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"Nous sommes efficaces avec peu de moyens" : dans le viseur de Marlène Schiappa, l'Observatoire de la laïcité défend son bilan

La ministre déléguée chargée de la Citoyenneté souhaite faire évoluer cette commission créée en 2007 par Jacques Chirac. Mais le rapporteur général de l'Observatoire, Nicolas Cadène, vante le fonctionnement actuel de la structure.

Article rédigé par Clément Parrot - Propos recueillis par
France Télévisions
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Temps de lecture : 6min
Marlène Schiappa, le 27 octobre 2020, à Albi (Tarn). (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

"Rien n'est acté", affirme Nicolas Cadène. Le rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité réagit pour franceinfo à la nouvelle offensive de Marlène Schiappa. Invitée de Radio J, la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté a estimé que la piste privilégiée du gouvernement était de faire évoluer l'Observatoire de la laïcité vers une nouvelle "structure qui porterait la parole de l'Etat".

Cette commission consultative, créée en 2007 par Jacques Chirac et chargée de conseiller le gouvernement sur la question de la laïcité, a été parfois jugée trop laxiste face à l’islamisme radical. Mais de son côté, Nicolas Cadène affirme que le Premier ministre n'a pas rendu son arbitrage. Il continue par ailleurs de défendre cette structure qu'il pilote au quotidien depuis 2013. 

Franceinfo : Marlène Schiappa a annoncé une nouvelle fois, dimanche, sa volonté de faire évoluer l'Observatoire de la laïcité et a semblé acter votre départ en avril, à la fin de votre mandat. Confirmez-vous ce propos ?

Nicolas Cadène : La ministre n'a rien annoncé de nouveau, ça ne change pas la situation donnée. Il y a une discussion au sein du gouvernement pour l'après-avril 2021, qui est la date de fin de notre mandat [avec Jean-Louis Bianco, président de la structure] à la tête de l'Observatoire de la laïcité.

Tous les ministères concernés sont interrogés. Nous-mêmes avons été consultés par Matignon, et c'est au Premier ministre que reviendra la décision de savoir ce qu'il souhaite faire après la fin du mandat. Est-ce qu'il reconduit l'Observatoire de la laïcité ? Est-ce qu'il en change la structuration ? Ou est-ce qu'il crée une nouvelle structure pour gérer les questions de laïcité et conseiller le gouvernement ?

En revanche, contrairement aux informations qui circulent, Matignon n'a rien dit sur ses intentions. En octobre, l'article du Point sourcé anonymement a même été démenti par le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Celui-ci avait simplement rappelé qu'une réflexion était lancée. A ce stade, aucune décision ne nous a été communiquée. Je crois que ce n'est pas encore tranché. 

Quel est votre souhait concernant le futur de l'Observatoire ?

Comme nous l'avons déjà dit, l'Observatoire de la laïcité dans sa forme actuelle présente un intérêt. Il est transpartisan, avec des parlementaires de l'opposition et de la majorité, et il est interministériel, avec tous les ministères concernés qui sont représentés en son sein. Cela permet un débat serein, de prendre du recul sur les événements et d'adopter des positions consensuelles. Elles sont pour autant efficaces, elles peuvent se mettre très rapidement en pratique, puisque le Parlement et les administrations sont donc représentés au sein de l'Observatoire.

Cela fonctionne bien, avec très peu de moyens. Nous sommes la commission consultative qui a le meilleur ratio coût-activité, selon le ministère des Finances, avec un budget annuel de 59 000 euros [sans compter la masse salariale] et quatre salaires seulement. Avec ce budget, nous arrivons à former 350 000 acteurs de terrain, à concevoir une multitude de plans nationaux de formation, des chartes de la laïcité diverses et variées. Nous arrivons à émettre des avis suivis d'effets et traduits dans la loi. Nous avons permis l'élaboration de circulaires contre l'islamisme radical dernièrement, mais aussi pour le renforcement de la laïcité.

Finalement, cette structuration pensée à l'époque par Jacques Chirac permet donc, a priori, d'être très efficace avec assez peu de moyens et de garder des avis républicains, c'est-à-dire qu'ils sont partagés par tout le spectre politique, mais aussi par toutes les administrations.

Il n'y a donc aucune raison de faire évoluer l'Observatoire, comme le souhaite Marlène Schiappa ?

En tout cas, nous constatons que l'ensemble des acteurs de terrain semblent très satisfaits de notre action. Nous continuons d'être très sollicités par des centres éducatifs fermés de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse), des centres de détention, des mouvements d'éducation populaire, des établissements scolaires, tout un tas de mouvements de jeunesse, d'associations dans les quartiers... Nous sommes sollicités et nous apportons des réponses, des outils pour pouvoir gérer les faits religieux et pour pouvoir défendre, appliquer, promouvoir la laïcité.

L'Observatoire est-il le bon outil pour "lutter contre les séparatismes", comme le souhaite le gouvernement à travers le projet de loi confortant les principes républicains ?

Bien sûr, puisque d'ailleurs l'Observatoire a été consulté pour ce projet de loi et plusieurs de ses préconisations y sont reprises, notamment concernant le financement des associations cultuelles, avec un objectif de transparence, en particulier lorsque cela émane de l'étranger. 

Nous pensons aujourd'hui que c'est un projet de loi important, qui respecte l'équilibre de la loi de 1905 et qui donne des outils à l'Etat pour mieux lutter contre certaines dérives qui s'opposent à la loi commune. Maintenant, il faudra être très vigilant au débat parlementaire à venir, en espérant qu'il reste respectueux, républicain et qu'il ne soit pas l'occasion d'une multitude de surenchères.

Où serez-vous personnellement après 2021 ? Est-il encore envisageable de vous voir au sein de l'Observatoire ?

Je n'en sais rien, j'ai plusieurs pistes de réflexion. Nous verrons ce qui est décidé pour l'Observatoire de la laïcité. Je ne sais pas si je serai en mesure de rester, ça dépendra de quelle équipe est nommée, de ce que souhaitent les nouveaux membres et de ce que souhaite le Premier ministre. Quoi qu'il en soit, c'est un poste compliqué. Si l'Observatoire n'est plus là et que j'ai d'autres possibilités, ce ne sera pas un problème.

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