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Hausse des prix de l'énergie : vers la taxation des profits des entreprises gazières et pétrolières en Allemagne et en Italie ?

Dans "Le Club des correspondants", franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction l'Italie et l'Allemagne pour voir qu'elles sont leurs mesures contre la hausse des prix de l'énergie.

Article rédigé par franceinfo - David Philippot et Xavier Sartre
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Une automobiliste dans une station-service, le 15 mai 2022. Photo d'illustration. (JEAN-MARC LALLEMAND / MAXPPP)

Face à l'envolée des prix de l'énergie, les réponses ne sont pas les mêmes en Europe. Alors que la France a choisi comme principale stratégie le bouclier tarifaire avec notamment une remise pouvant aller jusqu'à 18 centimes par litre, des pays voisins réfléchissent à d'autres solutions. Direction l'Allemagne et l'Italie qui veulent taxer les profits des distributeurs de gaz et de pétrole.

L'Allemagne veut imposer les profits des pétroliers après le fiasco de la baisse des taxes

Notre voisin outre-Rhin a pris une initiative aussi originale que contestée. Le gouvernement renonce depuis le 1er juin à prélever 30 centimes de taxe par litre de carburant. Une mesure à 3 milliards d’euros pour les contribuables, applicable en juin, juillet et août. D’après les chiffres, la répercussion du rabais espérée sur les automobilistes n’a pas eu lieu. Depuis le 1er juin, le prix du carburant à la pompe n’a cessé de grimper et se retrouve, pour le diesel comme pour l’essence, autour des 2 euros le litre, c'est-à-dire à des niveaux standards d’avant cette mesure.

Face au mécontentement des automobilistes qui ont le net sentiment de se faire gruger, un parti et un lobby se retrouvent sur le banc des accusés. Il y a tout d'abord le parti libéral FDP qui a marchandé cette mesure en échange du ticket à 9 euros dans les transports voulu par les Verts. Ce parti est toujours suspecté d’être à la solde des lobbys et des grandes entreprises au sein du gouvernement. Le lobby est évidemment celui du pétrole, accusé de gagner au grattage et au tirage puisque non seulement les profits des compagnies sont moins taxés mais en plus ils encaissent cette nouvelle hausse des prix à la pompe. Les majors des hydrocarbures avancent comme explication l’inflation et la hausse des coûts d’approvisionnements

La mesure tourne au fiasco. Ce "tankrabatt", comme on l’appelle en Allemagne, ce rabais à la pompe est estampillé par le Spiegel comme "la décision la plus absurde prise depuis longtemps". Injuste car elle n’atteint pas ceux qu’elle vise les plus pauvres pour bénéficier avant tout aux personnes aux revenus élevés et consommant de grandes quantités de carburant. Anti-écologique car envoyant le mauvais signal, elle n'incite pas à consommer moins d'essence et de gazole. Il aurait fallu adopter exactement la mesure contraire estime par exemple l’IFO, un institut de recherche libéral proche des grandes entreprises.

Face à l’impopularité de cette mesure, le ministre de l'Economie et du Climat Robert Habeck prépare un texte qui pourrait permettre de surtaxer les profits réalisés par les raffineries. L’écologiste aux commandes de l’économie veut présenter, dans les prochaines semaines un texte pour durcir la loi antitrust afin de s’attaquer aux profits indus des grandes entreprises. Il n’y aura plus besoin à l’avenir de prouver l’existence d’une entente entre Esso, BP, Total et compagnie pour siphonner leurs bénéfices, voire de démanteler leurs filiales allemandes. La menace paye puisque les prix à la pompe amorcent à nouveau une baisse, comme par miracle, depuis cette annonce.

En Italie, une taxe sur les superprofits aux bénéfices contestés

Le gouvernement de Mario Draghi est lui aussi confronté à une hausse importante des prix du gaz et du pétrole. Le président du Conseil italien mise beaucoup sur une taxe sur les superprofits des entreprises énergétiques pour freiner une hausse des prix qui préoccupe de plus en plus les Italiens.

Chez nos voisins transalpins, les prix à la pompe se sont envolés tout comme ceux de l’électricité. Payer son litre d’essence moins de 2 euros relève de la mission impossible. Dans certaines stations-services du centre de Rome, il n’est pas rare de payer dorénavant son litre 2,50 euros si l’on est servi. Des niveaux atteints au début de la crise avant que le gouvernement ne diminue les taxes pour contenir l’augmentation des prix. Mais cette bouffée d’oxygène n’a pas duré longtemps, les prix du baril continuant d’augmenter. Or le pays se relève à peine de la pandémie de Covid-19 qui l’a durement touché, et la hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne fait planer de nouveau la menace d’une hausse des taux italiens, accentuant les difficultés économiques du pays. D’où le projet d’aller chercher l’argent là où le gouvernement pense qu’il est, c’est-à-dire dans la poche des entreprises du secteur énergétique.

Une fameuse taxe extraordinaire sur les superprofits qui a été instaurée par un décret-loi de mars 2022. Un taux de 25% a été fixé sur les bénéfices avant impôts réalisés entre le 1er octobre 2021 et le 30 avril par rapport à la même période en 2021. Sont concernées les entreprises des secteurs d’extraction, de production, d’importation et de vente d’énergie, de gaz et de produits pétroliers. Rien n’est définitif puisque le décret est encore examiné par les chambres et qu’il est l’objet de pas moins de 2 400 amendements. Si tout va bien, le gouvernement espère en tirer 11 milliards d’euros mais cette estimation est contestée par les entreprises elles-mêmes. Leurs profits ne seront peut-être pas aussi importants que les cours du pétrole et du gaz ne le laissent penser. D’ailleurs, l’autorité de régulation de l’énergie, l’Arera, a épluché tous les contrats des entreprises concernées. Son constat est que les revenus qui seront perçus si cette taxe est effectivement adoptée, pourraient être moindres qu’escomptés. En tout cas, cette autorité incite l’exécutif à faire bénéficier les clients de ces entreprises, en premier lieu les particuliers, des fruits de cette taxe.

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