Budget de l'Éducation nationale : "On investit beaucoup en France, mais pas forcément au bon endroit", pointe un analyste de l'OCDE
La Cour des comptes a publié une note ce mardi sur le système éducatif français, dans laquelle elle estime qu'il n'est pas assez performant malgré les dépenses engagées.
La dépense consacrée au système éducatif français "est très déséquilibrée". "On investit beaucoup en France, mais pas forcément au bon endroit", a souligné mardi 14 décembre sur franceinfo Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), après une note de la Cour des comptes sur le sujet.
franceinfo : Le budget consacré par la France au système éducatif est-il supérieur à la moyenne de l'OCDE ?
Éric Charbonnier : Oui. Dans sa globalité, la France, de l'élémentaire au supérieur, dépense 5,2% du produit intérieur brut (PIB) contre 4,9% pour la moyenne des pays de l'OCDE. Mais cette dépense d'éducation est très déséquilibrée. On a oublié en France d'investir dans les premiers niveaux d'éducation. Par exemple, la dépense par élève scolarisé dans l'enseignement élémentaire est 9% inférieure à la moyenne des pays de l'OCDE, alors que l'on a surinvesti dans le secondaire. La dépense par élève au lycée est 30% supérieure à la moyenne des pays de l'OCDE. Donc, on investit beaucoup en France, mais pas forcément au bon endroit.
Peut-on faire mieux avec moins, comme le suggère la Cour des comptes ?
Oui, on peut faire mieux avec moins. On a des exemples et des contre-exemples. Mais dans les pays nordiques, il y a une utilisation efficiente de l'argent avec un investissement ciblé sur les écoles maternelles, les écoles élémentaires. Et en effet, avec moins de ressources, on arrive à avoir de meilleures performances telles qu'elles sont mesurées dans les études internationales de l'OCDE. Mais cela demande une organisation, de l'autonomie, un investissement aussi sur la formation des enseignants. C'est une grande faiblesse en France. Aujourd'hui, nos enseignants, nos chefs d'établissement sont insuffisamment préparés aux enjeux du métier.
La Cour des comptes plaide pour une plus grande autonomie des établissements scolaires...
C'est ce qui se passe, en effet, dans les pays nordiques et anglo-saxons. Mais encore une fois, dans ces pays-là, on a insisté sur la formation. C'est-à-dire que, si on veut donner de l'autonomie aux acteurs, il faut bien les former sur la partie pédagogique du métier. Aujourd'hui, ce n'est pas forcément le cas de nos directeurs d'école et chefs d'établissement. Il faut aussi créer une culture de coopération. Les enseignants français au collège sont parmi ceux qui coopèrent le moins entre eux de tous les pays de l'OCDE. Donc je crois qu'il y a un changement de fonctionnement à avoir. Donner plus d'autonomie, mais aussi créer de la coopération, créer des projets d'établissement qui permettent à chaque école de se situer et de progresser.
Faut-il donner davantage d'autorité aux chefs d'établissement sur leurs professeurs, comme le préconise la Cour des comptes ?
Je crois que ce n'est pas un problème d'autorité. Les chefs d'établissement ont de l'autorité aujourd'hui, pour gérer le climat de discipline à l'intérieur de leurs écoles, pour créer des relations fortes avec les parents. Mais c'est davantage de coopération sur la partie pédagogique qui me semble important. Aujourd'hui, nos chefs d'établissement sont très écartés de leurs enseignants sur tout le volet pédagogique. Il faut vraiment qu'il y ait une dynamique au service des élèves, qui parte du chef d'établissement et avec le soutien des équipes pédagogiques. Mais ce n'est pas une question d'autorité. C'est une question de changer la façon dont on travaille.
Les performances de l'école française sont-elles médiocres, comme les qualifient la Cour des comptes ?
Non, ce n'est pas le bon terme. C'est exagéré, même provocateur. Si on regarde les performances des élèves de 15 ans dans l'étude Pisa, qui est très connue à l'OCDE, les élèves français sont dans la moyenne aussi bien en mathématiques, en compréhension de l'écrit, en sciences. Alors, ce n'est pas aussi bien que ce que l'on pourrait attendre, notamment par rapport à l'investissement. Mais ce n'est pas aussi catastrophique. Le vrai problème de notre école, ce sont les inégalités scolaires et sociales. En France, on a beaucoup d'élèves en difficulté scolaire. On a ces élèves qui viennent des milieux défavorisés. Et puis, d'un autre côté, vous avez une élite assez forte, plus forte que dans la plupart des pays. Et là ce sont des élèves favorisés. Donc il faut réduire cette fracture scolaire. Mais la performance globale de notre système d'éducation est moyenne.
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