Qui sont les catholiques en France ?
Pratiquants ou non, Bretons ou Alsaciens, de gauche ou de droite... Le sondeur Jérôme Fourquet, de l'Ifop, et le démographe Hervé Le Bras ont dressé une "géographie du catholicisme".
Les Français vont-ils encore à la messe ? Dans quelles régions les églises sont-elles encore remplies ? Y a-t-il un déclin de la pratique religieuse catholique en France ? Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise de l'institut de sondage Ifop, et le démographe Hervé Le Bras, directeur d'études à l'Institut national d'études démographiques (Ined), ont dressé un portrait de la France catholique dans leur essai La Religion dévoilée, nouvelle géographie du catholicisme. Francetv info vous livre quelques-uns de leurs résultats en cinq points.
Ce sont en majorité des femmes et des personnes âgées
12,7% des Français se déclarent catholiques pratiquants, selon cette étude. Ce groupe présente des caractéristiques communes. Ainsi, si vous êtes une femme de plus de 75 ans et agricultrice, vous avez davantage de chances d'être catholique pratiquante que beaucoup d'autres profils.
Par sexe. L'étude réalisée montre en effet que les femmes (15,3%) ont davantage tendance à se déclarer catholiques pratiquantes que les hommes (9,9%).
Par âge. De la même manière, ils sont 32,7% des plus de 75 ans, alors que le taux tombe à 7,2% chez les 18-24 ans. "Cela permet de tordre le cou à certains clichés", explique Jérôme Fourquet, contacté par Francetv info. "On avait tendance à voir un renouveau du catholicisme parmi les jeunes. Par exemple, on a pu en voir dans les cortèges de la Manif pour tous. Mais on se rend compte que c'est une tendance très minoritaire."
Par profession. Sans surprise, on trouve donc une présence des catholiques pratiquants supérieure à la moyenne nationale chez les retraités (21,3%), de même que chez les agriculteurs (21,2%).
Par taille de commune. On n'est pas plus pratiquant à la campagne qu'en ville. En fait, la proportion de catholiques pratiquants reste sensiblement la même (de 12,2% à 13,5%) quelle que soit la taille de la commune. "Il faut en finir avec cette image d'Epinal qui présente les églises à la campagne remplies et les églises en ville vides : ce n'est pas le cas", commente Jérôme Fourquet.
Ils sont de moins en moins nombreux
Oui, il y a une baisse de la pratique catholique en France. Et ce déclin est particulièrement fort sur les cinquante dernières années. Trois éléments permettent de mesurer l'importance de ce déclin.
Le nombre de baptisés. En 2012, seuls 65% des 18-24 ans sont baptisés catholiques contre 88% des plus de 65 ans. Et plus significatif encore, seuls 72% des personnes baptisées déclarent avoir fait ou vouloir faire baptiser leurs enfants. Un nombre qui atteignait 89% en 1961.
La fréquentation des églises. Seuls 2% des catholiques déclarent aller à la messe "le plus souvent possible", et 5% y vont "tous les dimanches". En 1961, ils étaient respectivement 13% et 25%.
Les funérailles. Depuis 2005, davantage de Français choisissent la crémation plutôt que l'enterrement. Ils sont 49% en 2012 à souhaiter être incinérés, contre 27% à préférer être enterrés. "Il ne faut pas lier l'enterrement au catholicisme, nuance Jérôme Fourquet. Mais cela montre néanmoins une perte d'influence de l'Eglise. Il s'agit d'une rupture anthropologique majeure par rapport à toute notre histoire."
Ils vivent surtout en Bretagne, en Alsace et en Corse
"On connaît assez bien la structure du catholicisme en France, il n'y a pas de réelles surprises, reconnaît Jérôme Fourquet. Mais l'intérêt de la démarche [de l'enquête] est avant tout cartographique. C'est la première fois qu'on situe de manière aussi précise les catholiques en France."
Il existe trois foyers géographiques en France où le nombre de catholiques pratiquants dépasse les 18%. En Bretagne et dans les Pays de la Loire tout d'abord, avec une forte concentration en Loire-Atlantique et dans le Maine-et-Loire. Dans l'Est ensuite, avec l'Alsace et la Moselle - les trois départements encore placés sous le concordat de 1801 -, ainsi que la Bourgogne.
Enfin, la Corse résiste aussi au déclin du catholicisme. Parmi les autres zones où la pratique catholique est encore répandue, on peut citer le Béarn, au pied des Pyrénées, le sud-est du Massif central, et les Alpes-Maritimes.
Le cas surprenant du bassin parisien. Si l'Ile-de-France est la région où vit le moins de catholiques en France (en proportion par rapport à la population générale), on dénombre davantage de pratiquants aujourd'hui qu'il y a cinquante ans. Selon Jérôme Fourquet, cela montre "une réaffirmation identitaire" d'un mouvement qui est devenu minoritaire. "Le phénomène de la Manif pour tous met en lumière cela. Avant, être catholique allait de soi, c'était la tendance majoritaire dans le pays. Maintenant, il y a une affirmation publique de certaines valeurs." Une affirmation cependant à nuancer, d'après le sondeur, puisque tous les catholiques pratiquants ne sont pas opposés au mariage pour tous.
Ils votent à droite mais pas de manière automatique
"Parmi les catholiques pratiquants, les deux tiers votent à droite et un tiers vote à gauche", détaille Jérôme Fourquet. "Ils se positionnent en fonction des propositions et des valeurs portées par les candidats. Ainsi, Nicolas Sarkozy a perdu du terrain dans l'électorat pratiquant entre 2007 et 2012 au profit de François Hollande."
Les deux auteurs ont mis en évidence une évolution du comportement électoral. Dans les régions où la pratique religieuse était fortement ancrée mais a beaucoup diminué, la gauche a fait de meilleurs scores en 2012 qu'en 1981. C'est par exemple le cas en Bretagne et en Loire-Atlantique : jusqu'à 8% de gens en plus ont voté pour François Hollande en 2012 par rapport à François Mitterrand en 1981. Le déclin du catholicisme a "libéré des voix pour la gauche", explique le responsable de l'Ifop. Mais la montée du Front national a freiné ce phénomène dans d'autres régions comme l'Alsace. Dans cette région, la gauche a stagné entre 1981 et 2012.
Ils peuvent être des "catholiques zombies"
Si de moins en moins de personnes se déclarent catholiques pratiquantes en France, la religion influence encore les comportements des habitants dans les régions de forte tradition catholique, d'où l'expression de "catholicisme zombie". "C'est une ombre portée, décrit Jérôme Fourquet. Il y a une culture qui se perpétue alors que tout ce qui a porté cette culture - le catholicisme - a disparu."
L'enseignement privé. Ainsi, dans les bastions catholiques comme la Bretagne et la Loire-Atlantique, le nombre d'élèves scolarisés dans des établissements privés, dont une majorité est catholique, est particulièrement élevé. Un peu plus de 40% des élèves du Maine-et-Loire sont scolarisés dans le privé, et le département compte 17% de catholiques pratiquants, un taux supérieur à la moyenne nationale.
Le vote syndical. Jérôme Fourquet et Hervé Le Bras ont mis en évidence que les catholiques pratiquants ont tendance à voter pour un syndicat chrétien : la CFTC. Dans les régions à forte tradition catholique mais où la pratique a diminué, c'est le vote en faveur de la CFDT, l'organisation déconfessionnalisée issue de la CFTC, qui prédomine.
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