Pourquoi les pompistes indépendants ne peuvent pas baisser leurs prix
Dans la plupart des stations-service, les prix ont baissé de quelques centimes à la demande du gouvernement. Sauf dans les petites stations indépendantes. FTVi vous explique pourquoi.
ESSENCE - La facture baisse dans les stations-essence, jusqu'à 6 centimes par litre comme l'a annoncé mardi 28 août le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, pour enrayer la hausse des prix du carburant. Mais pas dans toutes... Les pompistes indépendants ne vont pas pouvoir diminuer tout de suite leurs tarifs. FTVi vous explique pourquoi.
1 Parce qu'ils ont acheté les carburants au prix fort
Propriétaire d'une petite station indépendante nichée dans le Massif central, Bernard Sauret affiche des tarifs inchangés. La semaine dernière, en plein pic du prix de l'essence, il a acheté 20 000 euros de carburant au prix fort. "J'ai payé plus cher que d'habitude", insiste le pompiste. Alors les consommateurs devront faire de même. "Sinon, je vais travailler à perte." Jusqu'à la prochaine commande, il écoulera donc son stock en fonction du prix d'achat. "Ensuite, si mon fournisseur baisse les prix, alors je les baisserai aussi. En attendant, les tarifs ne bougeront pas."
Même discours chez Christiane Pially, propriétaire d'une station-service dans le Gard. "Je répète à tous mes clients qu'on ne profite pas de l'augmentation des prix", s'exclame t-elle. Pour preuve, elle sort ses registres et commence à réciter : "En septembre 1991, je vendais le sans plomb 95 à 3,61 francs (0,55 euros) et je gagnais 21 centimes (3 centimes d'euros). Aujourd'hui, je vends l'essence 1,60 euros et je gagne toujours 3 centimes. Il ne faut pas nous prendre pour des voleurs !"
2 Parce qu'ils réalisent des marges faibles
"Je me fais une marge de quatre centimes par litre", continue Bernard Sauret, en colère. "Sur ces quatre centimes, je dois encore payer des charges, des impôts. C'est impossible de baisser nos prix, on ne peut pas !" Que les fournisseurs baissent les leurs, que l'Etat rogne les taxes... mais lui, il ne mettra pas la main à la poche. "Sinon, je ferme."
"La moyenne des revenus pour un couple d'exploitants et propriétaires de station-service qui travaille six jours sur sept, soit 70h par semaine, est de seulement 37 000 euros par an, soit moins d'un smic pour chacun", dénonce sur Le Plus Christian Roux, pompiste et président du CNPA (Conseil national des professions de l'automobile). "On est complètement sous l'eau", lâche Christiane Pially.
3 Parce que l'essence est leur seul gagne-pain
"Aujourd'hui, c'est impossible de vivre uniquement de l'essence", explique Bernard Sauret, qui par ailleurs tient un garage. Faute de rentabilité, les pompistes indépendants qui n'ont pas d'activités annexes tombent un par un. "Soit tu vends l'essence au même prix que le supermarché et tu fais 0 euro de marge, soit tu vends plus cher mais les automobilistes ne viennent pas, ou seulement pour mettre 10 euros de dépannage", ajoute Christiane Pially, qui s'en sort difficilement avec "un petit salaire" à la fin du mois.
Les supermarchés rentrent dans leurs frais parce que les carburants ne sont qu'un "produit d'appel pour attirer des clients dans le magasin", explique le CNPA, contacté par FTVi. "Ils peuvent vendre de l'essence à prix coûtant, c'est-à-dire sans marge, parce qu'ils gagnent de l'argent ailleurs. Mais les pompistes indépendants qui n'ont pas de boutique pour compenser les pertes, ne peuvent faire ça."
Laurent Mouës, pompiste indépendant à Chailles (Loir-et-Cher), interrogé par La Nouvelle République, souligne un autre point : Total, son fournisseur, l'oblige à vendre de l'Excellium, "un carburant haut de gamme qui coûte cher. Alors que les grandes surfaces possèdent un produit d'appel, beaucoup plus rentable, mais qui consomme et pollue davantage."
4 Parce que cette mesure signe leur arrêt de mort
"On vend de moins en moins d'essence", se désole Bernard Sauret. "Si ça continue comme ça, il n'y aura plus que les supermarchés et les grands groupes", craint le CNPA. En vingt-cinq ans, le nombre de stations-service à été divisé par trois, indique l'Union française des industries pétrolières (Ufip). Les plus touchées sont les petites stations indépendantes."Quand j'ai débuté à Pierrefort (Cantal), il y avait une station tous les cinq kilomètres, témoigne Bernard Sauret. Aujourd'hui, sur les 60 kilomètres qui séparent le village de la plus grande ville d'Aurillac, il n'y en a plus aucune."
Ces fermetures, surtout dans les campagnes et banlieues, accentuent encore la désertification de ces zones, dénonce le CNPA. Pourtant, Christiane Pially le revendique, son métier est un "commerce de proximité, un vrai service public."
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