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Ce que l'on sait de l'opération de sauvetage du béluga qui était égaré dans la Seine

Une opération d'extraction du béluga piégé dans une écluse de Normandie a débuté mardi soir. Le cétacé a été sortie de l'eau vers 4h du matin et immédiatement pris en charge par des vétérinaires. Les chances de survie du cétacé, dans un état de santé inquiétant, sont minces.

Article rédigé par franceinfo
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Un bateau de l'ONG Sea Shepherd veille sur le béluga qui s'est égaré dans la Seine, à Notre-Dame-de-la-Garenne, le 8 août 2022. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Il errait dans la Seine depuis une semaine. Coincé entre deux écluses, le béluga égaré dans le fleuve était contenu depuis vendredi dans l'écluse de Saint-Pierre-la-Garenne, à 70 km de Paris. L'opération d'extraction du cétacé a démarré peu avant 22 heures, a annoncé la préfecture de l'Eure, mardi 9 août. L'animal a été sorti de l'eau un peu après 4h, avant d'être déposé sur une barge et pris en charge par une dizaine de vétérinaires. Son retour à la mer reste soumis aux résultats des examens pour évaluer son état de santé.

Comment ce béluga s'est-il égaré dans la Seine ?

Le béluga est une espèce de cétacé protégée qui vit principalement au Canada et dans les eaux arctiques. Il vit habituellement en groupe et se nourrit de poissons et de crustacés. Le spécimen repéré dans la Seine s'est visiblement égaré et a remonté la Seine. L'animal est maintenant contenu dans une écluse du barrage de Saint-Pierre-la-Garenne, de 125 mètres sur 24 mètres. "Il arrive à des individus isolés d'errer dans des eaux plus méridionales. Il peut survivre temporairement en eau douce", explique un communiqué de la préfecture de l'Eure.

Pour l'océanographe François Sarano, interrogé par Ouest-France, il existe parfois chez les cétacés "des individus qui quittent le clan et qui font des escapades plus ou moins longues pour explorer d'autres lieux". Le scientifique évoque également l'évolution rapide de la position des pôles magnétiques terrestres comme une des causes potentielles de cette désorientation. Selon le chercheur, il est aussi possible que "les modifications des courants marins, influencées par le réchauffement climatique, soient une des causes de son égarement".

Quel est son état de santé ?

Il mesure environ quatre mètres pour 800 kilos et semble amaigri. Sa situation est inquiétante, car un séjour prolongé dans l'eau de l'écluse, plus chaude et stagnante que son milieu aquatique habituel, peut nuire à son état de santé. Quelques jours après avoir été repéré, l'animal présentait en effet "des altérations cutanées dues à sa présence en eau douce". Il refuse par ailleurs de s'alimenter. Des vétérinaires ont tenté de lui "administrer des vitamines et des produits susceptibles de lui ouvrir l'appétit". Sans succès, selon la préfecture de l'Eure.

Mobilisée sur place, l'ONG Sea Shepherd a tenté de proposer à l'animal des harengs morts, puis des truites vivantes. Mais le béluga "ne s'alimente (a priori) toujours pas", déplore l'ONG sur Twitter. Son état de santé paraît toutefois s'être légèrement amélioré, mardi matin. "Vers 4 heures du matin, il s'est frotté pendant 30 minutes sur les parois de l'écluse et s'est débarrassé des taches qui étaient apparues sur son dos. Les antibiotiques ont également pu aider", positive l'ONG.

Les vétérinaires sur place ont pu réaliser un examen approfondi du cétacé suite à son extraction de l'écluse dans la nuit de mardi 9 à mercredi 10 août. "On a pu constater que c'est un mâle, qu'il lui manque énormément de poids et qu'il a quelques plaies", a déclaré la sous-préfète d'Evreux, Isabelle Dorliat-Pouzet, une heure après les premiers examens. "Au moment où je vous parle, il est vivant, il est sur la barge, il a survécu. Il est en cours de soins", rassurait-elle.

Quelles solutions ont été envisagées pour le sauver ?

Parmi les options envisagées, celle "de l'euthanasie a été écartée", a déclaré Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France. Trois options étaient encore sur la table durant le week-end : une ouverture de l'écluse, le laisser finir sa vie "comme quelqu'un de très malade" ou bien l'extraction, avait listé la sous-préfète d'Evreux.

C'est cette dernière option qui a été retenue. Des équipes du parc Marineland d'Antibes (Alpes-Maritimes), plus grand zoo marin d'Europe, ont été mobilisées, lundi soir. Sea Shepherd a par ailleurs publié un appel aux dons sur les réseaux sociaux pour rassembler le matériel nécessaire à l'opération.

Comment le sauvetage s'organise-t-il ?

L'opération s'annonce "hors du commun", selon Isabelle Brasseur, membre de l'équipe du Marineland d'Antibes. En effet, les berges de la Seine "ne sont pas accessibles aux véhicules" à cet endroit et "tout doit être transporté à la main", précise la préfecture de l'Eure. Malgré cette contrainte technique, l'opération devait être la plus rapide possible pour maintenir les chances de survie du cétacé. "Dans l'eau, les cétacés supportent bien leur poids, mais sur terre, la gravité est plus difficile et ça comprime ses organes. Il ne faut pas qu'il reste trop longtemps dans cette position", explique Gérard Mauger, vice-président du groupe d'études des cétacés du Cotentin (GECC) à France 3 Normandie.

Finalement, l'opération d'extraction aura duré plus de six heures. Débutée un peu avant 22h, le béluga n'est finalement sorti de l'eau qu'après 4h. Le béluga a tout d'abord été capturé dans un filet avant d'être soulevé par une grue et d'être déposé sur une barge, où il a été pris en charge par une équipe de vétérinaire.

"Le moment où le béluga a été sorti de l'eau dans le filet", vers 4h00 du matin, "a été extrêmement intense et stressant parce qu'il a été surpris, il a bougé. C'était assez stupéfiant", a témoigné la sous-préfète d'Evreux, présente tout au long de l'opération. C'était "plus long qu'imaginé" mais "c'est un animal sauvage et c'était une technique nouvelle, donc il a fallu aller pas à pas", a-t-elle rappelé. Isabelle Dorliat-Pouzet a par ailleurs tenu à saluer le travail des 60 personnes mobilisées sur place : plongeurs, pompiers, gendarmes, zoologues, vétérinaires.

Le béluga a-t-il des chances de rejoindre la mer ?

Malgré une opération d'extraction réussie, le pronostic vital du béluga est "mauvais". Le bilan de santé réalisé "confirme la maigreur de l’animal mais ne permet pas d’en déterminer la cause". Avant d'être libéré, "la priorité est de le remettre dans l'eau de mer", explique Isabelle Brasseur. Le cétacé a ainsi pris le chemin du port de Ouistreham à 6h30, ce mercredi 10 août, pour être relâché dans une écluse d'eau de mer. Après trois jours d'observation, si son état de santé le permet, il sera relâché en haute mer. En effet, une remise au large précipitée pourrait être mortelle. "Le risque de le remettre en mer directement, c'est qu'il meurt aussitôt et qu'il revienne échoué", estime Gérard Mauger, pour France 3 Normandie.

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