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Affaire Leonarda : la stratégie hasardeuse du père pour demander l'asile

Auteur de fausses déclarations aux autorités françaises, Resat Dibrani estime que ses mensonges lui donnaient "de meilleures chances d'obtenir l'asile".

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Resat Dobrani et sa compagne, Gemilja, consultent le certificat de naissance italien de leur fille Leonarda, le 18 octobre 2013, à Mitrovica (Kosovo). (VISAR KRYEZIU/AP/SIPA)

Le mensonge aide-t-il à se faire régulariser ? Depuis son expulsion avec sa famille, les mardi 8 et mercredi 9 octobre, vers le Kosovo, le père de la collégienne Leonarda Dibrani a affirmé avoir menti aux autorités françaises lors de ses différentes démarches de demande d'asile. Une stratégie adoptée "pour avoir de meilleures chances d'obtenir l'asile", a-t-il expliqué, jeudi.

Sur quoi a-t-il menti ?

Le lieu de naissance de ses enfants. Resat Dibrani dit avoir menti sur les origines kosovares de sa famille. Lui-même Rom né au Kosovo, ce père de 47 ans indique aujourd'hui être le seul de sa famille né dans cette ancienne province serbe. Selon son récit, à l'âge de 9 ans, il a quitté le Kosovo avec sa famille pour l'Italie, puis la France. Sa compagne, Gemilja, 41 ans, serait donc née en Italie, ainsi que cinq de leurs six enfants, dont Leonarda. La dernière, Medina, âgée de 17 mois, est le seul enfant né en France.

 "La France acceptait beaucoup de Bosniaques et de Roumains, alors je me suis dit que nous aurions plus de chance d'avoir des papiers si on disait qu'on venait tous du Kosovo. Je connais plusieurs personnes qui ont fait la même chose", s'est justifié Resat Dibrani.

Père de Leonarda : "Ma femme et mes enfants sont nés en Italie" (REUTERS)

Son mariage avec sa compagne. Le père de famille ne serait pas officiellement marié avec sa compagne. Il dit avoir acheté un faux certificat de mariage à Paris, en 2011, pour 50 euros. "Les autorités françaises ne reconnaissent pas le mariage coutumier en vigueur chez les Roms", note Noëlle Le Deur, membre du Réseau éducation sans frontières (RESF), jointe par francetv info.

Pourquoi ces mensonges ?

Resat Dibrani affirme avoir fait de fausses déclarations sur les lieux de naissance "pour avoir de meilleures chances d'obtenir l'asile" en France. "Cela se tient, estime Rabah Hached, avocat spécialisé en droit des étrangers, contacté par francetv info, car aucun pays n'accorderait l'asile politique à une famille venant d'Italie, qui est un pays sûr. Le père s'est donc rabattu sur le Kosovo, pour lequel il est plus facile de miser sur l'asile politique."

Quant au faux certificat de mariage prétendument acheté, la stratégie semble moins cohérente. Rabah Hached affirme que, "juridiquement, on peut aussi bien délivrer l'asile à une famille en situation de concubinage qu'en situation de mariage. Ce qui compte avant tout, c'est l'ancienneté sur le territoire".

"Chacun développe des stratégies en fonction de ce qu'il croit être le plus judicieux", indique Noëlle Le Deur, de RESF. Les conseils des proches des demandeurs d'asile, improvisés conseillers juridiques, ne sont pas toujours avisés et "les demandeurs eux-mêmes n'ont pas toujours une idée claire de leur situation, ce qui entraîne des confusions".

Pourquoi la régularisation a-t-elle été refusée ?

Arrivée sur le territoire français en janvier 2009, la famille Dibrani a été expulsée après avoir épuisé toutes ses voies de recours. "Leur dossier n'est pas bon", résume un avocat spécialiste du droit des étrangers, cité par Le Monde

La mère de famille, Gemilja, n'a pas pu démontrer une bonne capacité d'insertion dans la société française. "Il a été constaté qu'elle n'a pas une connaissance, même sommaire, de la langue française", relève la préfecture du Doubs citée par Le Monde, déplorant l'absence "d'effort" d'insertion. Par ailleurs, les Dibrani n'ont pas réussi à prouver que la scolarité de leurs enfants – qui ne parleraient pas albanais, la langue majoritaire au Kosovo – serait contrariée au Kosovo, ni que leur sécurité était en danger dans ce pays classé "sûr" depuis mars 2011.

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