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Cinq choses à savoir sur Carlos Ghosn, le patron de Renault et Nissan dans la tourmente

Avant son arrestation, lundi, au Japon, celui qui avait fait de l'alliance Renault-Nissan le numéro 1 mondial du secteur automobile était aussi admiré que redouté.

Article rédigé par franceinfo
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Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, le 8 novembre 2018 à l'usine de Maubeuge (Nord). (REUTERS)

Une chute brutale. Carlos Ghosn, l'emblématique patron de Renault, père de l'alliance nouée avec Nissan, a été arrêté au Japon lundi 19 novembre, au sommet de sa gloire, après avoir fait de son groupe automobile le numéro 1 mondial. Mais qui est-il vraiment ? Franceinfo se penche sur cinq choses à savoir sur cet homme aussi admiré que redouté. 

1Il a sauvé Nissan et a fait de Renault un leader mondial

Carlos Ghosn, c'est d'abord un industriel à la carrière hors norme, qui s'est taillé une solide image de redresseur d'entreprises en difficulté. Tout a commencé chez Michelin, où il a passé dix-huit années. Il s'y fait remarquer dès 1985, lorsqu'il gère le redressement de la filiale brésilienne de l'équipementier. Cinq ans plus tard, tandis qu'il est à la tête de la filiale nord-américaine, il supervise la fusion avec Uniroyal, que Michelin vient d'accueillir. Fermeture d'usines, suppressions de postes… A chaque fois, le régime est sévère mais efficace. Carlos Ghosn est devenu un redoutable "cost killer", et surtout le numéro 2 du groupe.

Mais l'ambitieux ne veut pas s'arrêter là. N'ayant aucune chance de prendre la tête de Michelin, entreprise familiale par excellence, il se laisse tenter par une autre aventure. En 1996, le PDG de Renault, Louis Schweitzer, le recrute comme directeur général adjoint. Trois ans plus tard, Renault entre au capital de Nissan. Le constructeur japonais est en grande difficulté financière. C'est Carlos Ghosn, nommé à sa tête, qui est chargé de redresser la barre. Au Japon, il applique ses méthodes : 21 000 emplois supprimés, usines fermées… Mais Nissan renaît de ses cendres. En 2005, fort de son succès, le PDG de Nissan devient presque naturellement PDG du vaisseau amiral, Renault.

Chez Renault, Ghosn amplifie l'internationalisation de l'ancienne entreprise publique, impulsée par son prédécesseur. Il développe le "low cost", avec le succès inattendu de la marque Dacia, et abandonne peu à peu le haut de gamme… pour mieux se positionner sur le marché de la voiture électrique, encore balbutiant. Aujourd'hui, Renault est devenu un géant industriel, à la tête d'une alliance qui regroupe pas moins de dix marques, emploie 470 000 salariés et fait tourner 122 usines sur les continents. Ni plus ni moins que le numéro 1 mondial du secteur.

2Il est vénéré au Japon, où il a été le héros d'un manga

Son passage à la tête de Nissan en a fait une star au Japon, un pays où les dirigeants étrangers sont pourtant peu nombreux et peu durables. Le schacho ("président", en japonais) a même eu droit en 2001 à son manga, paru dans un magazine sous le titre L'Histoire vraie de Ghosn-san. Le manga retrace la vie de l'industriel, de son enfance au Liban jusqu'à ses exploits japonais. Pour l'éditeur, il s'agissait de "redonner le moral aux employés japonais déboussolés par la crise économique", relevait alors Libération.

Planche du manga "L'Histoire vraie de Ghosn-san", paru en 2011 au Japon. (TOM WAGNER / REA)

3Il dirige ses troupes d'une main de fer

Derrière ses succès économiques incontestables, Carlos Ghosn cache une véritable main de fer, aux méthodes de gestion dures, souvent critiquées en interne mais aussi par l'Etat français, actionnaire principal de Renault. Il est également perçu comme une sorte d'homme-robot, froid, quasiment sans affect. "Il n'a aucune empathie, il ne donne pas de lui-même. Personne ne le déteste, mais personne ne l'aime non plus", confiait un cadre de Renault au Figaro en 2013.

Chez Carlos Ghosn, la camaraderie n'est jamais vraiment de mise, y compris avec ses collaborateurs les plus proches. "Au point d'appeler en toutes circonstances 'madame' ou 'monsieur' ceux qu'il côtoie depuis des décennies ou avec qui il a vécu l'épopée Nissan de 1999", souligne Le Figaro.

