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Trois idées reçues sur la dépénalisation du cannabis

Le débat sur la légalisation a une nouvelle fois rebondi après les déclarations de Jean-Marie Le Guen. Quelles seraient les véritables conséquences d'une dépénalisation du produit ?

Article rédigé par Vincent Matalon, Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
En 2010, 17,5% des jeunes adultes français avaient consommé du cannabis lors des douze derniers mois. (DAVID SUTHERLAND / GETTY IMAGES)

Dépénalisation du cannabis, saison 43, épisode 28. Pour la quatrième fois depuis 2012, le gouvernement a relancé le débat. "La situation actuelle ne marche pas et on doit bouger", a déclaré Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations au Parlement, lundi 11 avril sur BFMTV.

Cette déclaration ne devrait pas être plus suivie d'effet que les précédentes. Mais le débat, lui, continue. Comme les idées reçues à ce sujet sont nombreuses, francetv info a décidé de lister les trois principales pour les vérifier, à la lumière des législations dans les autres pays. 

1 Dépénaliser le cannabis augmenterait la consommation

Difficile à dire. Dans son rapport datant de novembre 2015, l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) dresse un état des lieux de la consommation de cannabis chez les 15-34 ans en fonction de l'évolution de la législation locale –renforcement ou affaiblissement des sanctions à l'égard des consommateurs– le tout sur une dizaine d'années.

Celui-ci montre que la consommation n'a pas baissé dans les deux pays –l'Italie et le Danemark– qui ont renforcé leurs sanctions. Chez ceux qui ont choisi de moins punir les consommateurs, la situation est plus contrastée : au Royaume-Uni et en Grèce, la consommation a fortement diminué, tandis qu'en Finlande et en Slovaquie, elle a légèrement augmenté (graphique p. 49 du rapport). "Dans les pays concernés, aucune corrélation simple ne peut être observée entre les changements législatifs et la prévalence de la consommation de cannabis", note le rapport.

Le nombre d'adeptes du pétard varie énormément selon les pays, que ceux-ci aient dépénalisé le cannabis ou non. Voici par exemple les résultats en matière de consommation les 12 derniers mois chez les jeunes adultes (15-34 ans), dans les pays où la détention d'une petite quantité de cannabis est une infraction pénale. Toutes les données sont consultables sur le site de l'OEDT (en anglais).

Les résultats sont tout aussi variés dans les pays où la détention d'une petite quantité de cannabis est tolérée. 

2Dépénaliser le cannabis favoriserait la consommation de drogues plus dures

Faux. Au Portugal, l'acquisition, la détention et la consommation de produits stupéfiants ont été dépénalisés en novembre 2000. Les contrevenants n'encourent plus que des sanctions administratives, comme le détaille un rapport sénatorial français datant de 2002.

Cette plus grande permissivité n'empêche pas le pays de faire figure de bon élève lorsqu'il s'agit de drogues dures. En 2007, seuls 1,7 % des jeunes adultes avaient pris de la cocaïne lors des 12 derniers mois. Ce taux atteint à peine 0,9% en ce qui concerne l'ecstasy. Et entre 2001 et 2006, les consommations de toutes les drogues, quelles qu'elles soient, ont diminué dans le pays, selon un rapport datant de 2009 du think tank américain Cato Institute (voir le graphique page 12). 

A l'inverse, le Royaume-Uni, où la possession de cannabis est passible de cinq ans de prison selon le ministère de l'Intérieur (lien en anglais), est championne d'Europe de la consommation de cocaïne. En 2013, 4,2% des jeunes adultes en avaient consommé lors des 12 derniers mois, selon l'OEDT.Ce pays fait aussi partie des champions européens en matière de consommation d'ecstasy.

3Dépénaliser le cannabis porterait un coup au trafic

Plutôt faux. La plus grande clémence du Portugal envers les consommateurs a-t-elle limité le trafic ? Un premier coup d'oeil sur les données laisse penser que oui. En 2013, près de 8,7 tonnes de résine ont été saisies par les autorités, indique l'OEDT. Une quantité légèrement plus faible qu'en 1999 (10,6 tonnes), avant la dépénalisation. Mais une analyse un peu plus poussée des données montre que ce n'est pas aussi simple.

Au Portugal, les saisies ont par exemple explosé en 2006, où 61 tonnes ont été confisquées, soit six fois plus qu'avant la dépénalisation. On l'aura compris, ces données sont très fluctuantes et ne peuvent pas être utilisées pour établir une démonstration sur les effets de la dépénalisation.

La situation des Pays-Bas montre que la légalisation n'empêche pas le trafic de cannabis. En 2009, année record de la saisie de cannabis, plus de 24 tonnes de résine et plus de 42 tonnes d'herbe ont été saisies, selon l'office des Nations unies contre la drogue et le crime. Dans le pays, "la dépénalisation de la consommation du cannabis n'a pas fait disparaître le crime organisé, notait en 2014 le criminologue Stéphane Quéré dans L'ExpressCelui-ci s'est simplement adapté, et a réussi à prendre pied dans les coffee shops, tout en gardant la main sur la culture du cannabis."

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