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Lutte contre le "séparatisme religieux" : on vous explique pourquoi Emmanuel Macron a décidé de supprimer le dispositif Elco

En déplacement à Mulhouse, le chef de l'Etat a annoncé la fin de ces cours dispensés par des professeurs missionnés par d'autres pays.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron lors d'un discours contre le "séparatisme islamiste", le 18 février 2020, à Mulhouse (Haut-Rhin). (JEAN-FRANCOIS BADIAS / AFP)

Décidé à lutter contre le "séparatisme islamiste", Emmanuel Macron a annoncé, mardi 18 février, à Mulhouse (Haut-Rhin), une série de mesures contre les "influences étrangères" sur l'islam en France. Parmi les annonces, la disparition prochaine des enseignements de langue et culture d'origine (Elco), des cours dispensés par des enseignants envoyés par d'autres pays. Franceinfo revient sur ce dispositif.

C'est quoi le dispositif Elco ?

Il s'agit d'un acronyme désignant les enseignements de langue et culture d'origine. Ce dispositif méconnu du grand public concerne neuf pays – Algérie, Croatie, Espagne, Italie, Maroc, Portugal, Serbie, Tunisie et Turquie – et "80 000 élèves" par an, a rappelé Emmanuel Macron. Comme le détaille le site Eduscol, ces enseignements "sont mis en œuvre sur la base d'accords bilatéraux prenant appui sur une directive européenne du 25 juillet 1977 visant à la scolarisation des enfants des travailleurs migrants".

Concrètement, il s'agit de cours facultatifs dispensés par des enseignants désignés par les gouvernements de pays étrangers. Le dispositif visait au départ à offrir la possibilité aux enfants issus du regroupement familial de maintenir un lien avec leur pays d'origine et ainsi faciliter un retour éventuel. Au fil du temps, il était surtout devenu un moyen de valoriser la diversification des langues à l'école et d'aider à l'intégration des jeunes issus d'autres cultures.

Que lui reproche Emmanuel Macron ?

Au cours des dernières années, les enseignements de langue et culture d'origine sont devenus la cible de critiques concernant les contenus enseignés et le profil des enseignants, avec parfois en arrière-plan des soupçons de prosélytisme religieux. "Le problème que nous avons aujourd'hui avec ce dispositif, c'est que nous avons de plus en plus d'enseignants qui ne parlent pas le français, a estimé Emmanuel Macron, que nous avons de plus en plus d'enseignants sur lesquels l'Education nationale n'a aucun regard."

On ne peut pas enseigner des choses qui ne sont manifestement pas compatibles ou avec les lois de la République ou avec l'Histoire telle que nous la voyons.

Emmanuel Macron

"Je ne suis pas à l'aise à l'idée d'avoir dans l'école de la République des femmes et des hommes qui peuvent enseigner sans que l'Education nationale ne puisse exercer le moindre contrôle. Et nous n'avons pas non plus le contrôle sur les programmes qu'ils enseignent", a ajouté le chef de l'Etat. Par conséquent, "à partir de la rentrée de septembre 2020, les enseignements en langues et culture d'origine étrangère seront partout supprimés sur le sol de la République".

Par quoi veut-il le remplacer ?

Des négociations sont engagées "par les ministres de l'Education nationale et des Affaires étrangères" avec les pays concernés pour mettre fin à ce dispositif, qui sera remplacé, pour les pays avec lesquels le gouvernement trouve un accord, par des enseignements internationaux en langue étrangère (EILE). Ces discussions avaient d'ailleurs été lancées dès 2016. "Nous avons réussi avec tous ces pays, sauf la Turquie à ce stade. Je ne désespère pas", a précisé le chef de l'Etat.

Emmanuel Macron a tenu à "saluer le travail exemplaire" avec le roi du Maroc ou le président algérien sur "une capacité à bâtir des solutions en matière éducative et religieuse", mais il a pointé du doigt les difficultés rencontrées avec la Turquie. "Je pense que la Turquie a aujourd'hui le choix de suivre ce chemin avec nous, a-t-il ajouté. Mais je ne laisserai aucun pays étranger nourrir, sur le sol de la République, un séparatisme, qu'il soit religieux, politique ou identitaire."

Dans les EILE, les enseignants seront "des enseignants dont nous serons sûrs qu'ils maîtrisent le français", a assuré Emmanuel Macron. "Ils feront l'objet d'un contrôle par le ministère de l'Education nationale" tout comme les programmes enseignés.

Quelles sont les réactions ?

"On ne peut pas parler d'annonce, mais plutôt de continuité", estime sur franceinfo Remy-Charles Sirvent, secrétaire national de SE-Unsa. Ce dernier rappelle qu'en 2016, Najat Vallaud-Belkacem avait déjà promis une évolution vers les enseignements internationaux en langues étrangères. "Ecouter sa radio et tomber de sa chaise, a d'ailleurs réagi dans la soirée l'ex-ministre de l'Education nationale. Cette démarche était déjà lancée par nous depuis la rentrée 2016 avec le Portugal et le Maroc comme premiers pays signataires des nouvelles conventions..."

Par ailleurs, Remy-Charles Sirvent juge que les critiques du président sont "un peu exagérées". "J'ai entendu le président de la République dire hier que l'Education nationale avait perdu la main sur ce dispositif. Or, je voudrais préciser que c'est inexact, assure le secrétaire national SE-Unsa. Les enseignants Elco reçoivent un agrément de l'Education nationale, sont membres de l'équipe pédagogique et (...) le directeur d'école doit s'assurer que les enseignements Elco entrent dans le cadre du socle commun."

"La suppression des Elco est une bonne chose, estime dans Le Monde l'ancien ministre Jack Lang. L'enseignement de l'arabe doit aujourd'hui être assuré pleinement et totalement par l'Education nationale, sans cela nous prenons le risque de laisser des officines religieuses ou parareligieuses s'en acquitter." Justement, l'essayiste Hakim El Karoui, auteur de plusieurs rapports pour l'Institut Montaigne, interrogé également par Le Monde"regrette qu'on annonce l'arrêt des Elco sans annoncer en même temps une véritable relance de l'enseignement de l'arabe à l'école publique".

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