Prêtre lanceur d'alerte sanctionné : "Si cet homme est écarté comme ça, qui prendra la parole demain au sein de l’Église ?"
François Devaux, de l'association de victimes La parole libérée, réagit à la sanction décidée à l'encontre du prêtre lanceur d'alerte Pierre Vignon, qui avait publiquement appelé à la démission du cardinal Barbarin, poursuivi pour non-dénonciation d'agressions sexuelles.
"Si cet homme, le père Pierre Vignon, est sanctionné comme ça, qui prendra la parole demain au sein de l’Église ? Ça envoie un signal très fort", prévient le président de l'association de victimes La parole libérée, François Devaux, invité de franceinfo jeudi 1er novembre. Le prêtre de Valence (Drôme), qui avait appelé cet été à la démission du cardinal Barbarin, a été remercié de ses fonctions de juge au tribunal ecclésiastique de Lyon.
franceinfo : Quel est votre sentiment en apprenant cette destitution ?
François Devaux : C’est à l’image de ce à quoi on se confronte depuis maintenant trois ans. Pour protéger une omerta comme celle-ci pendant plusieurs décennies, d’une telle ampleur, il faut qu’il y ait un sacré mécanisme. Quand cette décision fait l’unanimité des 12 évêques qui ont statué, on voit bien tout le cléricalisme auquel on peut se confronter. Les propos de Georges Pontier sur [le lien de confiance qui a été rompu] sont inacceptables. Confiance ? De quoi parle-t-on ? On parle de couverture de faits de pédophilie dans des proportions massives. C’est aberrant d’entendre des choses pareilles et d’assister à des décisions pareilles. Si cet homme, Pierre Vignon, est sanctionné comme ça, qui prendra la parole demain au sein de l’Église ? Ça envoie un signal très fort.
Il serait temps que le gouvernement français réagisse. On ne peut pas rester témoin de cela, rester dans l’inaction et se protéger derrière la séparation des pouvoirs. Ça se passe au sein de notre nation et il serait temps que les personnes prennent leurs responsabilités comme on l’a fait, nous, en tant que citoyens et victimes.
Vous parlez de cette lettre, que vous avez publiée récemment pour dénoncer le désintérêt des institutions, de l’État et de l’Église ?
Bien sûr. On commence à avoir une certaine expérience de l’Église, donc on a tout fait pour venir saisir les autorités publiques, judiciaires ou étatiques. Aujourd’hui, on a une réponse claire du président de la commission des lois du Sénat, qui manifeste clairement son désintérêt et l’absence de nécessité d’enquêter sur la réalité de ce fléau, alors que beaucoup de nations ont porté cette enquête et sont arrivées à des constats effroyables. On est allé jusqu’à la destruction de documents pour cacher cette vérité. On est face à un problème culturel de l’Église, mais aussi structurel, parce qu’elle est composée d’une multitude de diocèses qui sont éclatés en associations diocésaines de loi 1905 et on ne peut pas saisir la responsabilité morale de ces associations diocésaines du fait de l’éclatement de leurs responsabilités. Sur un plan juridique, on ne peut donc pas attaquer.
Derrière, on a l’État du Vatican, avec des accords diplomatiques qu’on est tenu de respecter et qui sont défendus par le gouvernement. Ces gens-là font valoir des immunités diplomatiques pour fuir la justice française, ça devient assez aberrant. Il serait temps que chacun prenne ses responsabilités par rapport à ça. On parle quand même de viols d’enfants dans des proportions assez massives.
Vous sentez-vous abattu, révolté, lassé ?
On a l’impression de faire face à un mur. Mais j'ai plein d’idées, plein de solutions et je sais comment continuer le combat. On est entouré de beaucoup d'avocats motivés et prêts à œuvrer avec nous. Simplement, on arrive à un point d’équilibre. Il était important jusqu’à maintenant de faire comme on l’a fait, de façon assez peu structurée et en saisissant l’opinion publique à travers la médiatisation. Mais aujourd'hui, ça ne peut plus suffire et il va falloir aller beaucoup plus loin et il va falloir beaucoup plus de fonds. Pour l’instant, je n’ai pas de solution pour ces fonds mais jusqu’ici, on a fonctionné avec plusieurs dizaines de milliers d’euros, pendant plus de trois ans. Demain, les ambitions auxquelles on souhaite répondre ne pourront pas se suffire de si peu de moyens, il va falloir soulever plus de fonds.
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