Privatisation d'Aéroports de Paris : "Il faut qu'il y ait un minimum de candidats au rachat sinon on va encore se faire avoir"
Emmanuelle Auriol, professeure à la Toulouse School of Economics, estime aussi qu'il faut qu'il y ait "un prix de réserve".
Après environ neuf heures de débats acharnés, l'Assemblée nationale a donné jeudi 14 mars un nouveau feu vert à la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP), voulue par le gouvernement mais vivement contestée par les oppositions. "Il faut qu'il y ait un minimum de candidats au rachat et sans doute un prix de réserve sinon on va encore se faire avoir", avertit sur franceinfo Emmanuelle Auriol, professeure à la Toulouse School of Economics.
franceinfo : Que l'État vende tout ou conserve une partie du capital, cela change beaucoup les choses ?
Emmanuelle Auriol : Oui parce que quand on vend tout, on a la prime de contrôle donc 20 à 30% supplémentaires par rapport au cours boursier donc effectivement, tout vendre, c'est plus intéressant du point de vue en tout cas fiscal. S'il s'agit de vendre des parkings, des hôtels, des boutiques de luxe, ce n'est pas là le cœur du sujet. Le cœur du sujet évidemment, c'est toute la partie gestion des frontières, régulation aérienne et ça, ça reste dans le giron public quoi qu'il arrive. L'État s'est engagé à réguler. Et c'est la grande question. Est-ce qu'il y aura une régulation efficace, notamment des tarifs. Ça c'est un vrai enjeu en cas de privatisation.
La question des tarifs peut se poser comme dans la question des concessions des autoroutes ?
Oui. Les autoroutes c'est un très bon exemple car ça s'est très mal passé dans le sens où elles ont été bradées. Là on serait doublement perdant si ce n'est pas bien vendu, Aéroports de Paris. Pour les autoroutes, il n'y avait qu'un seul acheteur à la fin pour ASF (Autoroutes du sud de la France), Vinci qui en détenait 20% et qui a bien fait comprendre qu'il voulait le reste et donc personne ne s'est présenté. Je crois que le diable est dans les détails. Il faut qu'il y ait un minimum de candidats au rachat et sans doute un prix de réserve sinon on va encore se faire avoir.
Cette privatisation d'ADP pourrait-elle être défavorable à Air France ?
C'est en enjeu aussi évidemment la question d'Air France mais là pour l'instant on se trouve dans une situation qui n'est pas idéale non plus parce que l'État est actionnaire et d'Air France et d'Aéroports de Paris. Déjà, il a une double casquette et on sait par expérience que de mauvaises décisions sont souvent prises dans les deux cas. On n'a pas à cœur l'intérêt d'une entreprise mais on voit un truc plus global. Et en l'occurrence, bien qu'il n'ait pas beaucoup de parts dans Air France, il privilégie souvent Air France au détriment d'ADP. Donc ce serait quand même plus clair d'avoir une vraie régulation avec un régulateur indépendant, efficace qui gérerait les intérêts d'Air France mais pas que. Et puis, ce qui est vital pour la survie d'ADP comme hub en Europe, ce sont les investissements et pour l'instant, ce n'est pas au point. Il y a besoin de doubler la capacité des aéroports sur Paris. Si ce n'est pas fait, on ne va pas être un hub en Europe. La compétition est réelle, ce n'est pas un monopole.
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