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"C'est plus qu'un soulagement d'être enfin arrivée" : la galère des passagers d'Aigle Azur, placée en redressement judiciaire

La compagnie aérienne a enregistré de nombreux et importants retards ces derniers jours et a annoncé l'annulation de tous ses vols à partir du samedi 7 septembre.

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un Airbus de la compagnie Air Azur se prépare à atterrir à l'aéroport de Marignane à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 29 mars 2018.  (JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS)

"Le seul interlocuteur que l'on avait, c'était l'écran d'affichage", soupire Barka. Cette trentenaire, en vacances en Algérie, est restée bloquée près de quatorze heures à l'aéroport d'Alger, dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 septembre. Son vol pour Paris-Charles de Gaulle a sans cesse été retardé. En cause : la compagnie aérienne française Aigle Azur, placée en redressement judiciaire depuis lundi. C'est cette "situation financière" qui provoque des "difficultés opérationnelles", selon un document interne consulté par l'AFP, et qui ne permettra pas à l'entreprise "d'assurer [ses] vols au-delà du 6 septembre au soir".

"On a dû passer la nuit dans le hall sans matelas"

A Alger, la situation est particulièrement chaotique pour Aigle Azur, pourtant spécialiste des liaisons avec l'Algérie, qui représentent 50% à 60% de son activité. Quelque 200 passagers toulousains ont, par exemple, été bloqués pendant deux jours. Barka, elle, devait embarquer à 22h25. Avant d'arriver à l'aéroport, aucun retard n'est pourtant annoncé par Aigle Azur. Sur place, tout se complique. Barka découvre "un monde fou", avec des personnes "qui avaient leur vol prévu la veille".

La jeune femme apprend que son vol est finalement prévu à 5 heures du matin, le lendemain. "Nous avons eu droit à un sandwich et avons dû passer la nuit dans le hall sans matelas. Il faisait très, très froid, raconte-t-elle. On est restés prisonniers dans un hall frigorifique, sans interlocuteur."

Il y avait des bébés, des enfants, des personnes âgées et on n'avait rien. Il n'y avait aucun responsable d'Aigle Azur.

Barka

à franceinfo

A 5 heures, le vol est de nouveau retardé pour être programmé à 9h14, avant d'être (encore) décalé à 11 heures. Les passagers, à bout de nerfs, tentent de bloquer un autre embarquement pour Orly avant d'être délogés par la police, selon le récit de Barka. Ce n'est qu'à midi que les passagers de ce vol partiront. "C'est plus qu'un soulagement d'être enfin arrivée", nous écrit-elle.

"Le service client ne répond pas"

Yanis a vécu la même galère. Cet étudiant en économie, lui aussi en vacances en Algérie, devait rentrer à Paris le 2 septembre, avec un vol Aigle Azur prévu à 17h30. Accompagné de sa mère, son frère et sa sœur, il apprend par e-mail que leur vol est reporté au lendemain à 19h35. Une fois arrivée à l'aéroport le jour J, la petite famille n'embarque pourtant pas. Nouveau retard. L'avion ne décollera pas avant minuit. Mais, à 23 heures, le feuilleton se poursuit puisque les passagers apprennent qu'ils n'embarqueront pas avant 9h15, le 4 septembre.

"La majorité des voyageurs ne voulaient pas aller à l'hôtel et ont décidé de bloquer un vol Aigle Azur pour Marseille, raconte-t-il. Au bout du compte, nous sommes allés à l'hôtel et avons été réveillés à 5 heures." Yanis et sa famille attendront encore plusieurs heures avant d'enfin embarquer pour Paris.

Ma mère a raté trois jours de travail et mon frère a manqué sa rentrée des classes.

Yanis

à franceinfo

Outre les passagers bloqués des heures dans les aéroports, il y a aussi tous ceux qui ont acheté un billet d'avion à Aigle Azur et ont reçu un e-mail d'annulation. C'est le cas de Giovani, parti cinq semaines en vacances en Brésil. "Nous avions initialement un vol de Sao Paulo le 13 septembre. Nous avons reçu un simple e-mail nous indiquant que le vol était annulé. Pas plus d'infos, indique le vacancier. Le service clients ne répond pas." 

Il est vraiment honteux de ne proposer aucune solution aux clients. Nous sommes démunis face à la situation et nous sommes dans le flou complet.

Giovanni

à franceinfo

Résultat : Giovanni va peut-être devoir prendre un vol de 30 heures avec deux escales aux Etats-Unis pour rentrer en France. "Ce sont les seuls billets abordables, les autres sont à 1 000 euros", explique-t-il. Il a également contacté l'ambassade de France au Brésil. En vain. "Ils ne peuvent rien pour nous, c'est à nous de nous débrouiller", regrette-t-il.

Car c'est bien tout le problème, les recours juridiques pour les passagers semblent inexistants, à ce stade. "On va se retrouver dans la procédure de redressement avec des créanciers prioritaires et je crains que les passagers ne soient pas prioritaires", explique Cécile Gaubert, avocate au barreau de Paris en droit aérien. En clair, "il va falloir faire une déclaration de créance auprès du liquidateur et en fonction du degré de priorité des créances, les passagers pourront être indemnisés avec ce qu'il reste de l'argent de la compagnie". Un espoir subsiste pour une catégorie de passagers : "Ceux qui ont fait appel à une agence de voyage peuvent se retourner contre leur agence pour se faire rembourser." 

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