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Reportage "On va défendre notre culture" : en Camargue, les passionnés de corrida craignent de voir disparaître leur "passion"

Article rédigé par Hugo Charpentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un entraînement à l'école taurine d'Arles, dans la Monumentale de Gimeaux.  (HUGO CHARPENTIER / RADIO FRANCE)

L'Assemblée nationale doit examiner la proposition de loi visant à abolir la corrida. Rejeté en commission la semaine dernière, le texte a peu de chances d'aboutir. 

Le rejet des députés réunis en commission de la proposition de loi de l'insoumis Aymeric Caron n'empêche pas l'examen du texte par l'Assemblée nationale, jeudi 24 novembre. La corrida a peu de chance d'être interdite en France via ce texte, mais les passionnés camarguais de cette coutume locale se sentent de plus en plus menacés

>> Corrida : quatre questions sur la proposition de loi qui réclame son interdiction en France

Parmi les élèves, qui s'entraînent cape à la main avec une vachette, se trouve Fabien. Ce jeune homme de 22 ans a stoppé ses études pour réaliser son rêve devenir torero. Là ou il se sent le mieux, c'est dans l'arène : "C'est une sensation unique de sentir la bête passer près de nous", explique-t-il. Elle est totalement sauvage, donc c'est à nous de tout faire le travail, de la faire passer dans la cape comme dans la muleta."

"Ce serait dommage pour notre territoire", estime Mehdi Savalli, lui-même torero et inquiet de voir sa passion disparaître. "C'est notre tradition, c'est notre profession. C'est notre tout, en fait", confie-t-il.

Un entraînement à l'école taurine d'Arles, à la Monumental de Gimeaux.  (HUGO CHARPENTIER / RADIO FRANCE)

Pour les plus jeunes, la question n'est plus tellement de savoir si la corrida sera un jour interdite, mais de savoir quand. Et ce jour là, Fabien s'en ira peut-être de l'autre côté des Pyrénées : "Ah oui, je partirais en Espagne", assure-t-il.

"Le taureau, c'est une partie de ma vie. Ça me manquerait trop de mettre devant du bétail, de toréer, de ressentir des sensations."

Fabien, élève torero

à franceinfo

Mehdi Savalli enchaîne : "Mais pour l'instant, on ne va pas partir, on va rester là et on va défendre notre culture."

La fin du métier d'éleveur de taureau ?

Eux, de toute façon, ne pourront pas s'en aller : les éleveurs de taureaux de combat. Au cœur de la Camargue se trouvent les terres de Vincent Fare. Une trentaine d'hectares qu'il sillonne sur son tracteur à la recherche de plusieurs veaux nés pendant la nuit. "Et ça, c'est un nouveau !", s'exclame-t-il. "Il vient de naître, lui, il est magnifique. Regardez, on va voir ses premiers pas. Hop hop, on dirait un petit Bambi. C'est une femelle ? Voilà, c'est une fille."

"Sans le taureau, tout ce paysage-là n'existerait pas. C'est un écosystème qui est préservé. Ici, il y a des renards, des sangliers, les loups, des oiseaux qu'on ne voit nulle part ailleurs. Tout ça, c'est préservé grâce à lui."

Vincent Fare, éleveur de taureaux de combat en Camargue

à franceinfo

Mais pour combien de temps encore ? L'éleveur ne se fait pas d'illusions : "Si j'ai la chance d'avoir des enfants, je pense qu'ils ne pourront pas être encore éleveur de taureaux de combat", se désole Vincent Fare. "La loi ne va pas passer, là. Mais je sais que dans dix ans, dans 30 ans, la corrida n'existera plus. Je ne sais pas comment je peux le vivre. Ça peut être vraiment le drame de toute une vie, de ma vie et de celle de beaucoup de mes copains qui sont encore éleveurs de taureaux comme moi : nous enlever notre passion et notre animal roi."

Vincent Fare refuse pourtant de s'interroger sur l'après. L'issue lui paraît inéluctable, mais son combat désormais, c'est de la repousser le plus tard possible.

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