"La zone euro est sauvée, mais seulement à court terme"
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a validé, mercredi, la signature par l'Allemagne du pacte budgétaire européen. Explications d'Arnaud Boutet, correspondant de France 2 à Berlin.
CRISE EUROPEENNE - Les 24 autres signataires du pacte budgétaire européen avaient les yeux rivés sur Karlsruhe, en Allemagne, mercredi 12 septembre. La Cour constitutionnelle allemande devait rendre sa décision concernant une plainte visant le pacte budgétaire européen, et plus particulièrement le Mécanisme européen de stabilité (MES), outils préconisés pour sortir la zone euro de la crise. Au final, les "Sages" qui siègent à Karlsruhe ont donné leur feu vert à la signature de ce texte par Berlin, tout en fixant des limites financières. Arnaud Boutet, correspondant de France 2 à Berlin, décrypte cette décision.
FVTi : Que signifie la décision de la Cour constitutionnelle allemande ?
Arnaud Boutet : Elle signifie que le président allemand, Joachim Gauck, est autorisé à signer le texte, voté par le Bundestag [le parlement allemand] en juin, qui entérine le pacte budgétaire européen. C'était une décision nécessaire et primordiale car l'Allemagne est le plus gros contributeur du Mécanisme européen de stabilité (MES), avec 190 milliards d'euros sur les 700 milliards d'euros que représente le capital du MES. Mais c'est un "oui mais" qu'a exprimé la Cour constitutionnelle. Car elle exige que si une augmentation de la participation allemande au MES est demandée, elle doit être soumise à l'approbation du Bundestag.
C'est une victoire pour les pro-européens ?
Oui, car on passe à côté d'une crise majeure en Europe, mais aussi en Allemagne. Le gouvernement actuel ne se serait pas remis d'une telle déconvenue. Les juges de la Cour constitutionnelle, qui ont le pouvoir de défaire les décisions politiques, ont toujours été franchement opposés au pouvoir en Allemagne. Cette fois, ils se sont rangés du côté du gouvernement. Il faut dire qu'ils ont subi une pression énorme de sa part, notamment du ministre des finances, Wolfgang Schauble, mais aussi de la part de pays étrangers comme le Japon, les Etats-Unis et les pays de la zone euro. Une telle pression sur ce tribunal, c'est du jamais-vu.
Qu'impliquent les limites imposées ?
Désormais, en cas d'augmentation de la participation allemande au MES, le Bundestag devra être consulté. Or, de nombreux parlementaires hostiles à ce mécanisme, comme des membres de Die Linke (à gauche) ou de la CSU (Union chrétienne sociale bavaroise, droite), y siègent et ont de l'influence. A l'intérieur des partis pro-européens, certaines personnalités sont opposées au pacte budgétaire et sont de plus en plus écoutées car elles représentent un vrai courant. Aujourd'hui, à un an des prochaines élections législatives, plus de la moitié des Allemands sont hostiles à l'euro. Avec la décision du tribunal, la zone euro est sauvée à court terme. Mais l'Allemagne, elle, réfléchit sur le long terme et là, ça pourrait poser problème.
Qu'est-ce qui inquiète les eurosceptiques allemands ?
Ceux qui ont porté cette plainte contre le pacte budgétaire ne sont pas, contrairement aux eurosceptiques d'autres pays, hostiles à l'austérité. Ils sont même pour davantage d'austérité, mais chez les pays en difficulté. Ce qui les inquiète, c'est que la situation financière des pays en crise se dégrade encore et que les 700 milliards du MES ne suffisent pas à les soutenir. Les Allemands n'ont jamais voulu de la Grèce dans la zone euro. Mais ce n'est pas la Grèce qu'ils craignent le plus aujourd'hui, c'est l'Espagne. Si un pays comme celui-là s'écroule, ils pensent que les mécanismes actuels ne seront pas suffisants et qu'on leur demandera de payer plus que les autres. Les Allemands sont déjà les plus gros payeurs de ces mécanismes, c'est aussi pour ça qu'ils veulent à tout prix les maîtriser.
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