Que reproche la justice japonaise à Carlos Ghosn ?
Détenu au Japon depuis cinquante jours, le PDG de Renault, qui était aussi dirigeant de Nissan, a fait l'objet de deux nouvelles inculpations vendredi. Sa libération sous caution semble peu probable.
Les ennuis avec la justice japonaise semblent ne pas en finir pour lui. Carlos Ghosn, qui était déjà sous le coup de trois mandats d'arrêt, vient de se voir signifier deux nouvelles inculpations, vendredi 11 janvier. Le PDG du groupe Renault, qui était également dirigeant de Nissan, est désormais poursuivi pour abus de confiance et revenus minorés entre 2015 et 2018. "Nous pensons que les éléments dont nous disposons méritent une inculpation et un procès", a déclaré à la presse le procureur-adjoint, Shin Kukimoto.
Sa sortie de prison semble hautement compromise, malgré la demande de libération sous caution de ses avocats. En cas de refus, Carlos Ghosn devrait rester incarcérer jusqu'au 10 mars. Franceinfo fait le point sur les multiples accusations qui pèsent à son encontre.
Dissimulation de revenus
La première accusation, pour laquelle Carlos Ghosn a été inculpé le 10 décembre aux côtés de son bras droit, Greg Kelly, est celle pour dissimulation de revenus. Le PDG de Renault est accusé d'avoir minoré de 5 milliards de yens (38 millions d'euros) ses rémunérations dans ses déclarations au fisc japonais pendant cinq ans, entre 2010 et 2015. Vendredi 11 janvier, la justice nippone l'a de nouveau mis en examen pour les mêmes raisons, mais pour la période allant de 2015 à 2018. Carlos Ghosn aurait minimisé ses revenus dans des rapports boursiers de Nissan, cette fois pour un montant de 4 milliards de yens (32 millions d'euros).
Carlos Ghosn aurait décidé de minimiser ses revenus après l'entrée en vigueur d'une loi imposant aux administrateurs les mieux payés de dévoiler leurs émoluments. "Tout d'un coup, M. Ghosn s'est retrouvé obligé de publier ses revenus annuels (qui s'élevaient à l'époque à 2 milliards de yens), et à partir de ce moment-là, il a commencé à les diviser en deux parties : un montant déclaré, un autre non déclaré, censé en théorie lui être versé au moment où il se retirerait du groupe", a déclaré une source proche du dossier à l'AFP. Selon la presse japonaise, l'homme d'affaires de 64 ans aurait ainsi tenté d'éviter les critiques des actionnaires et des employés dans un pays où les PDG perçoivent des émoluments plus modestes qu'ailleurs.
Lors de sa première audience publique, mardi 8 janvier, Carlos Ghosn s'est défendu de ses accusations : il a assuré ne "jamais avoir signé de contrat avec Nissan pour recevoir un montant fixe non divulgué". Les premiers résultats de l'enquête interne lancée fin novembre par Renault avaient pourtant conclu, jeudi 10 janvier, à "l'absence de fraude pour les seules années 2017 et 2018" rappellent Les Echos.
Abus de confiance
En plus de ces dissimulations de revenus, Carlos Ghosn a également été mis en examen pour "abus de confiance aggravé". Il lui est reproché d'avoir, entre 2015 et 2018, imputé à Nissan des pertes réalisées dans le cadre de ses placements personnels lors de la crise financière de 2008. La somme concernée s'élève à 1,85 milliard de yens (14,1 millions d'euros). Pour résoudre ce problème financier, il aurait obtenu qu'un milliardaire saoudien, Khaled Juffali, se porte garant et lui aurait ultérieurement versé de l'argent issu de la "réserve du PDG". Carlos Ghosn s'est défendu sur ce point : selon lui, cet argent versé à Khaled Juffali correspondait à des services réellement rendus envers Nissan.
Nissan a annoncé avoir porté plainte, disant "ne pas tolérer de tels agissements et réclamer des sanctions fermes".
Des soupçons d'emploi fictif
Chez Nissan, des dizaines d'inspecteurs planchent sur le dossier Ghosn et de nombreux hauts responsables sont amenés à collaborer avec la police et la justice. Le constructeur soupçonne également son ex-patron d'autres malversations pour lesquelles il n'est pas mis en cause par la justice à ce stade. Carlos Ghosn aurait notamment financé l'achat de résidences luxueuses à Amsterdam, Paris, Rio de Janeiro et Beyrouth, via une filiale de Nissan basée aux Pays-Bas. Ces fonds étaient censés financer des investissements dans des start-ups.
L'homme d'affaires est également soupçonné d'avoir rémunéré sa sœur d'un montant de 50 000 à 110 000 dollars par an, entre 2003 et 2016, pour des activités de conseil dont il n'a pas été trouvé trace. Selon la presse japonaise, Claudine Bichara de Oliveira aurait touché, au total, quelque 1,7 million de dollars. L'Express affirmait le 28 décembre que les avocats de Nissan au Brésil envisagent "d'éventuelles suites juridiques contre la soeur de Carlos Ghosn pour 'enrichissement indu'".
Nissan accuse également Carlos Ghosn d'avoir perçu une rémunération sans justification d'un milliard de yens (8 millions d'euros) en 2018.
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