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Trois ans après, que reste-t-il du livre "Indignez-vous !" ?

Stéphane Hessel a rencontré un succès planétaire avec cet essai d'une trentaine de pages. Quel sera son héritage ?

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des manifestants défilent le 21 avril 2012 à Paris, avec une banderole marquée du titre de l'ouvrage de Stéphane Hessel. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Stéphane Hessel, mort mercredi 27 février, a laissé derrière lui un petit ouvrage qui a connu un succès planétaireIndignez-vous ! Figure de la Résistance et des résistances, il était connu pour ses positions engagées en faveur de la reconnaissance de la Palestine, sur l'écologie, les sans-papiers et contre les injustices. 

En février 2012, l'ancien diplomate s'amusait lui-même de "l'effet que [son] petit livre [avait] eu dans beaucoup de pays", lui qui ne se doutait pas "que ça aurait pris cette force". Francetv info revient sur l'héritage d'un ouvrage au destin unique.  

"Indignez-vous !", un immense succès de librairie

C'est l'histoire d'un petit livre vendu à trois euros, publié le 20 octobre 2010 par les éditions montpelliéraines Indigènes, et d'abord tiré à 8 000 exemplaires. Le bouche-à-oreille fonctionne, à tel point que le livre est rapidement réédité. Fin décembre, le cap des 500 000 exemplaires est franchi. Et de toute l'année 2011, le livre ne quitte pas le classement des meilleures ventes de Livres Hebdo, fait remarquer notre blog Bibliothérapie. Au total, l'essai a été tiré à 4 millions et demi d'exemplaires. Traduit dans 35 langues, il est vendu dans une centaine de pays.

Le succès du livre doit beaucoup à son titre, simple et efficace, trouvé par l'éditrice Sylvie Crossman. "Je me suis dit : 'c'est une bonne idée'", racontait Stéphane Hessel dans un entretien à Allociné, en marge du festival de Berlin de février 2012. Il s'y était rendu à l'occasion de la présentation du film Indignados de Tony Gatlif, librement inspiré de l'essai. Un an plus tôt, les éditions de l'Aube avaient détourné la célèbre formule et sorti Engagez-vous, un livre d'entretiens entre Stéphane Hessel et l'auteur et responsable associatif Gilles Vanderpooten. Bref, Stéphane Hessel est devenu une marque que beaucoup s'arrachent. 

Un héritage limité au sein du Parti socialiste 

Le succès de l'ouvrage donne un écho aux engagements politiques de Stéphane Hessel. En janvier 2012, il prend position en faveur du candidat à la présidentielle François Hollande, après s'être affiché au côté de Martine Aubry pendant la primaire socialiste. Puis il devient le premier signataire de la motion "Oser. Plus loin, plus vite", rédigée par Pierre Larrouturou, dans le cadre de l'élection interne du Parti socialiste, en octobre. Cela fonctionne. Avec près de 12% des voix, le duo termine en troisième position. 

Ce score assoit encore son autorité intellectuelle, qui lui permet d'être entendu sur plusieurs dossiers, dont le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Pour autant, est-il réellement écouté par les élus ? Dès l'élection, l'un de ses rivaux de circonstance, le député PS Jérôme Guedj, expliquait au Monde que la candidature de Stéphane Hessel n'avait "aucune traduction politique dans le parti". Malgré les hommages appuyés et soutenus de l'ensemble de la gauche à l'intellectuel, mercredi, les héritiers politiques de Stéphane Hessel sont rares. Excepté, peut-être, Pierre Larrouturou. "Son héritage", explique l'économiste à Libération, est surtout d'avoir donné à beaucoup de jeunes "l'envie de s'engager".

Une influence discutée à l'étranger 

L'essai de Stéphane Hessel a donné son nom au mouvement espagnol des indignados. Dans les médias, du moins. Car le mouvement naît d'abord au sein de la plateforme associative Democracia real ya !, rejointe par Juventud sin futuro (Jeunesse sans avenir). Jusqu'au 15 mai 2011, où des milliers de militants affluent sur la Puerta del Sol, la grande place du centre de Madrid. La presse salue la naissance des indignados, même si de nombreux militants préfèrent se revendiquer du M15, le mouvement du 15 mai.

Deux chercheurs de l'European University Institute, Leonidas Oikonomakis et Jérôme Roos, ont longuement étudié les mouvements contestataires de 2011 (lien PDF en anglais) : indignados espagnols, aganaktismenoi grecs ou occupiers américains. Et si le nom de l'essai a pu jouer sur la renommée du mouvement, ils notent que les manifestants préfèrent invoquer les événements survenus en Egypte et l'occupation de la place Tahrir. Autre influence majeure du mouvement, l'idée d'autogestion, "bien établie à Madrid et globalement dans toute l'Espagne".

Au moment de rendre hommage à Stéphane Hessel, mercredi, les militants espagnols sont parfois divisés sur Twitter :

"- Mort de Stéphane Hessel, l'homme présenté par la presse comme l'inspirateur du mouvement #M15.""- Tout à fait d'accord avec la remarque 'présenté par la presse comme l'inspirateur du mouvement #M15'. L'influence de Tahrir a été bien plus forte que celle de Hessel."

"Stéphane Hessel est mort. Sans son livre, beaucoup de personnes qui sont allées manifester sur les places pendant le mouvement M15 ne l'auraient pas fait. Adieu professeur."

Stéphane Hessel et Edgar Morin ont coécrit Les Chemins de l'espérance. A lire ces lignes, pourtant, difficile de nier l'élan commun entre l'ancien résistant et ces "indignés" : "Nous souhaitons contribuer à la formation d'un puissant mouvement citoyen, d'une insurrection des consciences qui puisse engendrer une politique à la hauteur des exigences."

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