Témoignage Interdiction de l'abaya à l'école : "Comment va-t-on différencier une abaya d'une robe longue ?", s'interroge Assa

Etudiante française de confession musulmane de 19 ans, Assa dit se sentir "stigmatisée et ciblée" par la décision de Gabriel Attal d'interdire cette longue robe traditionnelle couvrant le corps. Elle se confie au micro de franceinfo.
Article rédigé par Manon Mella
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Assa, étudiante de 19 ans, réagit à l'interdiction du port de l'abaya dans les écoles. (MELLA/FRANCEINFO)

Le port de l'abaya, cette robe longue et ample, sera interdit à l'école en France dès la rentrée scolaire le 4 septembre 2023, a annoncé dimanche 27 août le ministre de l'Éducation Gabriel Attal. Cette décision, prise au nom de la laïcité selon le ministre, reste incomprise par certaines femmes musulmanes. Pour elles, l'abaya relève plus d'une mode qu'un signe religieux ostensible. 

>> "Robe longue", "kimono"... Qu'est-ce qu'une abaya, ce vêtement qui va être interdit dans les écoles à la rentrée ?

"Pour moi l'abaya, c'est une robe"

Assa*, 19 ans, est étudiante à Paris. Française et de confession musulmane, elle raconte s'être sentie stigmatisée par cette annonce du ministre de l'Éducation. "Aujourd'hui, en tant que jeune femme musulmane française, je me sens ciblée et victime d'une injustice dans ce pays", confie-t-elle. 

"On est toujours pris pour cible. C'est toujours nous le centre du débat public, alors qu'on n'est pas la majorité de la population."

Assa, étudiante de 19 ans

à franceinfo

Pour elle, comme pour beaucoup d'autres élèves et étudiantes musulmanes, l'abaya n'est rien qu'"une robe, juste une robe. Elle est certes portée par des femmes musulmanes, mais aussi par des femmes non-musulmanes qui ont juste envie de porter des robes longues", explique-t-elle.

"Pour moi, l'abaya ce n'est pas un vêtement religieux", ajoute l'étudiante. De son côté, le Conseil français du culte musulman (CFCM) assure également que l'abaya est un signe culturel et pas religieux. "On est en train de courir derrière un fantôme vestimentaire", réagit ainsi Tareq Oubrou, le grand imam de la Mosquée de Bordeaux sur franceinfo. Assa l'assure : "Le voile et l'abaya sont deux choses différentes : cela n'a rien à voir".

"Qu'on nous laisse faire notre rentrée tranquillement"

Juste avant la rentrée, une note de service a été adressée aux chefs d'établissements pour "clarifier la règle" interdisant le port de l'abaya à l'école, a annoncé Gabriel Attal jeudi 31 août sur France Inter. Selon le ministre de l'Éducation nationale, cette note doit permettre "d'expliquer qu'on ne peut pas porter l'abaya ou le qamis dans l'école de la République", de donner "un certain nombre de pistes, de guide, pour mettre en place un travail d'échange".

Mais Assa s'interroge : "Comment va-t-on différencier une abaya d'une robe longue ?". Si elle confie craindre des contrôles discriminants, la jeune femme précise qu'elle ne porte des abayas qu'en dehors de l'école, car elle a toujours eu "peur que ça pose problème", regrette-t-elle. 

Et puis, glisse-t-elle, elle aurait préféré que le débat de la rentrée scolaire porte sur d'autres problématiques, tels que les élèves en décrochage ou le harcèlement scolaire. "Il y a des problèmes beaucoup plus importants. Je ne dis pas ça pour avoir un discours victimaire, mais on n'a rien demandé. J'aimerais qu'on nous laisse faire notre rentrée tranquillement, comme on les a faites par le passé".

Lassée par ce débat autour de l'abaya, l'étudiante ne cache pas sa colère : "Ce n'est pas normal", répète-t-elle plusieurs fois. "Ce n'est pas normal de se dire que je risque d'être prise pour cible pour le simple fait de vivre ma religion et d'avoir une place dans la société", dit-elle, avant de conclure : "À chaque fois, on se bat et il y a quelque chose qui vient détruire tout ce qu'on a essayé de construire jusque-là...

*Le prénom a été modifié

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