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Un rapport du Sénat prône une aide accrue aux prostituées

Deux parlementaires proposent des solutions pour améliorer la situation sanitaire et sociale des personnes qui se prostituent en France. Voici leurs principales suggestions.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Manifestation du Strass, le Syndicat du travail sexuel, pour protester contre le projet de loi de pénalisation des clients de la prostitution, à Paris, le 2 juin 2011. (ALFRED / SIPA)

"Une grande vulnérabilité" : c'est l'expression utilisée par deux sénateurs, Jean-Pierre Godefroy (PS) et Chantal Jouanno (UDI), pour résumer l'état de santé et l'accès aux droits sociaux des personnes prostituées en France. Les travaux de ces deux rapporteurs sont détaillés dans un rapport d'information publié jeudi 17 octobre, dont voici les principales conclusions et les principales suggestions.

Améliorer le recueil d'informations sur les prostituées

Le constat. La prostitution reste un sujet difficile à étudier, du côté des clients comme des prostituées. Peu d'enquêtes existent, ce que déplorent Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno. "Le manque d'expertise sur le sujet a bien souvent pour conséquence d'empêcher tout diagnostic unanimement partagé par les acteurs publics et associatifs, regrettent-ils dans le rapport. La France a en outre accumulé un retard important par rapport à ses voisins européens concernant la connaissance de l'état de santé des personnes prostituées."

Les propositions. Pour combler ce vide, les auteurs du rapport privilégient le recueil de données récoltées par les associations. Ils proposent "d'assurer (...) la mise en place d'un dispositif de remontée des informations recueillies sur le terrain (...) [et de] développer, sur la base de ces informations, une véritable expertise publique qui permette en particulier de mieux connaître les profils des personnes qui se prostituent, leurs modes d'exercice et leur situation sanitaire et sociale". Pour compléter ces données, les rapporteurs du texte proposent d'encourager les travaux de recherche sur les clients de la prostitution.

Permettre un meilleur accès aux soins

Le constat. "De par leur activité, les personnes prostituées sont plus exposées que la population générale au virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et aux autres infections sexuellement transmissibles (IST). Leur taux d'usage du préservatif est globalement élevé car elles le considèrent avant tout comme un outil de travail. (...) [Mais] depuis quelques années, les demandes de rapports sexuels non protégés sont en augmentation", constatent les rapporteurs. Les personnes prostituées bénéficient théoriquement des mêmes droits sociaux que les autres citoyens. Mais dans la pratique, il leur est quasi-impossible de s'affilier à un régime de Sécurité sociale, car la prostitution n'est pas une activité professionnelle juridiquement reconnue en France.

Les solutions. Face à ces difficultés, le rapport suggère quelques solutions pratiques. Par exemple, développer l'utilisation des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) pour améliorer le dépistage du VIH, le virus responsable du sida. Ces tests, fiables jusqu'à trois mois après une prise de risque, permettent d'obtenir un résultat en 30 minutes, à partir d'une goutte de sang. Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno proposent aussi de sensibiliser "aux problématiques de la prostitution" le personnel des permanences d'accès aux soins de santé (Pass) des hôpitaux. Mais les rapporteurs ne précisent pas comment le personnel serait formé, et avec quels moyens. Sur ce thème, d'autres propositions sont faites pour mieux coordonner la prise en charge des prostituées.

Accompagner celles qui veulent sortir de la prostitution

Le constat. Le rapport s'interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour aider les personnes qui le souhaitent à quitter la prostitution. La loi du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions, garantit l'accès à l'emploi, au logement et aux soins à tous. Mais, concrètement, un dispositif n'est efficace que s'il est adapté à chaque situation personnelle. Seules les associations de terrain, qui interviennent auprès des personnes prostituées dans chaque département français, proposent un tel suivi. Or, les financements alloués par l'Etat à ces associations ont connu une diminution régulière entre 2006 et 2012.

Les propositions. Les rapporteurs proposent d'augmenter les subventions allouées aux associations, pour leur donner "les moyens d'agir sur le long terme en enrayant la baisse des financements, en évitant leur saupoudrage et leur donnant une visibilité pluriannuelle". Ils proposent aussi des mesures pour inciter à cesser la prostitution, comme "accorder des remises fiscales gracieuses" pour les personnes prostituées engagées dans un parcours d'insertion professionnelle, ouvrir le droit à une allocation temporaire, ou encore revoir les modalités de délivrance des titres de séjour pour les prostituées étrangères qui ont déposé plainte.

Pour que ce dispositif d'accompagnement fonctionne, les sénateurs suggèrent de s'inspirer de l'Italie. Le pays s'est doté, en 1998 puis en 2003, de deux outils juridiques pour lutter contre ce phénomène. Après les avoir étudiés, les rapporteurs proposent notamment de reconnaître aux prostituées réinsérées le statut de victime, indépendamment du fait qu'elles aient dénoncé ou non le trafiquant (ou proxénète), d'octroyer un permis de séjour à titre humanitaire (pour les étrangères) et de les protéger en les hébergeant dans une structure adaptée. Ainsi, ils estiment que de nombreux aspects de la politique italienne pourraient être transposés en France.

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