Cet article date de plus d'un an.

Fin des ventes des véhicules thermiques en 2035 : "Le passage au 100% électrique sera destructeur d'emplois", avance un économiste pour expliquer la réticence de l'Allemagne

"Pour un emploi créé dans la filière de la voiture 100% électrique il y aura deux emplois détruits", ajoute lundi sur franceinfo le directeur de l’observatoire Cetelem, Flavien Neuvy, avant une réunion de ministres européens opposés à la fin de la vente des véhicules neufs à moteur thermique.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une ligne de production de voitures électriques, dans une usine PSA près de Rennes, en 2016 (image d'illustration). (ADRIEN DUQUESNEL / MAXPPP)

"Pour un emploi créé dans la filière de la voiture 100% électrique il y aura deux emplois détruits" dans la filière de la voiture thermique, estime lundi 13 mars sur franceinfo l’économiste et directeur de l’observatoire Cetelem Flavien Neuvy, alors que plusieurs ministres européens récalcitrants à la fin de la vente des véhicules neufs à moteur thermique en 2035 se réunissent ce lundi à Strasbourg. La semaine dernière, l'Allemagne a refusé de voter un texte des 27 États membres entérinant l'interdiction la vente des voitures thermiques à partir de 2035. "Le passage au 100% électrique sera destructeur d'emplois", renchérit Flavien Neuvy.

>> Que cache le chiffre record de 12,1% de voitures électriques vendues en Europe ?

franceinfo : Pourquoi l'Allemagne veut-elle sauver le moteur thermique ?

Flavien Neuvy : Parce que derrière il y a des questions d'emplois qui se posent pour l'ensemble de la filière. On sait que l'Allemagne, comme la France d'ailleurs, est un grand pays de l'industrie automobile, avec des constructeurs très importants qui font travailler beaucoup de monde. En Europe, on estime qu'à peu près 12 à 13 millions d'emplois sont directement concernés par l'industrie automobile chez les constructeurs, les équipementiers puis les réseaux de distribution, les concessionnaires.

On sait que le passage au 100 % électrique sera destructeur d'emplois. Globalement, il y a des études qui montrent que pour un emploi créé dans la filière de la voiture 100 % électrique il y aura deux emplois détruits. On sait que c'est une industrie, la voiture électrique, qui a moins besoin d’emplois à la fois chez les constructeurs, parce que ce sont des voitures qui sont plus simples à assembler, mais aussi donc chez les équipementiers. Et à plus long terme aussi, on pourra avoir des questions sur les réseaux de concessionnaires parce qu'une voiture électrique demande moins d'entretien.

Le ministre français de l'Économie a dit lundi sur franceinfo qu’il fallait tenir cet objectif de 2035, et se dit prêt à "aller au bras de fer". Les constructeurs français sont-ils prêts à tenir cet objectif de 2035 du tout électrique ?

Les constructeurs français, mais plus généralement les constructeurs, vendront des voitures électriques, si les voitures thermiques sont interdites. Ils s'adapteront en quelque sorte. Pour autant, ils ont rappelé, notamment le patron de Stellantis Carlos Tavares, que le choix du 100% électrique pouvait interroger. En fait, les questions principales sont de deux ordres : l'emploi chez les équipementiers, notamment les sous-traitants qui fabriquent des pièces pour les moteurs thermiques. Parce que là, ce sont des emplois qui sont difficiles à reconvertir dans le 100% électrique. Mais aussi notre capacité à produire des batteries en Europe, avec le fameux Inflation Reduction Act et on voit bien qu'il y a beaucoup de projets de giga factories qui étaient prévus en Europe, qui vont s'orienter plutôt vers les États-Unis pour des raisons fiscales. Et puis la Chine avec des constructeurs chinois de voitures 100% électriques qui sont aujourd'hui beaucoup plus performants, qui veulent arriver sur le marché européen.

Berlin pousse pour une proposition qui ouvrirait la voie aux véhicules fonctionnant au carburant de synthèse, y compris après 2035. Que sait-on de cette technologie "énergivore", comme disent les ONG ?

Elle est en cours de développement. Ce n'est pas opérationnel, c’est testé, à petite échelle. Tout l'enjeu, c'est de pouvoir le faire à grande échelle et dans des conditions environnementales performantes. Ce qui est compliqué, c'est qu'on prend des décisions aujourd'hui à horizon 2035 donc en douze ans, c'est du court terme. On imagine que la meilleure solution technique et environnementale, ce sera le 100% électrique. Or, le progrès technique va quand même assez vite et c'est difficile de savoir précisément quelle sera la technologie la plus performante sur le plan environnemental et économique. Donc c'est aussi pour ça, à mon avis, que les Allemands montent au créneau pour laisser un peu de temps aux constructeurs pour voir s'il n'y a pas une solution qui pourrait être également acceptable du point de vue environnemental.

On parle de l'interdiction de la vente des voitures neuves. Mais quelles conséquences cela aurait sur le marché de l'occasion ?

On voit déjà aujourd'hui que le marché de l'occasion a commencé à être affecté par tout cela. Il y a eu une hausse des prix récentes parce qu'il y a une pénurie de voitures liée à la pénurie de semi-conducteurs. Donc le marché en a profité. Mais on voit que le marché de l'occasion est en train de se transformer. On parle aussi de l'entrée en vigueur des ZFE qui font que certaines voitures anciennes se vendent très mal dans les endroits où il y a ces fameuses ZFE. Et puis à terme, effectivement, les voitures thermiques auront plus de mal à trouver preneur au fur et à mesure qu'on va s'approcher cette échéance de 2035. On estime que l'extinction du parc thermique, c'est-à-dire que la dernière voiture thermique qui roulera, pourra rouler à peu près jusqu'en 2050. Donc au bout de quinze ans, en 2050, si la règle de 2035 est respectée, il n'y aura plus de voitures thermiques sur les routes en 2050.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.