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Italie, Grèce : les technocrates, sauveurs de l'Europe ?

Mario Monti à Rome, Lucas Papademos à Athènes : les nouveaux chefs de gouvernement italien et grec ont tous deux un profil plus technique que politique. Un gage de réussite ?

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le nouveau président du Conseil italien, Mario Monti, au palais du Quirinal, à Rome (Italie), le 13 novembre 2011. (BUREAU DE LA PRÉSIDENCE ITALIENNE / REUTERS)

Mario Monti, nommé dimanche 13 novembre à la tête du gouvernement italien, et Lucas Papademos, nouveau Premier ministre grec, partagent plus que la dernière ligne de leur CV. Tous deux sont économistes et ont passé plusieurs années dans les hautes sphères des institutions européennes : Mario Monti en tant que commissaire européen entre 1995 et 2004, Lucas Papademos en tant que vice-président de la Banque centrale européenne (BCE) entre 2002 et 2010. L'arrivée de ces fins connaisseurs de l'Europe et des marchés doit permettre de redresser deux pays en crise, mais leur légitimité fait débat.

Le technocrate, "la dernière cartouche"

Moins de préoccupations électorales, plus de compétences sur le fond : à première vue, l'option d'un gouvernement d'union dit "technique" a de quoi séduire. Il permet, d'abord, de répondre à l'urgence. "Je pense que Mario Monti était en quelque sorte un choix obligé, parce qu’on était forcés d’agir vite, explique ainsi Francesco Saraceno, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le choix idéal aurait été de nouvelles élections (...), mais cela aurait pris des mois."

Rigoureux et rigoristes, Mario Monti et Lucas Papademos ont aussi comme vertu de rassurer les marchés, surveillés comme le lait sur le feu par les dirigeants européens. Pour Bruno Théret, économiste et sociologue à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso) du CNRS,  "c'est la dernière cartouche". "On dit : 'regardez tous ces politiciens, ils ne pensent qu’à leur réélection, ils ne sont pas raisonnables, on va mettre des gens bien disciplinés, vertueux du point de vue du modèle'."

Un problème de légitimité

Mais ces nominations, politiquement neutres en apparence, sont en réalité sensibles. Les réactions dans la presse le montrent : si le quotidien communiste L'Humanité dénonce sans ambages une manœuvre "ouvertement autoritaire", l'hebdomadaire britannique The Economist, à la ligne pourtant ouvertement libérale, souligne que "les solutions à la crise de la dette européenne semblent se soustraire à un gouvernement démocratique" (article en anglais).

En cause, des nominations qui s'affranchissent du processus électoral. Or l'argument de l'union nationale, invoqué dans les deux cas, ne tient pas toujours pour défendre des mesures très impopulaires. Problème : "Des choix comme ceux que s’apprête à faire Mario Monti sont des choix qui ont besoin d’un fort soutien politique, d'une légitimité démocratique", souligne Francesco Saraceno, citant la réforme des retraites ou encore de la fiscalité.

Issus du système qu'ils sont censés sauver

Le choix de la "raison" face à l'idéologie ne s'est d'ailleurs pas fait sans heurts en Grèce. "Depuis 2009, il y a eu des choix imposés par l’extérieur, et la rue s’est révoltée, rappelle l'économiste italien. Le référendum [souhaité par Georges Papandréou] était risqué, dangereux, mais c’était une démarche intéressante" de ce point de vue, souligne-t-il.

Parmi les objections soulevées par les détracteurs de ces gouvernements techniques, figure l'idée que les personnalités nommées ont contribué à créer le système duquel est née la crise. Les choisir "ne va pas dans le sens d'un changement de système", souligne Bruno Théret, partisan de davantage de régulation dans l'économie. Reste que, comme le formule l'hebdomadaire Le Point, leur parcours garantit au moins qu'ils "connaissent bien tous les rouages de la machinerie qu'ils sont censés sauver".

Un choix viable mais pas infaillible

In fine, la capacité des gouvernements à affronter la crise ne dépend pas que de leur compétence technique. "Un bon gouvernement politique avec des conseillers techniques aux bons postes peut être tout aussi compétent" qu’un gouvernement technique, souligne Francesco Saraceno. "Cette idée que les gouvernements politiques sont forcément incompétents et les gouvernements techniques compétents est à combattre."  

Pour l'économiste, un gouvernement technique est une bonne solution si elle s'inscrit dans un cadre bien délimité, à l'instar du mandat de Carlo Azeglio Ciampi, président du Conseil italien entre 1993 et 1994, "un technicien très respecté, avec un programme limité, dans un temps restreint", qui avait permis de mettre fin à une crise politique majeure et de préparer l'adoption de l'euro en Italie. 

Hors d'Europe, le choix de technocrates n'a d'ailleurs pas toujours été couronné de succès : Domingo Cavallo, économiste néolibéral, était aux commandes lors de la grave crise de 2001 en Argentine. Le président du Conseil italien, Mario Monti, qui doit annoncer mardi 15 novembre la composition de son gouvernement, ne peut donc avoir qu'une certitude : il n'y a pas de recette miracle.

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