Hausse du sexisme en France : le rapport du Haut Conseil à l’égalité "est assez désespérant", mais "pas si étonnant", selon une avocate
Le 6e rapport annuel du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes sur le sexisme "est assez désespérant", mais "pas si étonnant", a estimé lundi 22 janvier sur franceinfo Michelle Dayan, avocate et présidente de l’association Lawyers For Women, une association de juristes qui lutte contre les violences faites aux femmes. Le sexisme est en augmentation dans la société française, d'après cette étude réalisée auprès d'un échantillon de 3 500 personnes.
Elle pointe également une hausse des idées machistes chez les jeunes hommes. "On a l'impression que ce repli sexiste est aussi la conséquence d'une inquiétude des hommes par rapport aux relations avec les femmes dans un monde où aujourd'hui le consentement est essentiel", a analysé l’avocate. Michelle Dayan suggère de créer "un ministère ou une entité indépendante sur les rapports entre les hommes et les femmes". Elle propose également que "des modules obligatoires et sanctionnables par des examens" soient mis en place à l’école de la primaire à la terminale pour mieux évaluer le sexisme en France comme on évalue les mathématiques ou l’orthographe.
franceinfo : Comment jugez-vous ce rapport ?
Michelle Dayan : Il est assez désespérant, ce rapport, et pas si étonnant. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les jeunes, c'est la tranche d'âge des plus jeunes qui sont finalement ceux qui collent aujourd'hui à des stéréotypes sexistes, y compris les jeunes femmes. C'est extrêmement surprenant et inquiétant puisqu’on a tendance à penser que les jeunes générations sont beaucoup plus sensibilisées au sexisme que nous l'étions, que les générations d'avant. Hélas, on a l'impression qu'il y a un retour en arrière. Je crois que c'est ce qui est le plus désespérant et le plus inquiétant.
Que dit ce rapport sur les hommes ?
Il y a en effet les stéréotypes sexistes qui sont le début de la violence. Le bout de la chaîne, c'est la violence physique, sexuelle contre les femmes. Mais le début de la chaîne que sont les propos sexistes et les représentations sexistes, c'est déjà de la violence. Ce que je lis et ce qui est une toute petite lueur d'espoir, c'est que beaucoup d'hommes se disent que c'est dur d'être un homme aujourd'hui. On a l'impression que ce repli sexiste est aussi la conséquence d'une inquiétude des hommes par rapport aux relations avec les femmes dans un monde où, Dieu merci, aujourd'hui le consentement est essentiel et où on ne drague plus de la même façon. On crée des ministères sur l'égalité hommes-femmes, on fait des plans sur la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est important. Peut-être qu'on devrait réfléchir à créer un ministère ou une entité indépendante sur les rapports entre les hommes et les femmes.
La faute, notamment, aux réseaux sociaux ?
Bien sûr, les réseaux sociaux, c'est un drame. Maintenant, sauf à interdire pour deux générations à venir les réseaux sociaux, ce qui ne semble pas réaliste et pas possible, je pense qu'il faut à mon avis essayer d'être le plus pragmatique possible et de lutter contre ce qu’il est possible de lutter, notamment à l'école. Il faut dès la primaire, et on adapte jusqu'à la terminale, des modules obligatoires et sanctionnables aussi par des examens comme les mathématiques, comme la physique, comme la littérature, comme l'apprentissage des langues, des modules sur les violences sexistes et sexuelles et sur les rapports d'égalité entre les hommes et les femmes. Il y a depuis des décennies maintenant un plan qui a été voté et qui n'est pas appliqué sur l'éducation sexuelle. Dans ces plans sur l'éducation sexuelle à l'école, il y a évidemment tout un pan qui est sur le sexisme, et ce n’est pas appliqué. Il y a aussi une question de volonté politique. Il faut appuyer sur le bouton "on".
Le pouvoir politique a aussi une responsabilité ?
Évidemment, les programmes scolaires et la fonctionnalité des programmes scolaires, c'est de la responsabilité du politique. Il y a les parents, évidemment, mais il y a évidemment l'école et l'école, c’est quoi ? C’est politique ! C'est la direction qu'on souhaite donner à notre école. Est-ce que c'est une priorité au même titre que les mathématiques ? On évalue régulièrement le fait qu'on soit moins bons en mathématiques qu'il y a 15-20 ans. On évalue le fait qu'on soit moins bon en orthographe aujourd'hui qu’il y a cinq ans. Est-ce qu'on évalue le fait qu'en matière de sexisme on n'est pas au niveau ? Et pour l'évaluer, il faut évidemment donner des modules obligatoires.
Ce rapport suit finalement la tendance globale d'un discours peut-être plus conservateur ?
Je ne suis pas certaine qu'il y ait un discours plus conservateur sur l'ensemble de la société française. En revanche, la lutte contre le sexisme et la grande révolution #Metoo, qui est une des plus grandes révolutions de ces dernières années, entraîne toujours des résistances, toujours. On a des endroits de résistance. Je le vois dans les tribunaux. Sur les violences faites aux femmes, on a des décisions comme on n'en a jamais eu, extraordinaires, et on a des décisions régulièrement totalement arriérées en matière de sexisme. Sur la lutte contre les violences faites aux femmes, il y a un balancier d'un côté comme de l'autre, avec des résistances très fortes. C’est ça aussi ce que raconte ce rapport.
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