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Un polygame peut-il perdre la nationalité française ?

Une question de droit peu évidente que pose la réaction de Brice Hortefeux après la verbalisation au volant d'une femme portant le niqab. Le ministre de l'Intérieur accuse en effet le mari d'être notamment polygame et réclame qu'il soit déchu de la nationalité française. Une procédure qui risque d'être bien compliquée.
Article rédigé par franceinfo
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Brice Hortefeux a écrit hier au ministre de l'Immigration Eric Besson pour lui demander d'étudier l'éventuelle déchéance de nationalité du mari de la femme voilée verbalisée début avril près de Nantes. Ce dernier avait acquis la nationalité française par mariage en 1999. Il aurait au total quatre épouses et au moins douze enfants. L'homme est visiblement connu des services de police.

Que signifie la polygamie d'un point de vue juridique ?

En droit français, la polygamie est le fait de contracter un second mariage sans avoir mis fin au premier. Elle est interdite par l'article 147 du Code civil : “On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier”. Tout contrevenant est punissable d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (article 433-20 du Code pénal). Mais cette disposition ne concerne que les mariages civils et non les mariages religieux, qui ne sont pas nécessairement enregistrés sur les états civils. Le fait de vivre avec plusieurs femmes sans être marié avec elles n'est pas répréhensible par la loi.

Qui est concerné par la déchéance de nationalité ?

La déchéance de la nationalité ne touche que des personnes qui ont acquis la nationalité française. Elle ne s'applique donc pas à tous les Français. Et cette déchéance ne peut intervenir que si elle n'a pas pour résultat de rendre apatride la personne concernée, comme le précise l'article 25 du Code civil.

Pour quelles raisons une personne peut se voir déchoir de sa nationalité ?

La loi française définit quatre cas :

1° S'il est condamné pour un crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme

2° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal

3° S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national

4° S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.

Par ailleurs, “La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.” Pour les actes qualifiés de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour crime ou un délit constituant un acte de terrorisme, ce délai est porté à 15 ans.

La polygamie peut-elle empêcher l'acquisition de la nationalité par le mariage ?

Oui, l'acquisition de la nationalité par le mariage peut être bloquée pour indignité ou défaut d'assimilation, y compris pour “situation effective de polygamie du conjoint étranger”. Mais dans un délai de deux ans (article 21-4 du Code civil).

Le mari de la femme voilée verbalisée près de Nantes peut-il vraiment perdre la nationalité française s'il est polygame ?

Stéphane Maugendre, président du groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), précise dans Le Parisien du 24 avril : “Pour éventuellement le déchoir de sa nationalité, il faut prouver qu'il était déjà marié civilement avec une autre femme avant cette date. Dans ce cas, le mariage contracté en 1999 sera considéré comme nul, et une procédure en extranéité (retrait de la nationalité) pourra être lancée.” Stéphane Maugendre précise également au quotidien que le temps de résidence de cette personne sur le territoire français n'a aucune incidence.

Y a-t-il des précédents législatifs à ce type d'affaire ?

En 1995, une proposition de loi déposée par le sénateur du Rhône Serge Mathieu et qui n'avait pas été adoptée proposait que, “en cas de condamnation pénale pour polygamie, la personne condamnée (soit) déchue de la nationalité française”.

Jean-Louis Dell'Oro

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