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Inflation : quels pays appliquent déjà une taxe sur les superprofits des entreprises, en débat en France ?

Le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne ont légiféré pour taxer les bénéfices des entreprises du secteur de l'énergie qui ont profité de la crise. En Allemagne, une réflexion est également en cours.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les prix de l'essence et du diesel dans une station-service de Nörten-Hardenberg (Allemagne), le 22 juillet 2022.  (SWEN PFORTNER / DPA / AFP)

Près de 6 milliards de dollars. C'est le bénéfice net engrangé au deuxième trimestre de 2022 par TotalEnergies, selon l'annonce faite par le groupe jeudi 28 juillet. Un bilan plus de deux fois supérieur aux gains du deuxième trimestre de l'année précédente, qui fait grincer des dents et pourrait relancer le débat sur les "superprofits", sur fond de guerre en Ukraine et de contexte inflationniste. 

D'abord soutenue par la Nupes et le Rassemblement national (RN), l'idée d'une taxe sur les "superprofits" des grands groupes avait trouvé un écho chez une partie de la majorité présidentielle et au sein du parti Les Républicains (LR), mais avait été rejetée à quelques voix près par l'Assemblée nationale, le 23 juillet, lors de l'examen des amendements du projet de loi de finances rectificative. 

Si, côté français, la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne a fermé jeudi la porte à la taxation des superprofits, à l'étranger certains pays y réfléchissent. Et d'autres ont même sauté le pas. Franceinfo revient sur la façon dont les pays voisins de la France se sont emparés du débat. 

Au Royaume-Uni, une taxe sur les bénéfices des géants pétroliers

Le parlement libéral du Royaume-Uni a légiféré fin mai. Pour financer un plan de 15 milliards de livres (environ 17,5 milliards d'euros) pour les ménages les plus défavorisés, le pays a décidé d'instaurer une taxe temporaire de 25% sur les bénéfices des géants du pétrole et du gaz, tels que BP, après des semaines de tractation.

"Lorsque les prix des carburants reviendront à des niveaux historiquement plus bas, le levier sera progressivement abandonné, avec l'introduction d'une clause d'extinction dans la loi", avait expliqué Rishi Sunak, le ministre des Finances de l'époque, aujourd'hui en lice pour remplacer Boris Johnson au poste de Premier ministre. Pour inciter à la transition énergétique, la mesure en question prévoit également que la taxe soit réduite à travers une "dotation à l'investissement généreuse de 80%" si les géants énergétiques visés investissent dans des énergies bas carbone. 

Cette taxe temporaire doit permettre de financer un tiers des nouvelles mesures sociales, en rapportant autour de 5 milliards de livres d'ici les douze prochains mois. Près d'un ménage sur huit, parmi les plus vulnérables au Royaume-Uni, recevra au moins 1 200 livres en 2022, y compris un paiement unique de 650 livres face au coût de la vie, annonçait le Trésor britannique fin mai.

En Espagne, une taxe sur les banques et les compagnies d'électricité

Le pays a sauté le pas mi-juillet, quand le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a annoncé que des taxes exceptionnelles allaient être mises en place sur les sociétés énergétiques et financières en 2023 et 2024. Ceci, pour permettre à la population de faire face à la flambée des prix. 

"Ce gouvernement ne va pas tolérer qu'il y ait des entreprises qui profitent de la crise pour s'enrichir", a assuré le Premier ministre socialiste face à la chambre des députés espagnole. Le gouvernement espère engranger près de 7 milliards d'euros entre 2023 et 2024 grâce à ces taxes, avec des gains estimés à près de 2 milliards d'euros par an pour les compagnies d'électricité et à 1,5 milliard pour les banques.

L'annonce a été faite dans le cadre d'une série de mesures sociales prises pour protéger le pouvoir d'achat face à l'inflation, qui a dépassé les 10% sur un an, en juin. Parmi elles figurent des aides sur les carburants, une baisse de la TVA sur l'électricité et une hausse des pensions de retraite. Pedro Sanchez relevait début juillet que "depuis que les prix ont commencé à monter (...) l'Espagne a mobilisé 30 milliards d'euros" pour soutenir ses entreprises et ses consommateurs, "soit l'équivalent de 2,3% de son produit intérieur brut". 

En Italie, les grandes entreprises du secteur de l'énergie visées

De son côté, l'Italie a annoncé fin mai son intention de porter à 25% sa taxe sur les superprofits, égalant le taux en vigueur au Royaume-Uni. Fin mars, le pays avait décidé d'instaurer par décret une taxe de 10% sur les bénéfices des grandes entreprises du secteur de l'énergie – telles que Enel ou Eni – réalisés grâce à la flambée des prix due à la guerre en Ukraine. "Redistribuons cet argent aux entreprises et aux familles qui sont en grande difficulté", avait déclaré le Premier ministre italien de l'époque, Mario Draghi.

Le gouvernement espère tirer 11 milliards d'euros de cette taxe. Mais l'estimation a été contestée à plusieurs reprises par les entreprises, qui affirment que leurs profits ne seront peut-être pas aussi élevés que les cours du pétrole et du gaz le laissent penser. L'argent récolté grâce à ce nouvel impôt entend financer un train de mesures de 14 milliards d'euros destiné à alléger la flambée des prix de l'énergie pour les ménages et entreprises. L'enveloppe comprend notamment un bonus de 200 euros pour 28 millions d'Italiens ayant des revenus inférieurs à 35 000 euros annuels. 

L'inflation s'établissait à 8% en juin sur un an, en augmentation de plus d'un point par rapport au mois précédent, selon les données fournies par l'Istat (en anglais), institut national de statistiques italien. C'est le plus haut niveau atteint depuis janvier 1986. 

En Allemagne, une réflexion en cours sur des taxes sur les raffineries

Le ministre de l'Economie Robert Habeck, membre des Verts et vice-chancelier d'Allemagne, s'est prononcé en faveur d'une taxe sur les raffineries. Il entend présenter un texte dans les prochaines semaines, afin de s'attaquer aux profits des grandes entreprises.

Cette solution est proposée par le gouvernement allemand pour contrer l'échec de la baisse des taxes sur le carburant. Le 1er juin, le chancelier Olaf Scholz annonçait une remise exceptionnelle sur le carburant pendant trois mois, pour alléger la facture des ménages face à l'augmentation des prix de l'énergie. Mais l'impact espéré de ce rabais sur les automobilistes n'a pas eu lieu. "Depuis début juin, le prix du carburant à la pompe n'a cessé de grimper et se retrouvait, pour le diesel comme pour l'essence, autour des 2 euros le litre, c'est-à-dire à des niveaux standards d'avant cette mesure", rappelait franceinfo fin juinL'inflation atteignait 7,5% sur un an au mois de juillet, soit 0,1% point de moins que le mois précédent. 

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