Il s'isole dans un phare breton pendant deux mois : "Ici, on se sent vraiment minuscule"
A la recherche de financement pour rénover le phare de Tévennec, Marc Pointud s'est installé samedi sur cet îlot du Finistère pour une durée de 60 jours. Il raconte ses premières heures de solitude à francetv info.
"Le calme, le vide, on ne s'en rend pas compte tout de suite. Mais au réveil, on le prend en pleine face : il n'y a vraiment personne." Marc Pointud est installé depuis quatre jours sur l'îlot de Tévennec, mercredi 2 mars, quand il répond aux questions de francetv info. Cet amoureux de la mer, âgé de 65 ans, vient d'entamer sa retraite solitaire prévue pour durer 60 jours dans le phare abandonné par ses gardiens en 1910. Il vient à peine de "prendre ses marques" et commence à s'habituer à ce que va être son quotidien pour les deux mois qui viennent.
Les trois premiers jours, il a vidé les cartons et les caisses de matériel avec lesquels il est arrivé par hélicoptère sur ce coin de terre, perdu en mer entre la pointe du Raz et l'île de Sein, au large du Finistère. "Il a fallu tout apporter. Ici, il n'y a vraiment plus rien. A peine quatre murs, des portes et des volets." Automatisé, le phare n'a plus revu âme qui vive jusqu'en 2011, date à laquelle l'association Phares et Balises a obtenu l'autorisation de l'occuper et de le restaurer. Mais à part quelques nuits pendant lesquelles les bénévoles sont venus dormir à la belle étoile, le bâtiment n'a plus connu de locataire. Jusqu'à Marc Pointud...
Une pièce à vivre d'une surface de 6 m2
Pour cet expert en patrimoine maritime, qui a passé la majeure partie de sa carrière dans les salles de vente, cette expérience est "un rêve de gamin" qui se concrétise. Celui d'un enfant issu d'une famille originaire de Bourgogne et du Massif central –"on fait pas plus terrien que ça"–, qui a découvert la Bretagne tout petit et a commencé à naviguer à l'âge de 15 ans.
Il doit toutefois composer avec une dure réalité. "Je me tiens dans une pièce de 6 m2", détaille-t-il à francetv info. Il a apporté avec lui un mobilier sommaire : un lit, quatre tréteaux et deux planches pour servir de table, des chaises. "Ah oui, et des rideaux de récup' que j'ai installés devant la porte et les fenêtres pour couper le vent", décrit celui qui s'est donné pour mission de faire parler de Tévennec pour attirer les mécènes et tenter de sauver ce patrimoine maritime délabré.
Entre deux coupures de téléphone, il poursuit la visite des lieux. "Dans la salle d'à côté, il y a perpétuellement un centimètre d'eau, à cause du toit qui fuit. L'autre grande pièce du rez-de-chaussée est complètement dans le vent et le plancher est pourri. A l'étage, les minuscules chambres sont battues par les vents, à peine protégées par les derniers volets ou les plaques qui ont remplacé les fenêtres."
Une visite qu'il a filmée pour la chaîne de télévision locale Tébéo, avec qui il a noué un partenariat et à qui il envoie chaque jour une vidéo.
Seul sur Tévennec. Troisième jourSeul sur Tévennec. Troisième jour. Marc Pointud, isolé durant 60 jours sur l'îlot Tévennec, nous fait découvrir les lieux. En ce troisième jour, visite de l'intérieur de la maison-phare. Et retrouvez chaque jour dans L'Instant T le carnet de bord vidéo de Marc Pointud dans L'Instant Tévennec, à 19h30 et 22h30.
Posté par Tébéo sur jeudi 3 mars 2016
Trois cents litres d'eau pour huit semaines
Dans son paquetage également, de quoi tenir pendant huit semaines de retraite : de la nourriture, "pas uniquement du sous-vide, un peu de frais aussi comme un cageot de pommes, des pommes de terre et une douzaine d'œufs, de quoi me faire des petits plats" ; des piles électriques notamment pour l'éclairage ; et un panneau solaire pour alimenter son téléphone et son ordinateur portables. Le phare a beau être électrifié, impossible de toucher au réseau pour s'alimenter en énergie : il n'y a pas de prises électriques. Et pour l'eau potable, "des jerricans". En tout, "environ 300 litres" pour s'hydrater, cuisiner et se laver. "Il faut que je le fasse durer... sinon, c'est la fin de la mission. Pas de quoi se doucher pendant des heures", sourit-il entre deux bourrasques.
Car la météo n'est pas au beau fixe. "Depuis hier soir [mardi], la tempête s'est levée. On a des vents de force 9. On se sent minuscule... Je suis minuscule. Comme sur un bateau immobile", confie Marc Pointud, pourtant habitué à naviguer en solitaire. Sur l'îlot, poussées par le vent du large, les vagues peuvent atteindre le haut du phare. Et l'écume s'introduire partout. S'il a peur ? La question ne se pose même pas. "Evidemment, je fais attention en me promenant sur la terrasse. Je ne peux pas me permettre d'avoir un accident."
Seul sur Tévennec. Deuxième jourSeul sur Tévennec. Deuxième jourMarc Pointud, isolé durant 60 jours sur le rocher de la maison-phare de Tévennec, nous fait découvrir les lieux. En ce deuxième jour, il poursuit la visite extérieure. Et retrouvez chaque jour dans L'Instant T le carnet de bord vidéo de Marc Pointud dans L'Instant Tévennec, à 19h30 et 22h30.
Posté par Tébéo sur mercredi 2 mars 2016
Au cas où, il peut néanmoins contacter par radio VHF le sémaphore de la pointe du Raz pour être rapidement évacué par hélicoptère vers l'hôpital de Brest. "Je vais faire en sorte de ne pas en avoir besoin..." préfère-t-il éluder.
Pas de voix inhospitalières "pour l'instant"
Pour changer de sujet, l'aventurier rappelle que sa démarche "est mûrement réfléchie : au-delà de l'action pour l'association, cette retraite est aussi un projet personnel que je voulais mener, une expérience de la solitude". Pas de quoi ébranler le bonhomme qui a prévu de "faire une cure de sommeil" et d'occuper ses journées à écrire. Des posts pour son blog, une chronique hebdomadaire que Le Télégramme publiera tous les dimanches et un livre, personnel, dont "la vie dans le phare sera la trame".
A-t-il vu ou entendu les esprits dont la légende dit qu'ils hantent les lieux et chassent les occupants ? "Vous savez, on en dit des choses, il faut remettre les choses dans leur contexte", répond Marc Pointud. Rationnel, il évoque les "mélanges religion-superstition" et les conditions d'hygiène alimentaire du XIXe siècle pour tenter d'expliquer le phénomène : "Vous savez, un bout de salaison qui avait tourné..." Il rappelle aussi que ceux qui ont témoigné de ces "voix" inhospitalières vivaient seuls, "pendant des mois sans aucun contact avec personne". Lui dit s'en prémunir en répondant aux appels et aux messages qu'il reçoit. "Non, je n'ai pas entendu de voix. Pour l'instant..."
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