Les carburants plus chers, dès samedi
L'encombrant serpent de mer du prix à la pompe revient
hanter l'agenda gouvernemental. Et peut-être de façon plus prégnante que d'ordinaire,
puisque l'Hexagone connaîtrait un épisode de hausse des prix du carburant sans
précédent, si l'on en croit une note de synthèse présentée en novembre 2012 par
l'Inspection générale des finances. On pourra ainsi y lire que si les prix des
carburants ont crû en France de 4,4% par an depuis 1999, en suivant la hausse
des cours du pétrole brut, le prix moyen des carburants consommés par les
Français a augmenté, lui, sur la même période, de 31% : du jamais vu
depuis 1985.
Fin du dispositif le 30 novembre
Pour le gouvernement Ayrault, il s'agissait donc d'apporter
une réponse à l'urgence, au moins parce que, symboliquement, la progression du
prix à la pompe est plus rapide que celle du Smic... Le 28 août, le gouvernement
annonçait ainsi une diminution de six centimes par litre maximum des prix des
carburants pour une durée trois mois : un coup de pouce financé tant par
les Etats que les industriels. Le dispositif transitoire combine alors la
baisse de 3 centimes de la taxe intérieure de consommation sur les produits
énergétiques (TICPE) et de 3 centimes des marges des opérateurs.
Un coup de pouce bienvenu, puisqu'en moyenne, sur ces trois
mois, le consommateur aura économisé 14 € si sa voiture consomme du gazole, 9 €
si elle consomme de l'essence, mais qui n'avait pas vocation à être pérenne. Car si mercredi, côté ministère, deux jours
avant la fin programmée au 30 novembre du dispositif, l'on salue effectivement
un "succès ", en mettant en avant des prix aujourd'hui "15
centimes plus bas pour un litre d'essence et de 9 centimes par litre de gazole ",
l'échéance galopait, et le prix à la pompe risquait de remonter brusquement de 3
à 6 centimes en un week-end.
Relèvement progressif du niveau des taxes
Le gouvernement a donc devancé la grogne et mis fin au suspense en annonçant mercredi une sortie progressive du dispositif.
Ainsi, les taxes sur les carburants, qui auraient dû normalement remonter de 3
centimes dès samedi, devraient être relevées progressivement : d'un
centime le 1er décembre, puis d'un demi-centime le 11 et le 21 décembre, pour
retrouver leur niveau normal le 11 janvier. Un peu de répit donc, mais toujours
rien de franchement pérenne.
En pleine disette budgétaire, la marge de manœuvre gouvernementale est réduite : les caisses sont vides, et les pétroliers, déjà
été surtaxé à hauteur d'un demi-milliard d'euros, ne semblent pas prêts à un
geste supplémentaire. Difficile, dès lors, pour le ministère, de confirmer ses
engagements sur les autres pistes évoquées. L'idée d'un "chèque
carburant" pour aider les ménages les plus démunis, à laquelle Bercy avait
confirmé réfléchir courant novembre, n'a ainsi pas été retenue.
Un gâchis de 450 millions d'euros ?
A cet égard, certains soulignent, amers, que le "chèque
carburant" aurait profité aux ménages les plus fragiles, tandis que la
prolongation d'une baisse de la taxation a profité, elle, aux ménages les plus
aisés, puisque ces derniers consomment deux fois plus de carburants que
les plus précaires. Depuis cet angle, des ONG comme la fondation Nicolas-Hulot
dénoncent un "gâchis " de quelque 450 millions d'euros qui auraient
pu être plus justement alloués....
L'enquête publiée jeudi par l'association de consommateurs Consommation, Logement et Cadre de vie viendra
les conforter dans leur amertume, puisqu'elle révèle que les distributeurs et
raffineurs de carburant ont, eux aussi, profité de la baisse provisoire des taxes.
En tout, celle-ci leur aurait permis d'augmenter
fortement leur marge de raffinage en octobre : 2 à 3 centimes de baisse de
taxe se seraient ainsi envolés dans les marges de raffinage.
L'illusion du carburant bon marché
Ailleurs, certains rétorquent déjà, fatalistes, que le
gouvernement peut bien limiter la casse, mais qu'il est illusoire d'aspirer à
un carburant bon marché : les statistiques leurs donnent en partie raison.
D'abord parce que le prix du carburant est très sensible au rapport
offre-demande, et que l'offre, puisque le pétrole n'est pas une manne
inépuisable, se contracte à mesure que les réserves se vident. Ensuite parce
que la France fait déjà figure d'exception : les prix hors taxes des
carburants en France sont parmi les plus bas d'Europe. Idem pour le niveau des
taxes sur les carburants.
Nouvelles pistes
Dans ce cadre restreint, le gouvernement a choisi de concentrer ses efforts
ailleurs. Et à moindre coût. Outre un "effort" des
distributeurs pour accompagner la sortie progressive du dispositif mis en place
cet été, l'Etat devrait mettre en œuvre des mesures pour améliorer
l'information du consommateur, comme "rendre obligatoire
l'affichage sur autoroute des prix des stations hors autoroute les plus plus
proches" des sorties, ou rendre progressivement accessible sur le site
www.prix-carburants.gouv.fr les prix de l'ensemble des stations françaises. "L'objectif, c'est que le consommateur ait plus de choix
et qu'il y ait une pression à la baisse sur les prix" , soulignait le
ministre des Finances, Pierre Moscovici.
Ce qui s'annonce comme une reculade, ou un aveu d'impuissance,
soulève d'autres débats : au problème de la dépendance de la France au pétrole,
certains opposent par exemple celui de la dépendance du Français à sa voiture. Pourquoi
ne pas, alors, renoncer à s'épuiser à dresser un tigre fou, en privilégiant d'une
certaines manières les ménages relativement plus aisés ? L'économie, selon
eux, pourrait alors être reportée au poste d'un investissement massif sur les
transports en commun. En somme, repenser l'accès au transport pour tous :ce
serait, estiment-ils, socialement plus juste.
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