Ces Grecs séduits par la gauche radicale
GRECE - La coalition Syriza a rassemblé 26,89% des suffrages dimanche. Pas assez pour remporter l'élection mais suffisant pour faire entendre leur rejet de la politique actuelle.
De 4% lors des élections de 2009, le parti d'Alexis Tsipras, la coalition de gauche radicale Syriza, a bondi à 16,8% des voix lors du scrutin législatif du 6 mai dernier pour atteindre 26,89% dimanche 17 juin. Mais en dépit de l'échec final - les conservateurs de Nouvelle Démocratie étant arrivés en tête - comment un si petit parti a-t-il réussi à séduire en si peu de temps les foules ? Qui sont les pro-Syriza ? FTVi vous présente quatre catégories apparues sensibles à ses idées. Sociologie du vote avec l'analyse de Michalas Spourdalakis, professeur de sciences politiques à l'université d'Athènes.
1. Les déçus de l'establishment
Leur situation C'est l'une des principales raisons évoquées par les Grecs, dont les deux tiers se disent opposés au mémorandum validé par le Pasok (socialiste) et la Nouvelle démocratie (droite). Touchés de plein fouet par les politiques d'austérité, beaucoup d'entre eux tiennent pour responsables de la crise les deux grands partis. "Ils nous ont détruit", "c'est de leur faute si on en est là", "tous pourris" dénoncent-ils, lassés de quarante ans d'alternance droite-gauche et de clientélisme.
Pourquoi Syriza ? De manière générale, "les gens votent pour Syriza car c'est l'une des forces politiques les plus dignes de confiance selon eux", explique Michalas Spourdalakis, professeur de sciences politiques à l'université d'Athènes, à FTVi. Selon lui, le parti a séduit car il s'affiche "contre le mémorandum et propose un programme concret. Il promet d'arrêter ces politiques d'austérité afin de sortir le pays de la crise." Pour son collègue Dimitris Sotiropoulos, cité par Slate.fr, le vote pour Syriza constitue "un vote de protestation, de colère (...)"
2. Les fonctionnaires usés
Leur situation Le 6 mai dernier, 24% des salariés du public se sont tournés vers Syriza, indique Stathis Kouvélakis, maître de conférences en philosophie politique au King’s College de Londres, dans Mediapart. Parmi eux, les professeurs, très remontés. "Dans mon école, 20 des 22 professeurs ont décidé de voter Syriza", insiste Nicos, directeur d'un collège de la banlieue d'Athènes. "Il y a de moins en moins de postes, les classes sont surchargées, certaines ont disparu, on essaie d'augmenter nos horaires et nos salaires ont beaucoup baissé", énumère Lina, professeur de lettres dans le même collège.
Pourquoi Syriza ? Dans ce contexte, le programme de Tsipras a eu de quoi les séduire note L'Expansion : il proposait en effet la création de 100 000 nouveaux postes dans le secteur public, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. "Ils font attention à l'humain", assure Lina, attristée par la "dévalorisation des piliers de notre société : éducation, santé, démocratie". Selon elle, seul "Syriza est pour le peuple, il veut défendre nos droits".
3. Un secteur privé cassé
Leur situation Baisse des salaires, hausse des impôts et des charges, problèmes de clientèle elle-même touchée par la crise : le secteur privé subit lui aussi la crise financière, en particulier les petites et moyennes entreprises. "Les responsables de petits commerces, au bord de la banqueroute, choisissent Syriza", abonde Michalas Spourdalakis. Gagnés par la déception et un sentiment d'injustice vis-à-vis des plus riches, 22,5% des salariés du privé se sont mobilisés pour la coalition de gauche radicale le 6 mai dernier, selon les chiffres cités par Mediapart.
Pourquoi Syriza ? Tout au long de sa campagne, Alexis Tsipras a défendu une société avec "plus de cohésion sociale et de solidarité". Pour cela, la hausse des pensions de retraites et du Smic - 586 euros bruts par mois aujourd'hui -, ainsi que la taxation des grandes fortunes ont figuré parmi les pistes évoquées par le parti. Mais sa proposition-phare, "contrôler les banques", a su convaincre bon nombre d'électeurs lassés, rappelle Michalas Spourdalakis.
4. Les jeunes désabusés
Leur situation "On sait très bien qu'on ne va pas trouver de travail. On voit les salaires de nos parents baisser. Même quand tu es étudiant, la situation est tragique", déplore Vicky, 20 ans, étudiante en droit à Athènes. La crise révolte aussi les jeunes Grecs, désabusés. "Il y a trois choses qui vont nous faire voter Syriza, expliquait la militante quelques jours avant le scrutin. La déception, le chômage et les conséquences quotidiennes du mémorandum."
Pourquoi Syriza ? "Le parti représente un espoir de changement radical" pour les jeunes, explique Michalas Spourdalakis, "même si tous les âges, jusqu'à 55 ans, sont concernés". Une raison à cela : Syriza a été de tous les mouvements sociaux, soutenant notamment les Indignés en 2011. Pour Spourdalakis, cette présence a fortement joué sur l'orientation politique des jeunes. La victoire de la Nouvelle démocratie, dimanche, devrait donc faire l'effet d'une douche froide pour les plus fervents défenseurs d'un changement.
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