Le PDG de Renault n'hésite pas à couper les têtes qui dépassent. Le 14 août 2013, le numéro 2 du groupe, Carlos Tavares, donne une interview où il fait part de ses ambitions de devenir, un jour, numéro 1, éventuellement chez un constructeur concurrent. Un crime de lèse-majesté ! Deux semaines plus tard, la sentence tombe : Tavares est prié de plier bagages et Ghosn en profite pour nommer deux personnes à son poste. Diviser pour mieux régner, en somme. Il récidive, quelques mois plus tard, cette fois chez Nissan, dont le directeur général et numéro 2, Toshiyuki Shiga, est brutalement remercié.

4Détenteur de trois passeports, il voyage sans cesse

En 2003, alors qu'il n'était encore "que" PDG de Nissan, Carlos Ghosn publiait son autobiographie, intitulée Citoyen du monde (Grasset). Né en 1964 à Porto Velho (Brésil) de parents libanais, Carlos Ghosn a voyagé toute sa vie. De ses 6 ans jusqu'à ses 17 ans, c'est au Liban qu'il étudie, chez les jésuites. Puis, en France, il suit la voie royale des grandes écoles : Polytechnique et les Mines. Comme PDG de Renault et Nissan, ses allers-retours Paris-Tokyo sont incessants. Pas un problème pour cet homme qui aime voyager : "C'est quand je me déplace que je me sens le plus à la maison", assure-t-il.

Dans sa poche, il possède trois passeports (français, brésilien et libanais) et parle sept langues (dont le portugais, le japonais et l'arabe). Sous ses allures posées, Carlos Ghosn est un hyperactif. "Vous ne pouvez pas vivre dans deux pays en même temps, vous ne pouvez pas diriger deux entreprises d'une telle taille, d'une telle complexité, qui demandent une telle attention, en même temps. J'arrive à le faire parce que j'ai quatorze ans d'expérience, expliquait-il au Figaro en 2013. Je me prends trois ou quatre jet lags par mois, je fais des nuits à peu près blanches. Et à la sortie de l'avion, les gens vous attendent : il faut être à 100%."

Cette vie à mille à l'heure l'oblige à une discipline de vie rigoureuse. Au siège de Renault, à Boulogne-Billancourt, près de Paris, il arrive généralement à 7h30 "après avoir déjà travaillé quelques heures". Son agenda est, paraît-il, millimétré, si bien qu'un rendez-vous se programme parfois plus d'un an à l'avance, selon Le Figaro. Le journal précise que le dirigeant ne tolère aucun retard, et qu'il n'en a jamais lui-même.

5Il a survécu à de nombreux scandales, notamment sur sa rémunération

Est-ce grâce à son talent ou à sa poigne ? Toujours est-il que Carlos Ghosn a traversé bien des scandales, sans jamais être fragilisé à la tête de son empire : l'affaire des suicides au Technocentre de Renault en 2007, la mise en cause injustifiée, en 2011, de trois salariés soupçonnés, à tort, d'espionnage industriel, ou encore le Dieselgate, qui s'est traduit pour Renault par l'ouverture en 2017 d'une enquête pour tromperie aggravée.

Mais ce sont surtout ses rémunérations vertigineuses qui défraient régulièrement la chronique. Entre 2009 et 2016, son salaire comme PDG de Renault est passé de 1,2 à 7 millions d'euros, souligne Libération. Une somme à laquelle il faut ajouter sa rémunération comme PDG de Nissan, de l'ordre de 8 millions d'euros par an.

En 2016, les émoluments de Carlos Ghosn agacent jusque dans les rangs des actionnaires de Renault, qui rejettent à 54% en assemblée générale la résolution sur la rémunération de leur PDG. Un vrai coup de semonce, que l'entreprise choisit d'ignorer en confirmant le salaire de Ghosn. L'affaire avait suscité la colère du gouvernement et notamment du ministre de l'Economie de l'époque, un certain Emmanuel Macron. 

En 2017, Reuters révèle que des banquiers de l'alliance Renault-Nissan ont élaboré un projet permettant de verser des millions d'euros de bonus annuels supplémentaires à Carlos Ghosn, via une société de service créée spécialement aux Pays-Bas. Une information que le dirigeant dément, se fendant même d'un coup de fil courroucé au directeur de l'agence de presse.

Malgré tout, Carlos Ghosn est invariablement reconduit dans ses fonctions. Début 2018, dernière échéance en date, l'Etat (actionnaire à 15% du groupe) a toutefois posé ses conditions : une réduction de 30% de son salaire et la nomination d'un véritable numéro 2, Thierry Bolloré, pressenti pour lui succéder le jour où il passerait la main.

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