurs pourront faire des données publiées permettra de démontrer que le secteur bancaire est encore fragile. Il faut poursuivre le renforcement des règles de prudence, limiter la prise de risques des établissements bancaires et mieux les encadrer...", détaille l'économiste.
Faut-il pour autant s'inquiéter pour son épargne ? "Je ne dirais pas les choses comme cela, mais la BCE et les banques n'ont pas lieu de se féliciter. On ne doit pas fermer les yeux sur les problèmes du secteur bancaire européen."
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